Une dame centenaire, qui tient un restaurant à Marseille, et qui derrière une vie de restauratrice réputée autant par ses talents culinaires, que par la longévité de son existence, -laquelle peut très certainement s'expliciter par son tempérament hors du commun- ; cache les secrets d'une vie tourmentée, que les deuils du sang versé nés des tourments de l'Histoire de ce terrible XXème siècle, n'auront pas épargnée.
La cuisinière aura connu les massacres du génocide arménien, le viol de son corps d'enfant, l'exil, la fuite, la peur, la deuxième guerre mondiale et tout son cortège d'indicibles horreurs, jusqu'aux drames éclos sous l'ère maoïste, après une vie menée en Amérique.
Elle a aimé, a été aimée, a eu des maris, des enfants, elle les a tous pleurés. Son destin a été une mare de sang et de larmes, qui n'a jamais pu éteindre le feu de son ventre ni celui de son âme. Toujours elle a su renaître face à ses morts qui l'ont brisée, et pourtant consolidée.
Bien sûr, comme tout grand goûteur des parfums de l'Existence, elle a une potion magique, un élixir de jouvence, qui à défaut de lui apporter la jeunesse éternelle, lui procure tout du moins une vieillesse qui se prolonge continûment, et qui lui permet, encore, de sentir la morsure d'un regret, lorsque se colle à sa rétine, l'enviable jeunesse d'un mâle aguicheur… Son secret ? Elle tue. Elle tue ceux qui lui prennent ses aimés. Elle venge ses morts en toute bien-pensance. Elle échange le sang des innocents contre celui des salauds. A chaque fois qu'elle fait s'éteindre une de ces vies-là, elle reprend un surplus d'énergie, un sursaut comme une libération, un prétexte à renouveler son parcours, elle étend alors, un peu plus ses racines sur cette terre qui lui a mangé (et si constamment), les fruits qu'elle y aura fait pousser.
Ce livre n'est en rien un ode à la vengeance meurtrière, ces meurtres sont des symboles qui tentent à prouver qu'il faut tout faire pour faire reculer les monstres et cultiver la vie, en dépit de tout, des autres comme de soi. Que l'amour, le sexe, le partage, le don de soi sont les seuls atouts qui peuvent nous rendre dignes d'avoir été et d'avoir remporté le pari d'avoir vécu notre vie. Car notre héroïne ne fait pas que se venger, elle venge également tous ceux qui n'ont pas pu se relever et renaître de leurs douleurs…
Cette odyssée est aussi l'occasion pour nous, de croiser des personnalités comme
Jean-Paul Sartre (non dénué de ses petitesses),
Simone de Beauvoir,
Nelson Algren, et Félix Kersten (avec sa si délicate position et opposition), jusqu'à ces âmes noires qui auront piqué le monde d'une vaste peste brune. Mais c'est aussi l'occasion pour F.O.G., de faire entendre sa voix sur ces personnes, de livrer quelques points de vue mordants et sans concession, sur le métier d'écrivain, sur certains de ses collègues et leurs travers… Pour toutes ces raisons, et pour bien d'autres encore, ce roman est vraiment à lire…