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EAN : 9782070361984
274 pages
Gallimard (18/09/1972)
3.94/5   102 notes
Résumé :
Ils se jetèrent l'un contre l'autre.
En échappant aux bras, Mon Cadet frotta sa tête contre la poitrine de Marceau. Il entendit de nouveau les furieux coups sourds. Il comprit que c'était le cœur de son frère ; il se sentait, lui, propre, net, sec et dur comme un fuseau de quenouille. Il lui glissait des mains, il prit audace et appuya carrément son épaule contre le ventre de Marceau. Il essaya de le ceinturer. Marceau le saisit aux hanches et le souleva.
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Deux cavaliers qui vous sortent de la torpeur estivale. Cette lecture est un choc salutaire au milieu d'une saison trop sèche, comme le petit verre d'alcool avalé cul-sec qui vous secoue à la fin d'un repas trop lourd. Écrit entre 1938 et 1942, publié en feuilleton en 1942-1943, le livre ne fut publié en volume qu'en 1965. Dans la famille Jason les parents dont la vie est relatée en préambule ("Histoire des Jason") eurent trois fils qui ne furent bientôt plus que deux. "Celui du milieu" Marat, prénom qui honorait un aïeul guillotineur, fut tué à la guerre quatorze. Marceau l'aîné protecteur dit "Jason l'entier", rentré sain et sauf, et Ange le dernier, de dix-sept ans "son cadet" auréolé d'une toison lumineuse digne du patronyme, restèrent seuls avec la vieille Ariane leur mère à la mort du père. Puis Marceau épousa Valérie et eut cinq enfants. Ange trouva Esther. C'est leur histoire personnelle et familiale qui est racontée. Tendre, âpre et rude en même temps. Histoire d'une passion fraternelle et physique réciproque peu ordinaire dessinée dans l'inséparabilité de deux corps frères musculeux gâtés par la nature et de deux destins "héroïsés", soudés l'un à l'autre, dont les "Tendresses" du second chapitre portent déjà en germe l'issue d'un dénouement inéluctable.

Chacun sera le Dieu de l'autre. Même pendant le service armé du plus jeune ils resteront ensemble, libres de circuler, l'aîné ayant su faire prévaloir aux autorités militaires sa compétence et celle de son frère à pourvoir efficacement la remonte des bataillons de la caserne. Récit aux échos éternels d'une mythologie et d'une culture méditerranéenne dont Giono est le chantre. le culte du corps athlétique et de la lutte en toile de fond. Les Alpes provençales deviennent tout doucement et au fil des saisons le théâtre d'un glissement fatal rythmé par un enchaînement d'événements fortuits. Les femmes en présence, impuissantes, n'y changeront rien. D'un jeu où il se mesurait d'abord aux autres, puis de défis en défis (de moins en moins contrôlés) et sous le regard subjugué de "son cadet" qu'il a sauvé de l'étouffement du "Crou" (diphtérie) Marceau, séduit par la lutte en devient le champion toutes catégories ("Clef-des-Coeurs" ; "le Flamboyant"). Est-il emporté par le goût du combat brutal dont les plus obscurs ressorts semblent tapis sous les vertus d'une force physique employée jusque là à protéger "son cadet" ou par celui d'un désir fou de domination qu'il a transmis à son insu au petit frère rêvant d'être comme lui ?

Tout cela inscrit dans une poétique de l'espace et du temps à hauteur de chevauchées sur mules et mulets dont Giono ajuste les séquences à la manière d'un horloger qui sait faire sonner ses pendules quand il faut. C'est à dire à l'heure et, malheureusement pour Ange et Marceau, à celles des plus sombres tragédies antiques. Les Hautes-Collines "du dessus" et les forêts enchevêtrées familières aux frères Jason prêtent d'abord leur cadre, en prémisses, à l'apprentissage du cadet, puis ce sont les basses vallées d'ormes et de platanes où les deux maquignons chevronnés font ensuite enfler leur réputation par un "art" discutable du commerce ; encore plus loin la ville, danger, offre des visions de moissonneurs encanaillés, de foires aux relents de jalousies, mais la ville témoin de l'exploit public de Marceau, celui qui consacre sa force dans un corps à corps avec un cheval furieux ("Les courses de Lachau"). Huit chapitres d'une langue somptueuse, épicée, suggérant des mythes oubliés, d'un style incomparable, conçus comme les actes d'une tragédie oui, qu'illustrerait la longue et pénible attente des femmes dans un huis-clos menaçant, dialogue ininterrompu au cours d'un chapitre interminable entre peur et soulagement. Jusqu'à la purge dramatique émotionnelle finale énoncée par un choeur de villageois inconsolés. Dépaysant et splendide à la fois.

