AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782070228430
Gallimard (10/07/1939)
0.5/5   1 notes
Résumé :
L'écrivain Jean Giraudoux choisit dans cet ouvrage la France comme sujet. Il le développe en 5 thèmes : Le vrai problème français, La France peuplée, La France moderne : notre vie, La France moderne : nos travaux, La France de toujours : notre conscience. Couverture souple. In 12. 211 pages.
Que lire après Pleins pouvoirsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
De ce livre de Giraudoux publié en 1939, acheté par moi en 1976, et dont je n'avais pas coupé les pages, je découvre avec horreur qu'il laisse transparaître chez son auteur un homme qui pensait mal. J'en ai de la peine, car j'aime la finesse du style de Giraudoux. Mais voici que je découvre un Giraudoux dont la pensée est ignoble et me révulse.
Je vais dire ici ma colère et mon dégoût.
Le début ne laisse pas augurer ce que l'on va lire quelques pages plus loin. Il y est dit que l'écrivain ne choisit plus ses sujets mais que les sujets le choisissent. S'il en est ainsi, alors honte à Jean Giraudoux qui, dans le chapitre sur la France peuplée dans son écrit intitulé Pleins pouvoirs, nous livre le fond de ses horribles pensées du moment ; il ose dire qu'il serait trop simpliste de désigner l'Allemagne nazie comme une dictature par contraste avec les démocraties occidentales ; lisez plutôt page 15 : "Croire que le combat que nous avons à livrer est un combat de démocratie contre tyrannie, c'est accepter une confusion dangereuse". Jean Giraudoux était-il aveugle à ce point qu'il ne se rendait pas compte que le IIIe Reich n'avait rien à voir avec l'Allemagne qu'il avait connu avant et où l'on lisait Goethe, Schiller, etc. Mais non, c'est bien plus grave que cela, car Giraudoux commence à se dévoiler en page 56 en affichant sa peur démographique : celle que la race française ne s'éteigne ; pourquoi ? Parce que, ne craint-il pas décrire, "entre chez nous qui veut" (page 64) ; puis cela s'aggrave et devient insupportable et terrifiant sous sa plume : "L'Arabe pullule à Grenelle et à Pantin" (page 67) ; aujourd'hui Jean Giraudoux serait poursuivi pour xénophobie et pour racisme. Oh! Certes, il n'accepte pas la formule : "La France aux Français" qui, dit-il le dépossède au lieu de l'enrichir, et il se loue de voir le gouvernement français accueillir de vrais Européens persécutés dans leurs pays (page 69), et c'est bien la seule fois dans tout ce passage où il se montre humaniste. Mais c'est pour dire ensuite son attente de la création d'un ministère de la race qui aurait, dans son esprit, autant d'importance qu'un ministère de la paix. Pas celui d'une race qui se saurait supérieure, mais celui d'une race qui ferait le tri parmi les arrivants de l'étranger non sur des chiffres mais sur un critère de qualité. Et de la lutte contre la mortalité et de l'octroi des visas, il chargerait un ministère de la Défense nationale de se saisir (page 75). Et le suprême dans l'horreur est atteint quand Giraudoux assène qu' "une politique n'atteint sa forme supérieure que si elle est raciale" (page 76) et quand il approuve Hitler pour ce qu'il fait alors en Allemagne. Non ! Non ! Non !
Tout cela disqualifie Jean Giraudoux : que l'on ne nous dise pas que cela était banal à l'époque.
Jean Giraudoux était Commissaire à l'Information. Son devoir en 1939-1940 était de résister de toutes ses forces à l'ennemi, et si Giraudoux pactise avec le diable, c'est quelque part qu'il approuve le diable de commettre ses méfaits. Il faudra décrypter toute la pensée de Jean Giraudoux, dans toute son oeuvre, avant de savoir si ses romans et ses pièces de théâtre ont encore l'innocence que cette pensée politique, raciste et antisémite, livrée dans Pleins Pouvoirs, n'a pas.
J'ai aimé l'oeuvre littéraire de Jean Giraudoux, mais à présent, je regarderai les choses autrement. Car je ne peux que condamner ce qu'il a écrit dans Pleins pouvoirs et le faire savoir. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui sont tentés de lui chercher des excuses, car des excuses il n'en a pas, et le contexte de l'époque n'y peut rien changer ni rien expliquer.
Reste que j'aime toujours Électre, Ondine, La Folle de Chaillot, Suzanne et le Pacifique, Siegfried et le Limousin.

