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sur 727 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  

Rose, âgée de 105 ans, tient un restaurant à Marseille : « la petite Provence » où elle propose à ses clients une carte très originale avec des plats inspirés de tout ce qu'elle a vécu dans sa vie, de tous les gens qu'elle a rencontrés. Elle décide alors d'écrire ses mémoires sur un carnet car sa vie à été mouvementée.
Elle naît en Arménie le 18 juillet 1907, près de la mer Noire, à Kovata, capitale mondiale de la poire, dans des conditions rocambolesque car sa mère accouche contre un cerisier, « c'est ainsi que je vins au monde, en dégringolant ».
A Constantinople, le chef des Sunnites ordonne la purification donc le génocide des Arméniens commence. Un jour, sa famille est arrêtée et exécutée et elle en réchappe en se cachant dans le jardin. Elle découvre une salamandre jaune qu'elle prénomme Théo et à qui elle confie ses émotions et ses pensées.
Mais elle est rattrapée et mise dans un « petit harem », tenu par Selim Bey auquel elle doit faire des fellations. Selim Bey la garde deux ans et la donne à un de se amis qui l'embarque sur son bateau, quittant Trébizonde pour gagner Barcelone.
Elle ne pense qu'à s'enfuir et à se venger. Il lui restera de son enfance que le souvenir d'un plat que préparait sa grand-mère : le « Plaki » à base de haricots.
Elle profite d'une escale à Marseille pour s'échapper. Pour échapper aux sbires de Chapacan Ier, en argot « voleur de chiens », un truand local, qui l'oblige à faire les poubelles, elle se réfugie chez Barnabé Bartavelle, qui tient un restaurant où elle apprend à cuisiner les aubergines. le truand la retrouve et elle fuit à nouveau avec Théo toujours pour se retrouver enfin chez Emma Lempereur qui l'accueille chez elle et avec son mari décide de l'adopter.
Elle est bien chez eux, elle fait des études, mais les Lempereur meurent l'un dans un accident l'autre de chagrin et les héritiers, pingres, la transforment en esclave, lui faisant faire toutes les choses ingrates et bien-sûr décident qu'elle n'a plus besoin de faire des études (l'année du bac) et décident au passage de lui détourner l'argent de son héritage car elle est mineure et ils deviennent ses tuteurs légaux.
Rose rencontre ensuite Gabriel Beaucaire dont elle tombe amoureuse et qu'elle finit par épouser et part s'installer à Paris chez lui (pendant ce temps ses tuteurs font croire à sa disparition). Elle part avec Théo et la liste de toutes les personnes dot elle souhaite se venger. Ils auront deux enfants ensemble : Edouard et Garance. A Paris, elle ouvre un restaurant qu'elle baptise « la petite Provence ».
Gabriel écrit des articles dans les journaux pendant que Rose invente ses plats dans sa cuisine, brandade de morue, soufflé au caramel et son fameux flan au caramel. Ils sont heureux et Rose ne pense qu'à leur petite vie douillette sans voir la montée de l'antisémitisme s'installer. On commence traquer les Juifs en allant chercher dans leur arbre généalogique les noms pouvant être d'origine juive et à les arrêter, à incendier les synagogues, à piller les magasins semant la terreur.
Mais, peu à peu, la presse antijuive se déchaîne et tout le monde s'en prend à Gabriel par articles interposés.
Tout en devisant avec Théo, Rose décide d'aller régler ses comptes avec le premier de la liste, celui qui a tué son père, et pour ce faire, part donc en Turquie. Gabriel est considéré comme Juif car il porte le nom d'un village et souvent les Juifs qui venaient en France changeaient de nom : soit on essayer de traduire le leur, soit on leur donnait le nom d'un village par exemple.
Après avoir régler son compte à celui qui a tué son père, Rose comprend que Gabriel est en danger et l'aide à se cacher alors qu'ils se sont séparés car elle l'a trompé. Mais il sera arrêté avec les deux enfants sur dénonciation et conduit au Vel d'Hiv.
Rose ne sait pas où ils sont. Pour s'occuper l'esprit elle se met à étudier les plantes et se lance dans la phytothérapie proposant ses tisanes aux clients. Dans son restaurant, se côtoient les têtes pensantes de l'époque, le gratin de la société la police aussi.
Un jour Himmler entre sans son restaurant, après un défilé des troupes allemandes sur les Champs-Elysées. A la fin du repas, il demande à la voir pour la féliciter pour sa cuisine et en particulier sa brandade de morue. Elle lui explique l'origine de la phytothérapie, lui parlant de Galien, des écrits de Sainte Hildegarde et il repart les poches pleines de tisane de Ginseng car c'est un travailleur acharné, infatigable.
Il est attiré par elle, sa beauté, sa truculence et finit par tomber amoureux. Elle va se servir de lui pour savoir où sont Gabriel et les enfants. Elle est toujours dans la démarche de la vengeance et quand cela devient critique pour elle, il lui propose de l'emmener à Berlin en étant sa cuisinière. Je vous laisse découvrir la suite…