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Une prouesse dans le style où se mêlent conte, narration et presque le théâtre (des longs dialogues affiliés directement à l'action sans que la narration viennent éclaircir certains détails). La nature occupe une bonne place dans ce livre, que ce soit dans la description de sa beauté ou de sa rudesse, beaucoup plus de sa rudesse et une fabuleuse description comportementale des animaux nous interpelle à un point on oserait se demander y'aurait-il pas un peu de raison dans l'animal, se sont des fins calculateurs qui perçoivent les choses avant qu'elles n'arrivent, et qu'il y aurait un peu plus d'animosité dans l'homme, car celui-ci peut changer d'un moment à l'autre. En effet, deux cavaliers de l'orage nous parle d'un amour fraternel entre deux frères qui va se transformer en une haine implacable...
Je dirais pas que j'ai adoré le livre, mais j'ai eu un réel plaisir à le lire, à côtoyer ce monde où les dialogues entre femmes sont très vivants, et les hommes, comme toujours, pendant que les femmes se partagent quelques secrets, se déchirent pour accéder au pouvoir.
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Giono voulait , disait-il écrire un roman dans l'esprit de la tragédie grecque . S'il est grec par les noms (Jason , Ariane ..) ce texte est bien plutôt une épopée aztèque : des femmes aux bras ensanglantés craignent la disparition du soleil, les hommes s'affrontent dans un vertige de violence à la serpe et à la faux , on sacrifie des animaux et pour finir un homme. le soleil reviendra-t-il ? Qui vaincra ? le Trop-fort ou le Trop-beau ? Jusqu'où l'amour peut-il conduire ? Et tout cela dans un Haut-pays sombre que n'éclaire , l'été , que la traîne des paons et , l'hiver , la trace sanglante du sacrifice. de tous les romans de Giono, c'est bien celui qui justifie le mieux le titre « Giono Furioso » de l'essai récent d'Emmanuelle Lambert. La violence dont l'auteur fut gavé en 14-18 ressort ici dans une oeuvre magistrale et, à mon avis , injustement méconnue.
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Dans cette histoire où le folklore Bas Alpin sert de décor, les personnages sont avalés par une Nature menaçante (ciel obstrué, nuit enveloppante, forêt obscure, bêtes inquiétantes et dangereuses). Jean Giono a choisi de montrer le côté rude de ces bien jolies Terres. Étant originaire de Manosque, je peux certifier qu'il a volontairement occulté l'aspect bienveillant et paisible de la Nature Provençale pour ne faire ressortir que le côté hostile. Aussi le parti pris est complètement réussi puisque aucun élément extérieur ne semble pouvoir, dans ce récit, adoucir la vie des protagonistes.
Au milieu de cette Nature dévorante et hostile donc, l'Homme doit choisir ses armes : ce sera l'ironie pour les femmes et la force physique et le courage pour les hommes.

Ce livre pourrait être une pièce de théâtre champêtre tant les dialogues sont présents. Ils sont réduit à l'essentiel (il n'y a que très peu d'indication sur les intervenants) et vont au coeur des choses, à la recherche constante de la Vérité brute (Alors? Alors quoi?).
Le déroulement du récit, jusqu'au dernier chapitre "Choeur" sans aucune possibilité de retour en arrière, est fondé sur un rapport de force qui est constamment et fondamentalement à l'oeuvre : il agit entre les Hommes et la Nature, entre l'homme et la femme, entre les hommes eux-mêmes.

C'est un roman à lire absolument si le vue et l'odeur du sang n'est pas un obstacle.
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J'ai lu ce livre il y a déjà longtemps. Avec un souvenir d'un plaisir certain !
Il s'agit de l'histoire d'une relation "magnétique" - aujourd'hui on dirait fusionnelle - entre deux frères, qui va évoluer vers le conflit, puis vers la catastrophe.
L'idée, quoique basique en termes de relations entre les hommes est plutôt géniale, mais en plus elle est traitée par Giono. Autant dire que l'on ne s'ennuie pas et que l'on tourne les pages avec une sorte d'avidité.
(J'aime beaucoup Giono - Ça va finir par se voir !)

