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EAN : 9782714303028
213 pages
José Corti (01/08/1989)
4.02/5   90 notes
Résumé :
« Cela se passait pendant les années de la guerre de 1914-18 ; le tramway, la savonnerie, le défilé glorieux, majestueux, du train au travers des rues, auquel il ne semblait manquer que la haie des acclamations, sont le premier souvenir que j'ai gardé de Nantes. S'il y passe par intervalles une nuance plus sombre, elle tient à la hauteur des immeubles, à l'encavement des rues, qui me surprenait ; au total, ce qui surnage de cette prise de contact si fugitive, c'est... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Depuis que j'ai lu "la forme d'une ville", je me considère comme l'une des lectrices les plus chanceuses du monde ! Car j'ai trouvé MON livre.
Celui que, si les dieux de la plume m'avaient donné une once, non pas du talent de Julien Gracq -je n'oserais pas viser si haut-, mais même d'un écrivain mineur, j'aurais pu écrire.
Celui qui a insinué, sans pudeur, les méandres de ses phrases au coeur même de mes souvenirs, qui a touché avec une acuité presque douloureuse le centre nerveux de mes émotions les plus intimes.

Et pourtant, voici un roman qui paraîtra sans doute aux yeux de la plupart des autres lecteurs comme inintéressant, voire ennuyeux. Qui passera pour le guide obsolète, partial et fragmentaire, d'une ville qu'il ne donnera probablement pas envie de découvrir.

L'auteur y évoque Nantes, où il vécut au début des années 20, alors qu'il était pensionnaire au lycée Clémenceau, situé en centre ville. Pour être juste, il évoque surtout l'empreinte qu'ont laissée en lui les souvenirs qu'il a gardés des différents lieux de la ville qu'il fût amené à parcourir, à fréquenter.

Ainsi, plus que sur la description des rues, places, et autres bâtiments, c'est sur les interactions qui s'établissent entre l'individu et l'endroit qu'il habite qu'il s'attarde. Sur la façon dont les lieux créent en vous des images mentales qui deviennent avec le temps des réminiscences, constituant des références à l'aune desquelles, durant toute votre existence, vous comparerez d'autres lieux, d'autres ambiances... Sur la façon dont, à l'inverse, le regard que vous portez sur la ville, modelé par votre expérience, votre état d'esprit, la transforme, la rendant à chacun unique et personnelle.

"... ce n'était pas là seulement une ville où j'avais grandi, c'était une ville où, contre elle, selon elle, mais toujours avec elle, je m'étais formé".

Une ville qu'il dépeint pourtant comme peu flamboyante, ne présentant d'un point de vue monumental que des beautés de second ordre. Ville de taille moyenne, qui, ayant artificiellement comblé son fleuve, n'est ni de mer ni de campagne, ni bretonne ni vendéenne... Mais c'est justement, selon Julien Gracq, cette singularité qui la rend si attachante : sorte d'électron libre, indépendante de ses racines terriennes et fluviales et donnant ainsi l'impression, centrée qu'elle est sur elle-même, de se nourrir d'une vie autonome, purement citadine. C'est aussi cette absence de grandeur architecturale qui lui a rendu la ville sensuellement plus proche, plus familière.

Nantes, décrite par l'auteur, ne s'appréhende pas dans son ensemble, mais au fil de d'itinéraires familiers, de points de repères attachés à des épisodes de sa vie, par ailleurs peu remarquables, de lycéen. Il nous en livre une connaissance viscérale, émotive, libre de toute érudition, l'histoire ou la culture étant alors occultées car associées aux contraintes d'un enseignement scolaire qui ne le passionnait guère...



J'ai déambulé avec lui dans les rues familières, entendu résonner profondément en moi les noms des parcs, des boulevards. J'ai reconnu ces résonances que laissent en nous avec une force discrète mais pérenne les lieux de l'enfance. J'ai pourtant connu Nantes, où je suis née, à la fin des années 70 et 80. C'est donc par conséquent surtout la ville où Julien Gracq revient, au moment d'écrire ce roman, en 1985, que j'ai connu. Lui-même y constate à l'occasion de ces retrouvailles le poids des évolutions -pour certaines regrettables- qui ont modifié la ville, énumère les plaies et les déchirures, les défigurations, pourtant sans regret ni nostalgie. Car peu importe l'époque, et ce que la ville est devenue... il démontre en effet que ce qui laisse en vous sa trace, n'est pas la ville telle qu'elle est, mais telle qu'à un moment, vous l'avez vue, et ressentie.

Comme l'auteur, mon existence à Nantes, bien qu'un peu plus longue, fut temporaire, puisque je la quittais à l'âge de 14 ans. Et je me demande du coup si cet éloignement n'est pas ce qui rend sa présence en moi d'autant plus marquante. L'image qu'on garde d'un lieu où l'on a vécu et vers lequel on ne revient que rarement, se pare d'une dimension immuable, et peut-être idéalisée.

En lisant "La forme d'une ville", j'ai eu l'impression que Julien Gracq avait su capter non pas tant ce qui fait l'essence de Nantes, et la caractérise, mais l'exacte vision qu'elle a imprimée en moi. Rien que ça...

Alors, je ne sais pas si son roman parlera à d'autres lecteurs. Je pourrais vous en conseiller la lecture rien que pour en apprécier l'impeccable broderie que constitue l'écriture si justement minutieuse de l'auteur, mais ressentirez-vous cette puissance d'évocation qui m'a tellement remuée ? J'en doute... sauf si, bien sûr, vous avez passé vous aussi, ne serait-ce qu'un instant de votre vie, à flâner dans les rues de Nantes...

Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
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La ville de Gracq prend la forme d'une orange. Quartiers d'un tout. Une toile d'araignée tissée entre la Loire et l'Erdre. Nantes la Grise - La ville à la rondeur d' un galet. Une partance. Ce sont les premières années de la vie de Gracq qui cheminent et se superposent. Et ce sont ces images, cet atmosphère, qui s'imprimeront dans son esprit et qui l'accompagneront durant tout son parcours littéraire. Pas de tourisme, pas de grande leçon d'histoire, mais des lumières, des odeurs, des contrastes, des ombres, des bruits. Un possible, une annonce dans un regard d'enfant. La ville vit, croit, s'enfouit, ressurgit en dehors de nous. Mais elle nous imprègne à tout jamais. Elle nous forme et nous la reformons. Sans cesse nous la reformulons mais nous ne la répétons jamais. L'empreinte qu'elle nous laisse est elle plus marquante que la forme que nous lui donnons ? Les strates de nos vies construisent les villes. Une déambulation très intéressante.
Astrid SHRIQUI GARAIN
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C'est une ode à Nantes et à ses campagnes! C'est une nostalgie douce et qui sent bon la madeleine de Proust.

Nantes vécue et admirée par un Julien Gracq encore adolescent. Où la grille et les fenêtres du lycée, où il est interné deviennent le cadre de toutes ses projections concernants cette ville.

C'est une déambulation presque mental, l'imagination, la nostalgie faussant parfois la réalité d'une ville bercée en bord de Loir
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Je crois qu'il s'agit du livre le plus ennuyeux que j'ai jamais lu...
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
C'est Apollinaire qui a, le premier, fait remarquer le microclimat dont l'embellie soudaine vient baigner pour nous certaines rues parfaitement anonymes, rien qu'à cause d'un éclat de gaîté inattendue que nous renvoient leurs façades, d'une manière qu'elles ont de capter dans leur enfilade le soleil encore tout neuf de dix heures du matin:

"J'ai vu ce matin une jolie rue dont j'ai oublié le nom
Neuve et propre du soleil elle était
(…)
J'aime la grâce de cette rue industrielle située entre la rue Aumont-Thiéville et l'avenue des Ternes"

(…)
Il m’arrive encore aujourd'hui, au coin de certaines rues de Boulogne ou de Billancourt qui donnent sur la Seine, de surprendre dans leur perspective un air de netteté vacante, inattendue, et comme fraîchement balayée, que la moindre touche de soleil matinal exalte et fait presque reluire: on dirait que l'enthousiasme naïf de la génération ouvrière du plus lourd que l'air les habite et les allège encore. Il est clair qu'un effet de surprise joue pour nous à tout coup dans de pareilles rues, du fait qu'elles devraient être enlaidies par les formes les plus rebutantes du travail, et que pourtant le bonheur fugace d'un rai de soleil les transfigure. Mais cet effet peut surgir aussi, moins explicable, au milieu du quartier le plus banalement bourgeois, et surgir de presque rien: d'une déclivité de la chaussée qui s'ouvre tout à coup devant votre pas invitante et tentatrice, d'une sinuosité à peine sensible de l'axe de la rue qui voile et dévoile à-demi en même temps sa perspective, d'un arbre qui s'incline vers le trottoir par-dessus la crête d'un ancien mur, d'un équilibre que le hasard réalise dans le rythme des masses et des intervalles des bâtisses, et qui parle brusquement à l'œil. Le sentiment très simple nous gagne alors qu'il fait bon se tenir ici, que la vie y retrouve ses marques perdues et son rythme natif, et que le monde, d’un bref clin d’œil souriant, nous renouvelle et nous confirme ses épousailles.

pp 34-36
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Quand je poussai une dernière fois derrière moi la porte du jardinet de la rue Haute-Roche, le jour qui se levait avait cette rémission limpide, bénigne, d'après-matines, encore peuplée par le seul chant des oiseaux, qu'évoque toujours pour moi le titre d'un roman d'André Dhôtel que je n'ai pas lu : "Les Rues dans l'aurore".

[Julien GRACQ, "La Forme d'une ville", José Corti éditeur (Paris), 1989]
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Je n'ai nulle aversion pour les villes fourmillantes, tintantes et résonnantes, qui semblent s'exalter dans leur propre clameur et donnent parfois le présentiment de ce que pourrait être un orgasme de la pure activité.
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Et le nom de terrains vagues, que j'ai d'ailleurs salué, recouvre ici pour moi un désir en même temps qu'une image élue : la confusion embrume par places ces lisières des villes en fait des espaces de rêves en même temps que des zones de libre vagabondage.
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Les livres ont leurs racines, comme les plantes, et comme celles des plantes, elles sont souvent sans grâce et sans couleur.
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Videos de Julien Gracq (34) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Julien Gracq
À travers les différents ouvrages que l'auteur a écrit pendant et après ses voyages à travers le monde, la poésie a pris une place importante. Mais pas que ! Sylvain Tesson est venu sur le plateau de la grande librairie avec les livres ont fait de lui l'écrivain qu'il est aujourd'hui, au-delàs de ses voyages. "Ce sont les livres que je consulte tout le temps. Je les lis, je les relis et je les annote" raconte-il à François Busnel. Parmi eux, "Entretiens" de Julien Gracq, un professeur de géographie, "Sur les falaises de marbres" d'Ernst Jünger ou encore, "La Ferme africaine" de Karen Blixen. 
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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