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EAN : 9782070362493
369 pages
Gallimard (16/11/1972)
3.77/5   321 notes
Résumé :
Publié en 1950, cette célèbre chronique, à la couleur intensément tragique et au style souple et varié, doit son titre à un aphorisme de Vauvenargues qui définit l'âme forte comme étant "dominée par quelque passion altière et courageuse". Cette âme forte, c'est avant tout celle de l'héroïne, Thérèse, personnage stendhalien, à la fois ingénue et prédatrice déclar&... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (30) Voir plus Ajouter une critique
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C'est une nuit de veillée funèbre. Celle d'Albert. Giono - avec 5 personnages : le mort, son épouse qui dort, Thérèse et deux commères – fait de cette veillée un chef d'oeuvre de réflexion sur l'humain, l'ambiguïté, la démesure. Cette nuit blanche dont le motif – la mort – n'est pas anodin, n'est également un prétexte pour créer un huis-clos entre les trois femmes éveillées. Thérèse est la plus vieille c'« était une âme forte. Elle ne tirait pas sa force de la vertu : la raison ne lui servait de rien » ; elle est le sujet de ce roman. Cette âme forte de sa détermination presque animale, va raconter/ confesser sa vie. Je dis confesser mais Thérèse une femme résolue qui n'a besoin ni de confesse, ni de pardon. Elle vit par et pour elle. Un deuxième personnage va apporter tout au long du récit de Thérèse des éclairages nouveaux. En contredisant le récit idéalisé de Thérèse, elle l'oblige à bifurquer vers la vérité. C'est un effet de miroir déformant qui est très troublant car on ne saisit pas bien qui manipule qui. En effet, le récit commence doucettement par la fuite de Thérèse avec son amoureux, Firmin qui n'est pas accepté par ses parents. Leur romance racontée de façon idyllique les conduit jusqu'à une auberge où ils vont trouver tous les deux un honnête travail mais c'est compter sans la commère qui a entendu parler d'une autre histoire entre les tourtereaux. Un récit plus sombre, fait d'errance, de trimard (comme dit Thérèse) sur les routes, sous la pluie, fait de petites escroqueries, et à se donner au plus offrant. La narratrice reprend alors la parole sans s'opposer à cette vision. On s'attend à ce qu'elle se fâche mais non ! Au contraire, elle continue l'histoire en se plaçant sur ces nouveaux rails. Et oui, la réalité était différente, le récit continue, plus complexe. On découvre Thérèse faisant, à Châtillon (un petit bourg très provincial) la rencontre cruciale de Madame Numance – une autre âme forte, déterminée à faire le bien. Elle devient pour Thérèse une sorte de mère sublimée, le visage de l'amour, prête à tout lui donner, jusqu'au dernier de ses sous. Elle en sera la servante dévouée, la fille adoptive pendant que Firmin, lui, se détériore et rêve de richesse. La finesse d'étude des personnages que nous livre Giono confine au chef d'oeuvre quand survient une ultime contradiction qui précipite une fin inattendue et une chute infernale. le revirement est brutal. Un livre puissant.
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se lit comme un thriller, avec retournement inattendu ; la puissance de feu de Giono nous laisse pantelants et songeurs ... fine étude de moeurs
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Giono c'est une atmosphère. Bien sûr on pense à la Provence, mais là, même si on y est en Provence (côté montagne de la Drôme) elle ne joue pas un grand rôle dans cette histoire. Ici c'est le tréfonds de l'humanité qui prime, cette âme si difficile à déceler.Giono ce sont des personnages. Et ici Thérèse, cette Thérèse partie de rien, sans instruction mais avec un grand dessein, et avec comme seule arme son âme forte. Magnifique.

Quel roman !

D'abord la forme ; ici on veille un mort, et pendant la veillée funèbre les femmes causent près du feu, avec quelques provisions et du café. Les histoires du village vont défiler, de façon certes décousues, avec de multiples retours et contestations, mais on comprend bien qu'il s'agît de la même histoire, dans ce village, dans cette auberge où s'arrêtent les pataches, où les voyageurs font haltes. Mais chacune a sa version, et Thérèse, vieille maintenant, raconte t-elle son rêve ou bien sa vie ? Cette unité de temps de la narration (une nuit) rend compte d'une bonne cinquantaine d'année à travers des voix multiples et souvent contradictoires. Sans découpage, l'enchainement des évènements et des personnages est parfois difficile à suivre, mais le récit est très rythmé.