Ce que j'en pense :

J'ai beaucoup aimé ce livre. L'histoire est rocambolesque car Rose a une vie très active (un peu comme le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire), elle échappe au génocide arménien par miracle et elle va connaître tous les génocides du XXème siècle, l'extermination des Juifs, les dictatures, mais aussi les travers de l'Amérique et un clin d'oeil à Marseille…
Elle est généreuse, drôle, amoureuse (ses coups de coeurs sont quand même caricaturaux) et pourtant même si l'auteur nous parle de sa beauté, je ne la trouve pas féminine, je n'ai pas réussi à la voir autrement qu'en Franz-Olivier Giesbert en jupons avec un tablier, parlant comme un charretier souvent…
Ce livre se déguste, au propre comme au figuré. On alterne les atrocités et les recettes de cuisine qui mettent en appétit, excitant nos papilles. En fait, la cuisine est un héritage de toutes ses rencontres tout comme ses lectures : Byron avec sa grand-mère, le poète John Keats avec Emma Lempereur entre autres. de chaque étape de sa vie restent une (ou plusieurs) recette de cuisine et un enrichissement de sa bibliothèque.
On voit défiler Sartre et Simone de Beauvoir qui ne jurent que par Staline et le communisme. Elle parle très bien d'ailleurs du fonctionnement si particulier de ce couple avec qui elle ira en Chine. On rencontre aussi Mao, et un beau Chinois Liu dont elle tombe amoureuse.
Chaque fois qu'il y a des difficultés dans sa vie, elle part trucider quelqu'un, cela soulage sa colère ou son impuissance. C'est en cela qu'elle est attachante d'ailleurs. Chaque fois qu'une épreuve survient, elle en fait quelque chose de positif qui la fait avancer dans la vie, et même parfois, la maintient en vie.
On note aussi l'importance de Théo la salamandre qui est un peu sa conscience car elles ont un dialogue imaginaire et Théo lui reproche sa conduite, ses erreurs, ses dérapages.
On découvre aussi Félix Fersten, Estonien, qui est le masseur d'Himmler, personnage particulier formé par un grand maître tibétain. Il soulage Himmler de ses terribles maux d'estomac, en lui faisant signer des papiers annulant des déportations. On retrouve cet homme dans un livre excellent de Kessel : « les mains du miracle ».
On visualise sans peine sa rencontre avec Hitler, végétarien, qui se termine par une beuverie phénoménale non sans conséquences.
On reconnait l'érudition et le talent du journaliste qui sait parler de la grande Histoire et la combine bien avec la petite histoire de Rose.
Enfin, je retiens l'importance de Marseille, de la Provence et surtout de la Méditerranée qui apportent de la lumière à ce livre comme la cuisine amène des parfums exotiques ainsi que les personnes, hautes en couleurs aussi, qui font partie de sa vie d'aujourd'hui.
Donc, un bon livre que j'ai eu beaucoup de plaisir à lire et que je recommande.