François Sarindar
Commenter  J’apprécie          11028
Mais quel livre embarrassant! Pleins Pouvoirs a été publié alors que Giraudoux, âgé de 57 ans, diplomate et comblé d'honneurs, est commissaire général à l'Information.

Toute la pensée politique de Giraudoux est concentrée là:"Le pays ne sera sauvé que provisoirement par les seules frontières armées : il ne peut l'être définitivement que par la race française, et nous sommes pleinement d'accord avec Hitler pour proclamer qu'une politique n'atteint sa forme supérieure que si elle est raciale, car c'était aussi la pensée de Colbert et de Richelieu."

Quant au reste, c'est à l'avenant: "En ce qui concerne les migrations provoquées par lui-même, notre Etat n'a pas eu plus de prévoyance. Il n'a jamais été guidé que par des considérations matérielles. D'abord, alors qu'il pouvait choisir parmi les races les plus voisines de la nôtre, il a favorisé l'irruption et l'installation en France de races primitives ou imperméables, dont les civilisations, par leur médiocrité ou leur caractère exclusif, ne peuvent donner que des amalgames lamentables et rabaisser le standard de vie et la valeur technique de la classe ouvrière française. L'Arabe pullule à Grenelle et à Pantin."

Je me demande à quoi Giraudoux a dû son immunité idéologique, car ses convictions ne font aucun doute et elles ne sont pas d'ordre "littéraire", mais d'ordres, réellement, matériel et politique, et c'est ici en qualité de commissaire général à l'Information qu'il s'exprime, c'est-à-dire de ministre d'Etat affecté à la propagande de guerre!

Quand on pense que des cinglés fanatiques à mentalité de terroristes robespierristes comme Corbière ont réussi à faire débaptiser des établissements Vincent d'Indy, Roger Vercel, ou même Colbert (!), ou parce qu'ils portaient des noms de saints (Saint-Roch, Saint-Jean à Avignon), ou même uniquement parce qu'on "suspectait" que tel grand homme d'Etat, compositeur ou écrivain avait un jour serré la main de l'ami du voisin de la tante d'une vague relation de Maurras... comme Kléber Haedens, on s'étonne qu'il existe encore un Lycée Jean Giraudoux à Châteauroux! Mais ses heures sont certainement comptées, et il ne doit probablement sa survie provisoire qu'à la parfaite inculture des pions de l'EN qui n'ont jamais lu Giraudoux. Ca va être le choc. Car Renaud Camus - qu'ils n'ont pas lu davantage mais dont on leur a dit que c'était "pas bien" et qui leur fait pousser des cris aigres et sinistres d'orfraie - du pipi de chat à côté!

Leur logiciel n'a pas été mis à jour depuis longtemps: Giraudoux étiqueté "génie" sera arraché en bloc à son Capitole et jeté de la roche Tarpéienne sur le tas des "ordures de l'histoire" quand Ginette Malbézet et Charles-Max Barbapou, respectivement professeurs de "français" et d'"histoire" réaliseront (au secours!) que Jean Giraudoux... c'est Guillaume Faye!

