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EAN : 9782362791031
126 pages
Alma Editeur (30/01/2014)
3.62/5   45 notes
Résumé :
De 1900 à 1950 se multiplièrent les cartes postales coloniales : femmes-objets « couleur locale » ou costumées selon les standards aguicheurs du moment. Aujourd’hui l’artiste marocain Miloudi Nouiga balafre de peinture ces photos dans un geste doublement provoquant dénonçant à la fois le colonialisme d’hier et la censure présente des intégristes musulmans.

Valentine Goby s’inspire de cette révolte. Elle raconte le voyage d’une carte postale. L’image p... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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« La fille est nue. de profil, côté droit. Les seins pèsent. le bras droit replié masque les tétons. Les doigts tiennent une cigarette à peine allumée dont la fumée gris clair se dissout dans le gris foncé de l'arrière plan. le ventre bombé répond courbe pour courbe à la cambrure, noir des reins creusés, blanc tranchant de l'abdomen. le cadre coupe le corps au ras du pubis. le visage incliné est bordé d'ombre, la peau est mate, c'est la vraie peau de la fille. Bouche charnue, nez épaté, yeux baissés. Visage statuaire, sans regard, qui fixe le sol. »


Une photo. Une carte postale coloniale représentant une femme-objet costumée selon les standards aguicheurs du début du 20ème siècle. La photo date de 1924. En 2011, Isabelle découvre cette carte postale dans les affaires de son grand-père. Il l'a envoyée à son ami Alexandre en 1954. En 2011 toujours, l'artiste Miloudi Nouiga balafre cette même photo de peinture, dans un geste venu non du bras mais de l'estomac, chaque projection de couleur trempant « dans la bile du dedans. » Un geste provoquant, plein de révolte. On suit le parcours de cette carte à travers ceux qui, à moment ou l'autre, vont l'avoir en main. Miloudi, Isabelle, son grand-père Maurice, soldat français fréquentant dans les années 50 le Bousbir, ce quartier clos de Casablanca entièrement réservé à la prostitution mais aussi celui qui a pris le cliché en 1924 ou encore la prostitué qui a eu Maurice pour client. Une carte postale comme un symbole, tant du colonialisme d'hier et de son érotisme exotique que du changement profond connu par le Maroc depuis son indépendance.


Soyons franc, je n'ai pas été autant secoué par ce texte que par Kinderzimmer, mais en même temps, comment aurait-il pu en être autrement ? J'ai par contre retrouvé avec le même plaisir la « patte » de Valentine Goby. Une écriture sensuelle, précise, ultra descriptive, où le corps occupe une place fondamentale. Après tout je n'y peux rien si la petite musique de cette auteure me parle et me touche autant.


Dans une mini postface, elle explique sa réflexion autour des « multiples mensonges de l'image. » La photo saccagée par le peintre que l'on voit en couverture du livre, elle l'a croisée dans une galerie de Rabat. « Qu'est-ce qu'on voit vraiment ? de quoi, de qui est-ce qu'on parle ? Je dessine, restitue, invente le hors-champ, le hors-temps de l'image, du moment : cela fait des romans. » Position de l'écrivain par rapport à l'artiste dont elle cherche à comprendre la démarche. « Je suis la fille qui se trompe, […] voit dans le tableau un geste de censure où il a y en fait un appel, une terreur de l'oubli. Je suis la fille qui rencontre le peintre, comprend qu'elle s'est trompée d'interprétation, et cherche à rendre compte de son erreur, du véritable geste du peintre, des multiples mensonges de l'image depuis sa construction il y a presque cent ans, et des vérités qu'elle révèle, rappelle, fixe définitivement. »


Au final cela fait un roman. Un excellent roman.


Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Lilas, jeune enfant d'Isabelle, fait tomber une boîte à chaussures. A l'intérieur, les cartes postales de Maurice, envoyées du bout du monde. L'une d'entre elles va bouleverser Isabelle : Khadidja la mauresque. Cette photo d'une jeune prostituée du Bousbir, quartier du Maroc, lui rappelle que son grand-père était avant tout un homme et que sa vie n'a pas été que goûter et tartines de confiture !!
Avec ce roman court et magnifiquement écrit, Valentine Goby nous dévoile l'histoire de cette carte postale et de tous les protagonistes qui l'ont eu entre les mains. A lire... Ne serait ce que pour la plume poétique et sensuelle de l'auteur...
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En retrouvant une boîte de cartes postales a dressées à son grand-père décédé, Isabelle tombe sur une carte intitulée « Femme mauresque - Khadidja Maroc »
Cette carte l'interpelle et la dérange.
Elle la mènera jusqu'au Maroc où elle rencontrera un peintre qui a a revisité le sujet de cette mystérieuse marocaine inconnue.
C'est un livre court, intense, puissant.
Il m'a semblé assister à une rencontre capitale entre Valentine Goby et Miloudi Nouiga.
Un livre poétique où se mêlent délicatesse et sensualité
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Valentine Goby évoque dans ce livre l'oeuvre de Miloudi Nouiga, qui , à partir de portraits de jeunes marocaines, crée de curieuses peintures balafrées de couleurs vives.
Elle met en scène une jeune femme: Isabelle et sa fille, Lilas, découvrant dans une boite à chaussures le portrait de Khadidja, une prostituée marocaine, sur une carte postale envoyée à son grand-père par un ami, un siècle auparavant. Alors l'auteure fait revivre ces femmes , souvent à peine pubères, dont les corps furent livrés aux soldats dans le quartier du Bousbir, à Casablanca.
Un texte de grande qualité, sensuel, et magique, précis et magnifique. Inoubliable.
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« La fille surexposée », ce sont toutes ces femmes disponibles sur cartographie, ou offertes à la prostitution par le sort de la misère, à ces hommes, ces colons, venus au Maroc ou sur ces autres terres, lorsque la France et ses consoeurs, décidaient que leurs frontières devaient pas se limiter à leurs seules frontières. Et forcément, ces femmes d'ailleurs, et tous les clichés photographiés ou mentaux qui les accompagnaient, que l'on nourrissait, firent de ses femmes rien des machines à fantasmes. Des odalisques offertes aux poitrines dévoilées, aux sexes qui promettaient tout l'exotisme des amours clandestines, avec toute la panoplie associée à ces femmes, des costumes jusqu'aux décors, des bijoux, maquillage jusqu'aux poses qui semblaient inviter le mâle à des délices inattendus, là où ces femmes se vendaient, certes pas pour leur plaisir, mais parce qu'elles avaient été répudiées, ou s'étaient sauvés d'un mariage qui n'était qu'une prison où s'enterrer vivante.
Ces femmes, elles sont partout, dans le quartier du Maroc, où elles officient, sous la « protection des autorités administratives », et qui s'appelle le Bousbir, elles sont dans l'imaginaire des hommes, des autochtones comme des étrangers, elles font fantasmer les garçons d'avant la puberté, et d'après leur virilité découverte. Elles sont partout car leurs chairs habitent bien plus les hommes que les hommes ne les possèdent, et pourtant, véritablement, elles sont nulle part. Nul ne soucie d'elles, nul ne les connait, nul ne cherche à les connaître, car les hommes n'ont à coeur que d'obéir aux envies pulsionnelles de leur sexe, et si tous veulent ces femmes, ce n'est que pour leur plaisir ; alors, ces femmes n'existent pas.
Leur vie, leur destin, leur personnalité, leur devenir, leur manque de devenir, tout ce que ne s'offre pas et ne s'ouvre pas pour quelques billets, n'est qu'anonymat pour l'homme. Même leur prénom est gommé, même les photos truquent leurs origines en les faisant Tunisiennes, Marocaines ou d'ailleurs… Et cet anonymat, cette insignifiance imposées à des femmes pourtant si prégnantes dans les vies masculines qui ne les croisent que pour les basculer, Valentine Goby en fait un cri de colère. Elle s'insurge contre cet état de faits, et lorsqu'Isabelle, son héroïne, récupère la photo d'une de ces femmes, c'est une plongée dans l'univers de ces femmes oubliées d'avoir été si exposées, que l'auteure nous offre.
La photo, elle provient de son grand-père, du temps, où il étaient un jeune militaire français, et qu'il s'offrait une femme pour son réveillon, alors que sa maîtresse obligeante, car obligée, ne s'exécutait qu'en espérant qu'elle gagnerait, en plus de sa subsistance, une place de cinéma, afin d'y voir sur grand écran la vie de Jeanne d'Arc, la femme qui a conduit une armée d'hommes pour les résultats que l'on sait.