Lien : http://eveyeshe.canalblog.com
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Il existe mille et une façon de mettre en pages la guerre, tant cette activité aussi vieille que l'humanité affecte les fondamentaux de la société et le quotidien de ces citoyens, qu'ils soient civils ou militaires. Les parutions de cette année nous l'ont largement démontré.
D'autre part, les centenaires se portent particulièrement bien en littérature : George Dawson dans Life is so good ou ce facétieux Allan, héros de Jonas Jonasson. C'est de plus pratique pour survoler les événements d'un siècle.
Franz-Olivier Giesbert conjugue ces deux occurrences pour le plus grand plaisir du lecteur : c'est ainsi qu'il donne la parole à Rose, 105 ans, dont le passé offre des garanties en matière de destinée hors du commun.
Rose est née en Arménie mais n'y restera pas longtemps : le génocide lui a ravi sa famille. C'est en s'échappant d'un yacht de luxe où elle était séquestrée et réduite au rôle d'esclave sexuelle, qu'elle débarque à 11 ans à Marseille. La galère n'est pas pour autant finie, et les quelques années de bonheur qu'elle vivra dans ce qui serait à l'heure actuelle une famille d'accueil, feront place à d'autres violences.
Le récit pourrait être celui d'une descente aux enfers si la jeune fille n'était pas guidée constamment par une rancune tenace, qui la contraint à des passages à l'acte vengeurs. Elle tient à jour la liste de ses ennemis…et s'en remet à un autre personnage clé du roman, Théo, une salamandre qui, telle que le criquet de Pinocchio, lui tient lieu de conscience

Outre la soif de vengeance, c'est la cuisine qui constitue une raison de vivre pour Rose, souvenir de sa grand-mère , premiers emplois, puis autonomie en ce domaine lorsqu'elle crée son premier restaurant, rapidement reconnu. de multiples rebondissements qui font tout l'intérêt du roman et que je tairai donc, la conduiront à ravir les pailles du sinistre Himmler, ce que nous promet le titre.

C'est une histoire passionnante et bien menée, même si quelques invraisemblances nous rappellent qu'il s'agit d'une fiction (on peut tuer quelqu'un avec des témoins et en laissant sur place sa signature, et s'en sortir en déménageant simplement aux US? Mais que fait la police?).


L'un des atouts du roman est ce personnage féminin haut en couleur et animé d'une rage de vivre et de se faire justice. Quand on naît sous des cieux où la violence est le quotidien, les codes sociaux risquent de subir quelques distorsions.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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La culpabilité du survivant est un thème assez récurrent dans la littérature, surtout dans les récits des drames de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois l'approche de Franz-Olivier Giesbert est assez novatrice car ce qui pourrait être retranscrit comme une suite de jérémiades et d'apitoiement, devient étrangement tragi-comique.

L'horreur et la fatalité cheminent main dans la main semant le chaos et notre héroïne va devoir affronter son destin d'une manière inéluctable et funeste... jusqu'à sa mort.

Les premières pages nous font vaguement évoquer l'écriture tarabiscotée d'Arto Paasilinna, et on se demande où l'auteur nous amène, avec un démarrage tambour battant et d'associations d'idées surprenantes.
A la fois drôle, politiquement incorrect et souvent cru, ce récit devient au fil des pages plus touchant et profond qu'on ne le croit.

L'odeur de la mort est présente partout.
La vie roule dessus les personnages, les renversant, faisant marche-arrière et les écrasant à nouveau dans un étrange ballet de sauvagerie.

Franz-Olivier Giesbert nous dit la lumière qu'apporte l'espoir mais aussi les heures sombres de l'Histoire. Beaucoup d'heures sombres.
Il nous dit la puissance des mots et des idées. Il nous raconte aussi la force de l'amour, les sacrifices endurés, la quête de liberté et ce qui reste après la lutte.