François Cavanna au moins ne réclamait le débaptême que des établissements auxquels on donnait son nom. Mais Cavanna, c'est Cavanna.
Commenter  J’apprécie          290
Publié en 1939, soit à une époque où rien n'était cachée de l'horreur du régime nazi, qui persécutait les Juifs depuis 1933, Giraudoux manifeste dans Pleins pouvoirs une admiration certaine pour les régimes dictatoriaux de l'époque, et une xénophobie qui s'alimente essentiellement d'antisémitisme. Était-ce banal à l'époque ? Je ne me souviens pas avoir lu de « bons mots » antisémites chez Mauriac, ou Gide... et ces « bon mots » s'étendent sur bien plus de « deux pages », contrairement à ce qu'on lit sur la p. Wikipédia de Giraudoux, verrouillée par ses délateurs, qui éliminent ceux qui tentent tout simplement de dire la vérité.
L'objectif de cet essai est de dire « ce que je crois être le vrai problème français », écrit l'auteur (p. 13), obsédé par le déclin démographique de la France, quand il le compare à la vitalité des autres nations européennes (p. 46). Dépeuplée, la France accueille des étrangers : « Notre hospitalité est provocatrice qui procure aux exilés – exceptons ceux d'Argelès ou de Thiers – une espèce de Terre promise » (p. 25). La saignée de 14-18 a aggravé ce phénomène, mais pas seulement : « L'avortement sévit impunément, diminuant de moitié » (rien que ça !) « le nombre de nos naissances » (p. 48). Giraudoux se demande alors : « N'y a-t-il pas en dehors des traités, qui sont artifice, en dehors des conventions, qui sont des trêves mensongères, un moyen de sauver la race ? » (p. 43). En effet, « le seul problème (…) c'est le problème du nombre et de la qualité des Français » (p. 43). Il y aurait des solutions, mais « Le sport, qui doit donner à la race sa qualité, est en jachère. le certificat prénuptial, qui doit lui donner sa santé, n'est gratuit que dans un seul département : l'Aisne » (p. 48).
La pensée de Giraudoux frise l'eugénisme : « On oublie aussi, dans un pays de courtoisie, que la politesse suprême, c'est encore d'être bien portant et beau » (p. 54). Vive les Lebensborn ! En 1939, Hitler avait déjà résolu le problème des malades mentaux... Hélas, « le Français devient rare » (p. 56). « Certes, l'étranger abonde en France » (p. 58). La faute à la guerre, on l'a vu : « Au lendemain de la guerre, qui avait coûté un million de morts, deux millions de mutilés, et détruit l'élite de plusieurs générations, il ne fallait pas être grand clerc pour prévoir chez nous l'irruption en masse » (p. 59). La France est « devenue le seul pays civilisé d'immigration » (p. 60). Il existe donc d'autres pays, non civilisés.
Giraudoux énumère alors le nombre d'immigrés venant des pays de l'Est ou d'Italie. : « Il s'agissait, en la distribuant sur les points de la France où les appelait sa déficience même, de remédier à notre manque d'hommes. (…) Mais il s'agissait aussi, par un choix méthodique, par une surveillance impitoyable, de refouler tout élément qui pouvait corrompre une race qui doit sa valeur à la sélection et à l'affinement de vingt siècles » (p. 62). Il exprime une mystique de la race française qui fait fi du fait que la France ne s'est construite que par l'amalgame de quantité d'autres ethnies nullement francophones au départ : Bretagne, Corse, Savoie, Occitanie pays Basque, Flandres, Alsace... Il admet l'accueil de nos voisins : « Par l'invasion, l'infiltration, l'appel, elle a admis chez elle, outre nos frères suisses et belges, la race anglo-saxonne, la scandinave, la germanique, la latine. Des races qui ne peuvent rien pour sa race, elle a su fort bien se débarrasser dès leur première insistance. Poitiers l'a débarrassée des Arabes et des Noirs ; Châlons, des asiatiques. (p. 64). Giraudoux omet que la France s'est tout de même assez intéressée au Arabes et aux Noirs en les colonisant pour les exploiter, ce que Gide a courageusement dénoncé dans son « Voyage au Congo » et son « Retour par le Tchad »... Mais pour Giraudoux, l'entreprise colonisatrice française ne saurait qu'être porteuse de nos lumières.
Il va alors longuement dénoncer, p. 65 à 76, son rejet des mauvais immigrés que sont les Juifs, avant d'exprimer son admiration pour Hitler :