Et puis le fond ; toutes les bassesses, toutes les jalousies, toutes les rancoeurs, les hypocrisies, un univers impitoyable et cruel où les sentiments sont bridés pour pouvoir agir froidement. Sauver coute que coute les apparences constitue également un leitmotiv. Mais on y trouve aussi l'amour, l'amour véritable, le dénuement, la passion dévoreuse, la folie.

Giono nous dresse là un tableau de la société dans ces vallées alpines à la fin du XIXème siècle. Une société en mutation, où l'on construit le chemin de fer, où l'on fait appel à la main d'oeuvre piémontaise, où s'installe durablement des chantiers colossaux, et où les affaires et l'argent peuvent être rapidement gagnés pour qui sait s'y prendre.
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Oeuvre fascinante mais intrigante de Giono, par son fond, qui tient de la chronique psychologique et sociale, et par sa forme, un dialogue qui agit comme un prétexte à une structure finalement romanesque. le double discours, aboutissement d'une histoire racontée par deux protagonistes qui n'ont pas la même version des faits, est aussi au coeur de cette oeuvre, lui donnant son efficacité et lui conférant son atmosphère singulière et déconcertante.
On est dans la Drôme, fin de années 1940. L'histoire démarre sur un dialogue entre femmes venues veiller un mort. Outre leurs interrogations sur la conduite à tenir la plus adaptée à la situation (quelle intensité de lumière ? peut-on ouvrir une bouteille de la cave du mort ? manger sa saucisse ? ou faut-il respecter un recueillement convenu ?), elles partent sur des appréciations insidieuses, sournoises, parfois perfides, à propos de proches ou de simples connaissances. Entre poivrots, violents, imbéciles, avaricieux, combinards, débauchés, tout un chacun y passe, dans des séquences décousues et marquées par la médiocrité humaine, les turpitudes de l'âme, la noirceur des consciences. Cette noirceur se dilue cependant dans une ambiance de veillée funèbre d'apparence presque débonnaire.
Giono nous offre là une peinture satirique de la société rurale, et l'on retrouvera cette acuité critique tout au long de l'ouvrage vis-à-vis du conformisme villageois, du souci du qu'en dira-t-on, des ragots et médisances, de la respectabilité apparente des familles. Il montrera toutefois, avec la description du village nègre où se construit une voie ferrée, comment ce symbole de la civilisation industrielle naissante fait éclater ces contrées rurales en colportant rapports humains vénaux, travailleurs exploités, prostitution…
Thérèse, la doyenne, nonagénaire, finit par émerger du lot et c'est son parcours qui est raconté successivement par elle-même et une parente plus jeune qui la connait et qui la contredit plus d'une fois. La version de Thérèse semble édulcorée, sa fuite avec Firmin du château de Percy où elle fut placée par ses parents comme lingère, leur course vers Lus puis Châtillon, à pied puis en voiture, l'embauche de Firmin chez un maréchal-ferrant, de Thérèse comme serveuse à l'auberge de Châtillon. La parente lui rappelle que les fuyards eurent quelques jours de misère à Lus, séjour dans un hôtel borgne, vie de “trimard“ au sens de clochardisation, débauches diverses, petits délits…