Nietzsche a dit: «  Il faut porter du chaos en soi pour accoucher d'une étoile qui danse »

Franz-Olivier Giesbert nous susurre « qu'il faut continuer à croire en l'homme malgré les hommes »

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Rose a 105 ans. A travers le récit de sa vie, elle nous fait revivre l'Histoire depuis le génocide Arménien jusqu'à la seconde guerre mondiale.
Rose est une vieille dame atypique : loufoque, déterminée, hédoniste, elle mènera sa vie selon sa devise : la vengeance et l'amour.
« Hâtons-nous de succomber à la tentation avant qu'elle ne s'éloigne. »
« La vengeance est certes une violence faite au code civil et aux préceptes religieux, mais c'est aussi un bonheur dont il me semble stupide de se priver ».
Ce roman est très drôle. Rose a un franc parler et nous fait part de son parcours et de ses réflexions avec truculence.
« La cinquantaine obèse, il était la preuve vivante que l'homme descend moins du singe que du cochon. Dans son cas, ce n'était pas n'importe lequel mais le verrat de concours qui, en équilibre précaire sur ses deux pattes arrières, peine à porter des jambons flageolants. »
Elle rencontrera des personnages de L'Histoire, Himmler mais aussi Sartre et Beauvoir et d'autres encore. Son destin sera lié aux leurs.
Bien sûr, peu d'évènements liés à l'Histoire sont crédibles. Mais ils ont l'avantage de les rendre plus humains, plus accessibles.

Le style est enlevé, facile à lire et on suit les (més)aventures de la narratrice avec beaucoup d'empathie, son humour laissant le sourire aux lèvres.
Un roman sympathique qui nous fait voir l'Histoire du XXème siècle sous un angle très différent des manuels scolaires.
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Je m'aperçois que mes dernières lectures de Franz-Olivier Giesbert remontent à bien longtemps, plus exactement à avant 2012, date de ma découverte de Babelio. Pour preuve, ses quelques livres lus par le passé sont inscrits dans ma bibliothèque mais ne comportent pas de critiques. Je renoue donc avec plaisir avec cet auteur perdu de vue et, si ma mémoire est bonne, avec sa plume un brin caustique.

Marseille, 2012, Rose, qui a dépassé les 100 ans, a décidé d'écrire ses mémoires. En découvrant son histoire écrite à la première personne, c'est toute L Histoire mondiale du XXe siècle que le lecteur va revisiter. En effet, tout au long de sa vie, Rose a eu la bougeotte, parfois bien malgré elle pour survivre, parfois de son plein gré, de l'Arménie jusqu'en Chine, en passant par Berlin et les États-Unis sans oublier Paris et Marseille. Au fil de ses pérégrinations, les génocides se succèdent à travers le monde, mais malgré toute l'horreur de ce contexte historique, Rose est un personnage truculent, une femme totalement libre que l'on suit avec bonheur. Sa devise étant "la résilience passe par la vengeance", son appétit de vie n'a d'égal que son désir de régler leur compte à ceux qui l'ont faite souffrir. A ses côtés, on côtoie des personnages qui ont marqué l'époque (plus souvent en mal qu'en bien), on parle de livres, de musique, de cuisine, d'amour et de plaisir.