« Entrent chez nous tous ceux qui ont choisi notre pays, non parce qu'il est la France, mais parce qu'il reste le seul chantier ouvert de spéculation ou d'agitation facile, et que les baguettes du sourcier y indiquent à haute teneur ces deux trésors qui si souvent voisinent : l'or et la naïveté. Je ne parle pas de ce qu'ils prennent à notre pays, mais, en tout cas, ils ne lui ajoutent rien. Ils le dénaturent par leur présence et leur action. Ils l'embellissent rarement par leur apparence personnelle. Nous les trouvons grouillants sur chacun de nos arts ou de nos industries nouvelles et anciennes, dans une génération spontanée qui rappelle celle des puces sur un chien à peine né.

Entrent chez nous, sous le couvert de toutes les révolutions, de tous les mouvements idéologiques, de toutes les persécutions, non pas seulement ces beaux exilés de 1830 ou de 1848 qui apportaient là où ils allaient, États-Unis, Europe Centrale, Afrique du Sud, le travail, la conscience, la dignité, la santé, mais tous les expulsés, les inadaptés, les avides, les infirmes. Sont entrés chez nous, par une infiltration dont j'ai essayé en vain de trouver le secret, des centaines de mille Askenasis, échappés des ghettos polonais ou roumains, dont ils rejettent les règles spirituelles, mais non le particularisme, entraînés depuis des siècles à travailler dans les pires conditions, qui éliminent nos compatriotes, tout en détruisant leurs usages professionnels et leurs traditions, de tous les métiers du petit artisanat : confection, chaussure, fourrure, maroquinerie, et, entassés par dizaines dans des chambres, échappent à toute investigation du recensement, du fisc et du travail.
Tous ces émigrés, habitués à vivre en marge de l'État et à en éluder les lois, habitués à esquiver toutes les charges de la tyrannie, n'ont aucune peine à esquiver celles de la liberté ; ils apportent là où ils passent l'à-peu-près, l'action clandestine, la concussion, la corruption, et sont des menaces constantes à l'esprit de précision, de bonne foi, de perfection qui était celui de l'artisanat français. Horde qui s'arrange pour être déchue de ses droits nationaux et braver ainsi toutes les expulsions, et que sa constitution physique, précaire et anormale, amène par milliers dans nos hôpitaux qu'elle encombre.
En ce qui concerne les migrations provoquées par lui-même, notre État n'a pas eu plus de prévoyance. Il n'a jamais été guidé que par des considérations matérielles. D'abord, alors qu'il pouvait choisir parmi les races les plus voisines de la nôtre, il a favorisé l'irruption et l'installation en France de races primitives ou imperméables, dont les civilisations, par leur médiocrité ou leur caractère exclusif, ne peuvent donner que des amalgames lamentables et rabaisser le standard de vie et la valeur technique de la classe ouvrière française. L'Arabe pullule à Grenelle et à Pantin.
Un vieil ami de régiment, bien français (il répond même au nom de Frisette), est venu, les larmes dans les yeux, me demander mon aide pour sauver de l'expulsion ses voisins. Il m'en fit, malgré son enthousiasme, une description tellement suspecte que je décidai d'aller les voir avec lui.
Je trouvai une famille d'Askenasis, les parents, et les quatre fils, qui n'étaient d'ailleurs pas leurs fils. Ils n'avaient, naturellement, aucun permis de séjour. Ils avaient dû pénétrer en France soit en utilisant les uns après les autres le même permis, par cette resquille qui nous servait, lycéens, à voir les matches Carpentier, soit en profitant des cartes de l'exposition, soit grâce à l'entremise d'une de ces nombreuses agences clandestines qui touchent de cinquante à mille francs par personne introduite, qui s'arrangent même pour dénoncer leurs clients à la police, les faire expulser, afin de les réintroduire à nouveau et toucher une seconde fois la prime.
Le soi-disant père avait pu aussi s'engager comme ouvrier agricole, et, admis sous ce titre, se gardant bien de rejoindre la campagne, il s'était installé avec sa famille au centre de Paris. Et ce bon M. Frisette, qui a des enfants, des neveux qui étudient, et dont certains cherchent vainement une place, venait me supplier d'obtenir l'équivalence de droits avec ses enfants, ses neveux, pour ces étrangers dont déjà on devinait qu'ils seraient leur concurrence et leur saignée.
L'assortiment était complet. C'en était comique. On devinait celui qui vendrait les cartes postales transparentes, celui qui serait le garçon à la Bourse, puis le courtier marron, puis Staviski ; celui qui serait le médecin avorteur, celui qui serait au cinéma d'abord le figurant dans Natacha, puis M. Cerf, puis M. Natan. Il y avait même, excuse et rédemption qui ne laissait pas de me troubler, celui, à regards voilés, qui pouvait être un jour Israël Zangwill.
Aucun papier, que des faux. Ils étaient là, noirs et inertes comme les sangsues en bocal ; mais ni M. Frisette, ni Mme Frisette, émus de leur sort, et qui imaginaient leur neveu et leur petite-nièce ainsi abandonnés dans un pays étranger, ni la concierge, qu'ils avaient achetée par un col en faux putois, ne se résignaient à les voir quitter la ville de Henri IV et de Debussy.
Concluons. Dans l'équipe toujours remarquable des hommes d'État qui prétendent à la conduite de la France, le seul qui aura compris, celui auquel il conviendra de tresser plus tard des couronnes aussi belles qu'au ministre de la paix, sera le ministre de la race (...).
le pays ne sera sauvé que provisoirement par les seules frontières armées : il ne peut l'être définitivement que par la race française, et nous sommes pleinement d'accord avec Hitler pour proclamer qu'une politique n'atteint sa forme supérieure que si elle est raciale, car c'était aussi la pensée de Colbert et de Richelieu. »

