Une découverte récente cette petite pièce de théâtre qui présentent différemment les pensées empreintes de sagesse et de philosophie de Gibran.
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L’homme.- Que pouvons-nous faire d’autre qu’attendre ?
Helen.- (Se lève et parle avec passion.) Pourquoi devrions-nous attendre, et pour quelle raison devons-nous attendre ? Tu ne sais pas, tu ne sais simplement pas ce que j’endure. (Elle tord ses mains avec une grande émotion.) Maintenant, écoute-moi. Je vis dans une maison aveugle. Tout en elle est aveugle. Même ma fille, ma chair et mon sang, est en train de devenir aveugle. Elle fait tout comme lui. Elle se déplace dans la maison en sentant les tables et les fauteuils comme si elle avait perdu la vue. Elle parle même comme l’aveugle, et parfois il me semble que sa voix émane de l’obscurité. Et lorsqu’elle est avec lui, elle ne parle jamais de formes ou de la couleur des choses, c’est toujours du son ou de la musique ou du toucher ou de l’odeur (Elle imite la façon de parler d’Anna.) Oh, je la hais ! Je les hais tous les deux. Je hais le monde dans lequel ils vivent. Ce n’est pas un monde. Ce n’est pas une vie. C’est une brume, un rêve sombre, ce n’est pas réel. Je te dis que je ne peux plus endurer ça un jour de plus, je t’assure. Ça me rend folle ! (Elle se tourne vers lui et met le bras autour de son cou.) Oh, emmène-moi, Kingdon ! Emmène-moi hors de cette obscurité. Libère-moi de cette prison.
Helen.- (Parlant en murmures étouffés, elle place sa main sur la bouche de l’homme, et lui fait signe du doigt d’aller dans le coin de la pièce où se trouvent les grandes bibliothèques.) C’est lui… l’aveugle ! (L’homme va dans le coin sur la pointe des pieds. Les pas à l’étage se déplacent vers les marches. Helen se tient debout au milieu de la pièce, droite comme un piquet, irritée, défiante. David apparaît en haut des escaliers et descend lentement. Chacun de ses pas semble taper sur les nerfs d’Helen. Après six ou sept pas, il s’arrête un temps.
Le Fou.- Le vent va effacer leurs pas dans la neige. La neige va fondre. Puis le printemps arrivera, mon ami, et toutes les fleurs de tous les champs ouvriront leurs yeux pour voir le soleil.
Le Fou.- Elle l’appelle père, et pourtant il est l’enfant de son cœur à elle. Tout homme est l’enfant de la femme qui l’aime
Lecture par l'autrice & Tania Saleh, accompagnées de Pierre Millet
Publié en 1923 puis traduit en 40 langues, le Prophète de Khalil Gibran est universel et intemporel. Ce conte philosophique puise dans les enseignements des trois cultes monothéistes, des religions de l'Inde mais aussi aux sources d'oeuvres révolutionnaires, tels que les écrits de William Blake, de Nietzsche et de Jung. Zeina Abirached offre ici la première version entièrement dessinée de ce chef-d'oeuvre. Dans une chorégraphie d'ombres et de lumières, elle nous invite à rejoindre les habitants d'Orphalèse réunis pour questionner le jeune Almustafa sur les grandes orientations de la vie. Enfant du Liban et de l'exil, comme Khalil Gibran avant elle, Zeina Abirached nous propose de découvrir autrement ce texte magistral dont la force et la portée n'ont pas fini de nous surprendre.
« C'est dans la rosée des petites choses que le coeur trouve son matin et se rafraîchit. »
Khalil Gibran, le prophète
À lire – Zeina Abirached & Khalil Gibran, le Prophète, trad. par Didier Sénécal, éd. Seghers, 2023.
Son : Alain Garceau
Lumière : Patrick Clitus
Direction technique : Guillaume Parra
Captation : Marilyn Mugot
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