Évidemment, comme à son habitude, F.O.G. ne fait pas dans la demie-mesure. de sa plume acerbe, il rhabille pour l'hiver certaines célébrités, Sartre en prend pour son grade. Il a donné à son roman un titre très vendeur mais tout de même assez réducteur (Rose ne passe pas sa vie auprès de Himmler). Et bien que l'auteur prête à son héroïne de belles phrases hautement philosophiques, elle reste un personnage totalement outrancier, qui à 105 ans, joue de la gâchette et fait du krav maga. Malgré son côté rocambolesque, j'ai vu dans ce roman une véritable ode à la vie et je lui accorde un 16/20.
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Avec « La cuisinière d'Himmler », Franz-Olivier Giesbert nous transporte à travers toute l'Europe dans une histoire rocambolesque.
Et c'est Rose, une centenaire truculente qui va nous accompagner à travers le périple de sa vie.
Toute jeune arménienne, Rose vivra le génocide de son peuple, de toute sa famille quasiment sous ses yeux. Unique survivante, elle ne devra sa survie qu'à sa beauté, et à la lubricité des hommes qui en feront une esclave sexuelle bien qu'enfant.
Elle réussira à s'enfuir et avec courage elle traversera tout ce siècle avec des aventures mirobolantes mais néanmoins tragiques.
Elle trouvera l'amour, qui lui sera enlevé. A chaque coup au coeur, elle se vengera car pour elle, il n'y a que la loi du talion qui compte. Tu prends, je prends.
Une histoire qui tient en haleine, malgré certains passages un peu brouillon, mais néanmoins on se régale à la cuisine de Rose. D'haleine il en est question aussi, car Rose ne supporte pas les haleines fétides qui pour elle sont le trouble d'une alimentation déséquilibrée et mauvaise. Alors Rose concocte de fabuleuses recettes, qu'elle a acquises au fil de sa vie.
En somme une écriture très vive et documentée. Un peu, beaucoup déjantée mais qui nous tient dans la ligne très compliquée de la vie de Rose. Tout est prétexte à nous parler de cuisine, mais surtout on voyage à travers tous les grands bouleversement du Xxème siècle, et on y côtoient les pires criminels qui soient, à savoir Staline, Hitler, Himmler, Mao et d'autres bien moins connus mais tout aussi virulent.
Le pragmatisme de Rose, nous donne vraiment une belle leçon de courage.
J'ai passé un bon moment en sa compagnie à la fois triste et gouailleur et je ne peux que vous le conseiller.
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L'histoire rocambolesque de Rose, qui a traversé le XXème siècle un peu à la manière de Forrest Gump, au coeur des plus grands événements et auprès des puissants de ce monde...
Le ton de ce roman, totalement décalé, en fait un objet littéraire inclassable et attachant. Même en traversant des horreurs, Rose garde son humeur et son humour, ce qui donne un ton très particulier au roman, avec lequel j'ai passé un excellent moment !
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Quand le journaliste Franz-Olivier Giesbert devient romancier, il ne manque pas de nous surprendre.
En dépit du titre, "la cuisinière d'Himmler" n'a rien d'un témoignage historique mais tout d'un récit picaresque, à propos de Rose, sa truculente héroïne qui traverse le XXe siècle avec détermination et cynisme.
Les aventures de Rose se présentent comme un millefeuille où alternent les faits ou plus exactement les méfaits tragiques de l'époque, interposés avec les expériences extravagantes de notre cuisinière.
J'ai été secouée, impressionnée par le ton faussement désinvolte de FOG, tout en insolence et provocation, enrobant dans un humour noir qui peut scandaliser, les pires abominations historiques des cent dernières années.
A la manière d'un gastronome inventif, l'auteur marie d'étrange façon ses ingrédients : une pincée d'érudition, une petite dose de gouaille et une grosse louche de cynisme. Le résultat est un mets surprenant, un cocktail loufoque et tragique qui peut agresser les papilles délicates mais auquel j'ai trouvé la saveur de l'originalité et de l'audace, avec une pointe de dérision qui affleure constamment pour dire la vérité en face.
Malgré quelques réticences, je n'ai jamais songé à abandonner, me demandant sans cesse jusqu'où Rose et FOG allaient nous entraîner.
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Le mot 'Truculence' est celui qui convient le mieux pour décrire 'La Cuisinière d'Himmler', le dernier roman de Franz-Olivier Giesbert, qu'on a surtout connu essayiste et portraitiste de Présidents. C'est l'histoire d'une femme qui traverse tout le XXème siècle, ses génocides, ses haines, ses ingratitudes, avec le même esprit bon-vivant, amoureuse et épicurienne. La mayonnaise entre les horreurs des guerres et la faconde joviale de cette cuisinère prend bien, son sens de la vengeance est aussi poivré que sa cuisine provençale. Un bon roman donc, qui permet de traiter l'histoire contemporaine (le génocide arménien, le nazisme, le sartrisme, le maoïsme, l'américanisme et le provençalisme, ce dernier devenant la valeur-refuge dans un monde devenu fou. J'ai apprécié l'absence de jugement de la part de l'auteur, qui permet au lecteur de se faire librement son opinion. Tout au plus peut-on regretter un sens de la formule un peu trop prononcé (tare journalistique fréquente), qui fait douter de la sincérité de l'auteur. Mais l'ensemble est de bonne facture, avec une trame bien ficelée et une structure romanesque originale. A lire, tant par les gens de ma génération, que par les jeunes qui ont trouvé les cours dhistoire de Terminale un peu trop ennuyeux à leur goût.
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Franz-Olivier Giesbert est un malin. Il écrit chaque semaine de beaux éditoriaux, très profonds, dans le Point. Mais tout le monde ne lit pas ce magazine. Aussi, pour s'adresser au plus grand nombre, rien ne vaut un beau roman, romanesque et historique. "La Cuisinière de Himmler" étonne déjà avec ce titre inattendu. C'est une histoire fictive, mais qui s'inscrit dans son siècle, avec de nombreux personnages historiques comme protagonistes du récit. L'occasion de revisiter l'Histoire de manière légère, en compagnie d'un personnage attachant, Rose, une femme d'origine arménienne dont on va suivre toute la vie au cours des 360 pages du roman. Et quelle vie !...