Notons que Giraudoux dénonçait la pratique de l'avortement, que seul le « médecin juif » semble pratiquer. Être « pleinement d'accord avec Hitler » en 1939 soulève quand même le problème de l'adhésion de Giraudoux à ses actes.
Plus loin, il compare les piètres grands travaux des démocraties à ceux qui ont été réalisés dans l'Allemagne sous Hitler, en Italie sous Mussolini et même en URSS, pour faire l'éloge des ces derniers : « Alors que certaines nations, la France, l'Angleterre, les États-Unis, ne virent dans les grands travaux qu'un remède au chômage (…) les nations tyranniques en firent l'auxiliaire et la base d'une politique nationale frénétique. Russie, Allemagne, et à un moindre degré l'Italie, au lieu d'une simple embauche, convièrent la nation à une fête gigantesque du travail. Ces peuples ruinés et épuisés par la guerre, ils les provoquaient à une mobilisation forcée de paix. Ils les invitaient, les forçaient à se livrer sur leur pays de toute la force de leur imagination, de leur passion, à une série d'embellissements, de perfectionnements qui devaient non seulement en faire les pays les plus modernes du monde, mais surtout ne pas permettre à la nation que le travail fût un repos ou une distraction du délire politique. Par des plans quinquennaux ou décennaux, ils créaient des programmes destinés à harceler l'attention, l'orgueil, à obtenir la communion de ceux qui n'en étaient pas eux-mêmes les ouvriers. Tout un système artériel nouveau était créé pour la nation, dans le gigantesque, dans le dédain des difficultés matérielles ou financières. Malgré les obstacles naturels, malgré l'absolue pénurie de crédits étrangers, dix mille kilomètres de canaux allemands devenaient des canaux pour les péniches de deux mille tonnes, alors que la France n'a qu'un tronçon de 30 kilomètres où celles de mille tonnes puissent s'aventurer. ; (…) onze mille kilomètres d'autostrades étaient créés, avec des largeur jusque là inconnues en Europe ; les marais Pontins devenaient des villes ; tous les souvenirs ancestraux étaient dégagés ; dût-on détruire des quartiers entiers, pour qu'il fût bien établi qu'il s'agissait là d'un délire, d'un avivement national (…) La ville russe qui construisait une maison de pierres, à étages, en six jours, était citée à l'ordre. » (p. 131-133).
Giraudoux n'a pas un mot pour dénoncer l'asservissement des populations de ces « nations tyranniques », qui ont été contraintes de travailler en esclaves pour ces réalisations devant lesquelles il s'extasie et ne voit pas que ces travaux accompagnaient une économie de guerre...
Commenter  J’apprécie          10


