« Ô capitaine ! Mon capitaine ! », comme disait un fameux professeur magistralement interprété par le regretté
Robin Williams, enseignant à des élèves coincés l'art de profiter du temps présent.
Le capitaine de Gautier mérite bien cette exclamation qui, abandonnant un beau jour son « château de la misère », s'en alla, sous le règne de Louis XIII, courir l'aventure, sans bien le savoir, aux côtés d'une troupe de saltimbanques parmi lesquels il y avait la belle Isabelle : « Si elle n'éblouissait pas, elle charmait, ce qui a bien son avantage. » Avantage que sut vite reconnaître le héros, se satisfaisant de sa modeste – et apparente – condition, en conformité avec la sienne.
À partir de là, le baron de Sigognac devint
le capitaine Fracasse, oscillant entre la scène, où il jouait le matamore, et l'épée, notamment pour faire face aux machinations du duc de Vallombreuse, un prétendant coriace d'Isabelle qui « ne concevait point qu'une femme pût hésiter un instant entre le jeune et splendide duc de Vallombreuse et ce ridicule histrion », autrement dit le capitaine susnommé, ayant cependant la nette préférence de l'intéressée.
Tous les ingrédients étaient donc réunis pour une histoire de cape et d'épée qui fit – et fait encore – les beaux jours des lecteurs de nos contrées. Et les noeuds vont ainsi se nouer et se dénouer dans un tourbillon d'événements et de coups de théâtre, ce qui se comprend puisqu'il en est ici beaucoup question !
Notons qu'un chat, répondant au « doux » nom de Béelzébuth, aura un rôle prépondérant à jouer !
Évidemment, en la matière, rien ne saurait se comparer à la trilogie des Mousquetaires, mais là où Dumas va au bout du drame, Gautier nous ménage d'heureuses surprises qui sont propres à satisfaire notre goût pour le « Tout est bien qui finit bien ». L'aventure se fait alors conte.
Toutefois, on ne saurait plaire à tout le monde, et l'une des plumes les plus acérées du XIXe siècle littéraire français –
Barbey d'Aurevilly – a, semble-t-il, goûté diversement les aventures du capitaine Fracasse, écrivant que « ce n'est pas même un tableau. le
Capitaine Fracasse, sachez-le bien, n'est qu'un morceau de tapisserie faite d'après les tableaux, plus ou moins oubliés ou empoussiérés maintenant, de ces maîtres qu'on appelle Scarron,
Mme de Lafayette, Segrais, Scudéry,
Cyrano de Bergerac, et, pour mieux dire, tous les romanciers du commencement du XVIIe siècle, que M.
Théophile Gautier a imités dans ce
roman sans vie et sans passion réelle, – monument d'archaïsme, dont l'idée ne pouvait venir qu'à un littérateur de décadence, très habile, si l'on veut, et très rompu aux choses du langage, mais dépourvu entièrement d'invention puissante et de toute originalité ! »
Je ne souscris absolument pas à ce jugement lapidaire, en me gardant bien de pourfendre l'auteur de ces lignes qui a, par ailleurs, su si bien comprendre
Les Fleurs du Mal, de
Baudelaire, dont le dédicataire était…
Théophile Gautier. La boucle est bouclée !