Dans ce texte, il y a aussi Miloudi, un photographe amoureux de son art depuis l'enfance. Il a tenté Paris, mais Paris ne l'a pas compris, car Paris ne voulait pas comprendre les autres-côtés de la Méditerranée, ce que Paris voulait, c'était les fameux clichés qui donnent du sel à leurs fantasmes stéréotypés, et Miloudi n'est pas des machines à les fournir. Il est un enfant du Maroc, il a connu le Bousbir, il sait le secret des femmes « surexposées », il partage la colère d'Isabelle, et il se sert de son art pour le crier et le revendiquer. Isabelle et lui se croiseront le temps de quelques mots, d'un regard et d'une poignée de mains partagés sur le sol marocain, mais l'essentiel sera dit ; ils sont de la même étoffe. de celle qui fait de Valentine Goby l'auteure d'un roman qui claque à l'âme et nous crie de ne pas oublier celles que l'on dénude trop pour les voir.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Il a vu la photo, son drôle de visage. Il ne se ressemble pas. A la maison il chipe la photo dans le sac de sa mère et la scrute. C’est bien ça, quelque chose dérange. Mais quoi ? Il détaille l’image, morceau par morceau. Il monte sur un tabouret, se fait un sourire identique à celui de la photo et observe son reflet dans le miroir. La bouche, la même. Le nez, le même. La rondeur du visage, pareille. Les oreilles. Les cheveux. Les yeux. Il y en a sur la photo qui est plus petit que l’autre. Il ne voit pas ça dans le miroir, cette dissymétrie. Il court vers sa mère qui s’st remise à tisser, il lui demande si vraiment elle le voit comme sur la photo, avec un œil plus petit que l’autre. Elle regarde son fils, la photo puis à nouveau son fils, oui, bien sûr, elle dit, tu es comme ça. Alors l’enfant se fâche, dit qu’il a bien regardé dans le miroir et elle se trompe, et la photo se trompe aussi. Et sa mère se met à rire, dans le miroir tu te vois à l’envers, ton œil droit à gauche, ton œil gauche est à droite, tout le monde te voit dans le sens inverse ! Miloudi fixe la photo, cligne des yeux. Ça le stupéfie, de penser que regardant la photo, il se voit tel qu’il est. À la façon des autres, de tous les autres. Avec son vrai visage. La photo dit la vérité, c’est qu’il retient. C’est ce qu’à dit sa mère. La photo, ça ne ment pas. Elle montre l’invisible, ce que tes yeux seuls ne peuvent pas voir.
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Maintenant ça sèche. Le cliché orientaliste ravagé. Miloudi le regarde. Il est le mensonge et la preuve du mensonge. Il produit le mensonge, un mirage de Mauresque début de siècle qui n'a pas existé. Et il atteste de l'existence d'un bordel officiel à Casa, avalé par un trou de mémoire. Un mensonge auxiliaire de la vérité (p 117).
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Il pourrait demander à la fille de tourner légèrement la tête, de braver l’objectif, mais quelque chose l’en empêche .Lui serre la gorge. Cette fille renversée et muette et hostile avec sa bouche douce s’est sauvée dans les songes .Elle s’est absentée du studio, la cigarette fume entre ses doigts sans volonté .La photo sera tendre, pense le Photographe. Une rêveuse mauresqe.La lumière entre dans l’appareil et grave l’image .Au dos du châssis, à la mine de plomb, le Photographe inscrit : »Khadidja la Marocaine ».Il a une drôle d’envie de pleurer.
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On pourrait justifier l'emplacement des taches, le choix des couleurs, ce bleu par exemple, si lumineux, peut-être un camouflage ou un prolongement de l'acide bleu qui ronge une partie de l'image d'origine, le justifier serait tentant. Mais il n'y pas de projet esthétique. Il n'y a que le geste qui dit quelque chose, ici toute harmonie, toute économie des éléments est accident.
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C'est le geste qu'il faut comprendre, pas le tableau. Il n'est pas sûr que ce geste soit compris par le passant. Ce n'est pas une pure chorégraphie du corps à la Pollock. Ce n'est pas une danse tracée. Ce n'est pas une révélation de l'état du corps de Miloudi. C'est une sentence, ce geste.
Et pas celle qu'on croit.
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Vidéo de Valentine Goby
Dans cette vidéo exclusive, plongez dans les secrets bien gardés des écrivains ! Explorez comment Caryl Férey fusionne voyages et écriture, comment DOA aborde la recherche de manière empirique, et comment Valentine Goby navigue l'exploration vertigineuse. Un voyage fascinant dans les coulisses de la création littéraire vous attend !
00:10 Caryl Férey 00:30 DOA 01:45 Alexis Jenni 02:37 Valentine Goby 04:10 DOA 05:33 Valentine Goby
Cette interview a été réalisée durant plusieurs éditions de Quais du Polar, ainsi qu'aux Artisans de la Fiction.
Chez les Artisans de la Fiction, situés à Lyon, nous valorisons l'apprentissage artisanal des techniques d'écriture pour rendre nos élèves autonomes dans la concrétisation de leurs histoires. Nous nous concentrons sur les bases de la narration inspirées du creative writing anglophone. Nos ateliers d'écriture vous permettent de maîtriser la structure de l'intrigue, les principes de la fiction et la construction de personnages.
Pour plus d'informations sur nos stages d'écriture, visitez notre site web : http://www.artisansdelafiction.com/
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