Thérèse ne contredit pas, et ne le fera pas chaque fois que sa parente la remettra sur les rails de la réalité. L'alternance de ces deux versions peut troubler le lecteur, lui donner l'impression que le récit n'est pas construit ou baigne dans des contradictions. D'autant que les deux protagonistes semblent parfois sortir de leurs rôles de conteuses, et qu'à leurs voix se substitue parfois sans le dire celle de l'auteur, Giono lui-même, seul capable d'analyser les actions à distance et l'envers des situations, ou de décrire le contexte social.
Et puis apparaissent dans le récit Monsieur et Madame Numance. Cette dernière fait jaser le village avec sa dette de vingt mille francs, mais aussi avec son allure fière, hautaine d'aristocrate, qui joue avec son mari, à donner tout ce qu'ils possèdent dans un esprit de sainteté étrange, presqu'irréel, et qui agit de façon symbolique, car « donner » n'est pas pour eux une faiblesse, c'est une arme, une manière de mettre en place un pouvoir ou, mieux, une souveraineté. Qu'ils assoient d'avantage encore quand ils décident d'adopter Thérèse. Sans enfant, sans sexualité, Madame Numance est séduite par Thérèse et improvise une relation mère-fille qui s'avère être une belle complicité, voire une attache fusionnelle. Les Numance font don au jeune couple d'un pavillon et d'un terrain autour.
Firmin, extérieur à cette passion, songe avec cupidité à tirer profit de leur nouvelle situation, il spécule sur les coupes de bois, espère jouer un grand coup, perd et se retrouve ruiné et à la merci d'un usurier, Réveillard. Quand ce dernier vient réclamer son dû, cinquante mille francs, que Firmin voulait soutirer aux Numance - qui avaient éventé la manoeuvre - Monsieur Numance meurt d'une crise cardiaque et Madame Numance disparaît mystérieusement.
C'est alors que Thérèse, prenant la parole, se révèle dans toute son épaisseur. Cette “âme forte“ qu'on attendait pas dans ce rôle, veut être un cerveau, animée par des passions tout en faisant abstraction de ses sentiments, avec la volonté de mettre en oeuvre ses plans, de se servir de Firmin en conditionnant ses accouplements, de régner (en douce) dans l'auberge, de séduire Madame Numance en excitant sa pitié et sa mauvaise conscience, et d'obtenir d'elle tout ce qu'elle veut. Thérèse apparaît amorale, habitée par une volonté de puissance, pas loin d'être démoniaque quand celle-ci devient une volonté de nuisance.
Sa douleur est d'une grande intensité quand sa “mère“ disparaît, elle défigure Firmin qui veut faire taire ses hurlements et la frappe. Elle se défendra de même quand il la battra par la suite, allant jusqu'à l'immobiliser deux mois. Elle n'a pas fini de s'en prendre à lui, mêlant douceur apparente et domination, cruauté, infidélité, rêvant d'en finir avec lui, et réalisant son rêve assassin.
Roman puissant, critique acerbe de la vie villageoise, analyse qui pénètre les âmes avec beaucoup d'acuité : jalousies, rancoeurs, bassesses, machiavélisme, chafouinerie, mais aussi amour, passion dévoreuse, spiritualité profonde, enfin lien de fascination, manipulation, détermination froide. le personnage de Thérèse n'est pas toujours cohérent, son parcours soulève des interrogations, sa personnalité subjugue, mais reste bien mystérieuse.
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Conviées à la veillée mortuaire du vieil Albert qui vient de trépasser, l'instinct de survie de trois commères leur fait mépriser le respect dû au défunt et combler le silence de leur gouaille vipérine chuchotée. Elles se livrent alors à une rétrospective minutieuse de leur vie en vase clos.