critiques presse (1)
Bibliobs
21 décembre 2022
Il est des livres qui déshonorent leur auteur. C’est le cas de « Pleins pouvoirs », de Jean Giraudoux, copyright by Librairie Gallimard 1939. Fasciné par l’Allemagne, imbu de mythologie rhénane, imaginant une confrontation amicale entre Siegfried et le Limousin, Giraudoux sinue entre l’amour de la patrie et l’acquiescement de l’ordre nazi.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Entrent chez nous tous ceux qui ont choisi notre pays, non parce qu'il est la France, mais parce qu'il reste le seul chantier ouvert de spéculation ou d'agitation facile, et que les baguettes du sourcier y indiquent à haute teneur ces deux trésors qui si souvent voisinent : l'or et la naïveté. Je ne parle pas de ce qu'ils prennent à notre pays, mais, en tout cas, ils ne lui ajoutent rien. Ils le dénaturent par leur présence et leur action. Ils l'embellissent rarement par leur apparence personnelle. Nous les trouvons grouillants sur chacun de nos arts ou de nos industries nouvelles et anciennes, dans une génération spontanée qui rappelle celle des puces sur un chien à peine né.

Entrent chez nous, sous le couvert de toutes les révolutions, de tous les mouvements idéologiques, de toutes les persécutions, non pas seulement ces beaux exilés de 1830 ou de 1848 qui apportaient là où ils allaient, États-Unis, Europe Centrale, Afrique du Sud, le travail, la conscience, la dignité, la santé, mais tous les expulsés, les inadaptés, les avides, les infirmes. Sont entrés chez nous, par une infiltration dont j'ai essayé en vain de trouver le secret, des centaines de mille Askenasis, échappés des ghettos polonais ou roumains, dont ils rejettent les règles spirituelles, mais non le particularisme, entraînés depuis des siècles à travailler dans les pires conditions, qui éliminent nos compatriotes, tout en détruisant leurs usages professionnels et leurs traditions, de tous les métiers du petit artisanat : confection, chaussure, fourrure, maroquinerie, et, entassés par dizaines dans des chambres, échappent à toute investigation du recensement, du fisc et du travail.
Tous ces émigrés, habitués à vivre en marge de l’État et à en éluder les lois, habitués à esquiver toutes les charges de la tyrannie, n'ont aucune peine à esquiver celles de la liberté ; ils apportent là où ils passent l'à-peu-près, l'action clandestine, la concussion, la corruption, et sont des menaces constantes à l'esprit de précision, de bonne foi, de perfection qui était celui de l'artisanat français. Horde qui s'arrange pour être déchue de ses droits nationaux et braver ainsi toutes les expulsions, et que sa constitution physique, précaire et anormale, amène par milliers dans nos hôpitaux qu'elle encombre.

En ce qui concerne les migrations provoquées par lui-même, notre État n'a pas eu plus de prévoyance. Il n'a jamais été guidé que par des considérations matérielles. D'abord, alors qu'il pouvait choisir parmi les races les plus voisines de la nôtre, il a favorisé l'irruption et l'installation en France de races primitives ou imperméables, dont les civilisations, par leur médiocrité ou leur caractère exclusif, ne peuvent donner que des amalgames lamentables et rabaisser le standard de vie et la valeur technique de la classe ouvrière française. L'Arabe pullule à Grenelle et à Pantin.