Giesbert lui a inventé un destin aux petits oignons. Elle a 105 ans, et a tout connu dans le siècle écoulé : le génocide arménien, la montée de l'anti-sémitisme des années 30, le nazisme dans l'entourage immédiat d'Himmler, les années glorieuses de l'Amérique des années 50, le grand bond en avant de la Chine de Mao, l'émancipation et la libération des femmes des années 70 et la grande vieillesse dans notre époque qui ignore ses anciens. L'accumulation de ces tranches de vie symptomatiques de leur époque, aussi improbable soit-elle, permet tout simplement de parler subrepticement d'Histoire. Giesbert retrouve l'esprit de chaque époque pour rappeler quelques vérités qu'il assène avec la finesse d'un polémiste rompu au débat d'idée. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il déménage !

Les premières pages sur le génocide arménien sont saisissantes. Giesbert rappelle, l'air de rien, la responsabilité totale des Turcs qui, aujourd'hui, contestent encore la chose. On ne parle pas assez de cette première éradication organisée d'un peuple entier, près de 25 ans avant le nazisme. Puis, de retour en France, Rose retrouve un autre conflit, plus souterrain, l'anti-sémitisme purulent qui monte dans le pays, bien avant Hitler. Les périodes s'enchaînent qui donnent lieu à des charges en règle contre des illusions collectives qui ont détruit nos civilisations patiemment construites. Si l'attaque contre la folie nazie est consensuelle, l'ironie grinçante contre les marxistes et maoïstes de tout poil fait mouche. Giesbert distille ses scud avec une passion communicative. Il taille ainsi un costume à Jean Paul Sartre particulièrement savoureux. L'auteur des "Mots" n'a pas ses faveurs, contrairement à Albert Camus qu'il vénère.

Mais ne nous méprenons pas. Au delà du règlement de compte politique, "La cuisinière d'Himmler" est d'abord une belle histoire, avec une héroïne attachante. L'écriture est enlevée et le récit alerte. Et le moralisme de Giesbert reste en filigrane... Une lecture réjouissante !
Lien : http://calembredaines.fr
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