Dans cette société masculine et matérialiste, obnubilées par la peur de manquer, les femmes n'ont d'autre moyen d'exister que dans le colportage de ragots. Au cours de cette veillée, leur conversation, libérée de la présence des hommes, réveille les souvenirs qui traversent leur esprit en désordre. Dans le pur mépris de toute chronologie, les victimes de leur dénigrement sont transpercées des flèches de leur frustration débridée.

Ces personnes à la langue bien pendue martyrisent de leur persiflage tout ce qui tombe sous leur regard fiché derrière le rideau tiré. La débauche des uns, les infidélités des autres, captées au hasard par leur sagacité et jetées en pâture au lecteur rendu complice, font de cet ouvrage un récit décousu dans lequel la structure est difficilement identifiable. La faconde méridionale, la férocité du verbe, quelques bons mots et un relent de mystère relancent parfois l'intérêt du lecteur, suscitant accessoirement son voyeurisme. Mais il faut quand même se prendre de passion pour les racontars afin de ne pas perdre pied dans ce bain de médisance.

J'avoue avoir été quelque peu dérouté par cet ouvrage investi par les commères de cette société provinciale et rurale que Giono connaît trop bien. Il nous livre une fresque de cette campagne reculée en pays diois dans laquelle il ne faut pas craindre de se compromettre à devenir témoin des vices de la nature humaine.
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Citations et extraits (38) Voir plus Ajouter une citation
Thérèse était une âme forte. Elle ne tirait pas sa force de la vertu: la raison ne lui servait de rien; elle ne savait même pas ce que c'était; clairvoyante, elle l'était, mais pour le rêve; pas pour la réalité. Ce qui faisait la force de son âme c'est qu'elle avait, une fois pour toutes, trouvé une marche à suivre. Séduite par une passion, elle avait fait des plans si larges qu'ils occupaient tout l'espace de la réalité; elle pouvait se tenir dans ses plans quelque soit la passion commandante; et même sans passion du tout. La vérité ne comptait pas.Rien ne comptait que d'être la plus forte et de jouir de la libre pratique de la souveraineté.Être terre à terre était pour elle une aventure plus riche que l'aventure céleste pour d'autres. Elle se satisfaisait d'illusions comme un héros. Il n' y avait pas de défaite possible. C'est pourquoi elle avait le teint clair, les traits reposés, la chair glaciale mais joyeuse, le sommeil profond.
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- vous êtes si malheureuse que ça ?
- Qui t'a dit que j'étais malheureuse ?
- vous dites que vous n'aimez personne et que vous n'avez que vous.
- Et bien ! où vois-tu du malheur dans tout ça ?
- Si je n'aimais personne et si j'étais toute seule, moi, je serais malheureuse.
- Tu te prépares une drôle de vieillesse, il vaudrait mieux mourir maintenant dans ce cas. Mais tu changeras.
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Les personnes d'esprit sont les plus opiniâtres dans les passions.
Quelqu'un qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez ou qui est
simple, a des réflexions si courtes qu'il ne risque pas de s'emballer,
au contraire.
Pour peu qu'il réfléchisse, il se refroidit car, ce à quoi il pense,
c'est au train train.
Et là, rien qui emporte.
les autres vont tellement loin qu'elles ramassent toujours par-ci
par-là de quoi alimenter le feu
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L'amour, c'est tout inquiétude. C'est du sang le plus pur qui se refait constamment. Tu vas t'en fourrer jusque là. D'abord et d'une. Ensuite, puisqu'ils donnent volontiers tout ce qu'ils ont, c'est qu'ils aiment combler. Alors, à la fin, je me montre nue et crue. Et ils voient que rien ne peut me combler. Plus on en met, plus je suis vide. C'est bien leur dire : vous n'êtes rien. Vous avez cru être quelque chose : vous êtes de la pure perte. ça, c'est un coup de théâtre. L'attendre me fera plaisir tout du long. Le rendre le plus étonnant possible me ravira à chaque instant. Puis, il éclate et, brusquement, je suis qui je suis!
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Les soupirs des hautes forêts travaillées de vent, les gémissements des arêtes rocheuses, le sourd grondement des gorges, le clapotement des pierrailles dérochées dans quelques éboulis par le passage d’une bête animaient le monde immobile. L’épaisseur de l’air chaud où les rayons du soleil se cassaient comme verre donnait aux formes de toutes ces choses des contours imprécis et fuyants comme d’un plomb tombé dans le feu (avec lequel on va pouvoir faire autre chose que ce que c’était ; ce qu’on veut). 
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Vidéo de Jean Giono
Denis Infante a publié son premier roman Rousse publié aux éditions Tristram le 4 janvier 2024. Il raconte l'épopée d'une renarde qui souhaite découvrir le monde. Un ouvrage déroutant par sa singularité. Son histoire possède la clarté d'une fable et la puissance d'une odyssée et qui ne laissera personne indifférent. L'exergue, emprunté à Jean Giono, dit tout de l'ambition poétique et métaphysique de ce roman splendide : "Dans tous les livres actuels on donne à mon avis une trop grande place aux êtres mesquins et l'on néglige de nous faire percevoir le halètement des beaux habitants de l'univers."
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