Un vieil ami de régiment, bien français (il répond même au nom de Frisette), est venu, les larmes dans les yeux, me demander mon aide pour sauver de l'expulsion ses voisins. Il m'en fit, malgré son enthousiasme, une description tellement suspecte que je décidai d'aller les voir avec lui.
Je trouvai une famille d'Askenasis, les parents, et les quatre fils, qui n'étaient d'ailleurs pas leurs fils. Ils n'avaient, naturellement, aucun permis de séjour. Ils avaient dû pénétrer en France soit en utilisant les uns après les autres le même permis, par cette resquille qui nous servait, lycéens, à voir les matches Carpentier, soit en profitant des cartes de l'exposition, soit grâce à l'entremise d'une de ces nombreuses agences clandestines qui touchent de cinquante à mille francs par personne introduite, qui s'arrangent même pour dénoncer leurs clients à la police, les faire expulser, afin de les réintroduire à nouveau et toucher une seconde fois la prime.
Le soi-disant père avait pu aussi s'engager comme ouvrier agricole, et, admis sous ce titre, se gardant bien de rejoindre la campagne, il s'était installé avec sa famille au centre de Paris. Et ce bon M. Frisette, qui a des enfants, des neveux qui étudient, et dont certains cherchent vainement une place, venait me supplier d'obtenir l'équivalence de droits avec ses enfants, ses neveux, pour ces étrangers dont déjà on devinait qu'ils seraient leur concurrence et leur saignée.
L'assortiment était complet. C'en était comique. On devinait celui qui vendrait les cartes postales transparentes, celui qui serait le garçon à la Bourse, puis le courtier marron, puis Staviski ; celui qui serait le médecin avorteur, celui qui serait au cinéma d'abord le figurant dans Natacha, puis M. Cerf, puis M. Natan. Il y avait même, excuse et rédemption qui ne laissait pas de me troubler, celui, à regards voilés, qui pouvait être un jour Israël Zangwill.

Aucun papier, que des faux. Ils étaient là, noirs et inertes comme les sangsues en bocal ; mais ni M. Frisette, ni Mme Frisette, émus de leur sort, et qui imaginaient leur neveu et leur petite-nièce ainsi abandonnés dans un pays étranger, ni la concierge, qu'ils avaient achetée par un col en faux putois, ne se résignaient à les voir quitter la ville de Henri IV et de Debussy.

Concluons. Dans l'équipe toujours remarquable des hommes d’État qui prétendent à la conduite de la France, le seul qui aura compris, celui auquel il conviendra de tresser plus tard des couronnes aussi belles qu'au ministre de la paix, sera le ministre de la race (...).

Qu'importe que les frontières du pays soient intactes, si les frontières de la race se rétrécissent et si la peau de chagrin française est le Français ! (…)

Le pays ne sera sauvé que provisoirement par les seules frontières armées : il ne peut l'être définitivement que par la race française, et nous sommes pleinement d'accord avec Hitler pour proclamer qu'une politique n'atteint sa forme supérieure que si elle est raciale, car c'était aussi la pensée de Colbert et de Richelieu.
Commenter  J’apprécie          11

Videos de Jean Giraudoux (16) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jean Giraudoux
https://www.laprocure.com/product/1525906/chevaillier-louis-les-jeux-olympiques-de-litterature-paris-1924
Les Jeux olympiques de littérature Louis Chevaillier Éditions Grasset
« Certains d'entre vous apprendrez que dans les années 1912 à 1948, il y avait aux Jeux olympiques des épreuves d'art et de littérature. C'était Pierre de Coubertin qui tenait beaucoup à ces épreuves et on y avait comme jury, à l'époque, des gens comme Paul Claudel, Jean Giraudoux, Paul Valéry et Edith Wharton. Il y avait aussi des prix Nobel, Selma Lagerlof, Maeterlinck (...). C'était ça à l'époque. C'était ça les années 20. Et c'est raconté dans ce livre qui est vraiment érudit, brillant et un vrai plaisir de lecture que je vous recommande. » Marie-Joseph, libraire à La Procure de Paris
+ Lire la suite
autres livres classés : antisémitismeVoir plus


Lecteurs (8) Voir plus




{* *}