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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Ils allèrent à Lachau, à la foire d'automne, la plus importante de l'année. La foire des paons. À cette foire là, on vend des paons. Il n'y en a pas cent mille ; il y en a trente ou cinquante au plus. Mais pour cette sorte de chose c'est beaucoup. Il ne s'agit pas d'acheter de la volaille ; il s'agit de s'acheter du contentement. Tous les marchands de paons sont de Saint-Hilaire. Tous les acheteurs sont des Hautes-Collines. Saint-Hilaire est un pays de coteaux, lieu de tendresses plein de fleurs : cosmos, roses trémières, capucines de toutes les couleurs, et même des tournesols si éclatants dans le vert des prés qu'on les voit et qu'ils éblouissent depuis les lisières des Hautes-Collines. On comprend très bien que les gens de cet endroit vendent des paons. Inutile de dire ce que c'est ici, chez nous, au contraire : vert de bronze, noir et silence, à part le mugissement du vent. On comprend très bien pourquoi c'est le pays des acheteurs de paons. (p. 48)
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Ah ! Et puis, ma belle Valérie, les hommes sont des hommes. A l’âge qu’on a, Ariane et moi, on se dit bien que pas une fois on n’a compris, ni ce qu’ils pensaient, ni ce qu’ils faisaient.
Parce que je sais me tenir à ma place. De mon temps on nous avait appris la chose une fois pour toutes. D’un côté il y a ceux qui sont dans la vie, et de l’autre côté il y a nous, les femmes.
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Juste avant la neige et l'entrée de l'hiver, la saison donne brusquement quelques jours d'une limpidité extraordinaire. Ils sont précédés d'une semaine dont les nuits gèlent très dur. Ce gèle apporte le silence. La forêt perd toutes ses feuilles. De matin en matin on voit se décharner les os des arbres. Le squelette de la forêt émerge peu à peu comme d'une eau trouble qui dépose ses limons sur la terre. Le ciel se clarifie de plus en plus bas à travers les branches, bientôt il entoure le tronc des chênes. Dans les cantons déserts, où les arbres sont serrés les uns contre les autres, on voit briller le jour, au-delà de la forêt, comme à travers une grille.
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Si tu avais vu le devant de son gosier! Tout autour il lui avait poussé une couenne de deux doigts, comme du gras de jambon. Sale comme de la poussière de route.(...) Il tirait pour respirer. Ah ! N'importe quoi ! Mais lui enlever ce qu'il a dans la gorge ! Qu'il respire ! Qu'il meure s'il veut mais qu'il respire ! Allez ! Le poireau ! (...) N'importe quoi ! Donnez moi n'importe quoi ! Un bâton, un couteau, avec les doigts. Je veux lui enlever ça. Je ne vais pas le laisser étrangler devant moi. Donnez moi un poireau.
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Le suivant, c’était Bel-Amour, le bien nommé : un bel enfant de cent quarante kilos, le nez comme une truffe, un front de poisson, l’œil de ceux du fond des vallées là-bas derrière, d’où il était d’ailleurs : des mains qui pendaient plus bas que ses genoux, des pieds larges comme des chapeaux et plaqués directement dans ces jambes, sans chevilles : un fiston, quoi ! Une chose seulement : son poil de tête, noir d’encre, des moustaches en croc, cirées, pointues, trois crans de colle dans ses cheveux lisses et un bel accroche-cœur sur la tempe droite. Une autre chose : tout ça, et probablement de la tête aux pieds, était parfumé au musc et à la violette – modestie.
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Videos de Jean Giono (61) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Giono
Denis Infante a publié son premier roman Rousse publié aux éditions Tristram le 4 janvier 2024. Il raconte l'épopée d'une renarde qui souhaite découvrir le monde. Un ouvrage déroutant par sa singularité. Son histoire possède la clarté d'une fable et la puissance d'une odyssée et qui ne laissera personne indifférent. L'exergue, emprunté à Jean Giono, dit tout de l'ambition poétique et métaphysique de ce roman splendide : "Dans tous les livres actuels on donne à mon avis une trop grande place aux êtres mesquins et l'on néglige de nous faire percevoir le halètement des beaux habitants de l'univers."
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