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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Etrange petit livre. Inclassable et prophétique. Plein d'humour aussi... Julien Gracq a deviné en 1950 la prolifération à venir du "non-littéraire le plus agressif" et il mord. Il mord toujours. Fort. 74 pages qu'on relit en savourant chaque développement, argumentations fines après images savoureuses (la rosse efflanquée, le caniche, le fameux "Livre Annuel" de certains...).

La pénible coterie parisienne des "GensDeLettres" tentera d'ailleurs de le piéger l'année suivante en lui attribuant benoîtement – pour son merveilleux et minéral "Le Rivage des Syrtes" (1951) – certain "Grand Prix Littéraire" (Oui, ce hochet "Goncourt" qu'a pu "enfin" décrocher un certain M. Houellebecq il y a quelques années... ) : Gracq le refuse. Pas pour "faire style" – comme on dirait aujourd'hui – , mais pour "simplement" rester cohérent... (on ne disait pas encore : "authentique").

Crépitement des flashs. "Ils" n'imaginaient pas que l'homme pouvait être – en son "fond" – aussi humainement, éthiquement, artistiquement "intact"... (et solitaire, bien sûr !). Alors ? " Caramba, encore raté !! " jurèrent certains, dépités... Puis "ils" passèrent à autre chose, à d'autres poulains et pouliches du moment... Car "ils" n'ont jamais compris – ils n'étaient pas en mesure de comprendre – son geste... "Pas dans le même monde" ? Peut-être... L'ancien éditeur Eric Naulleau – du temps de "L'esprit des Péninsules" (donc avant son intégration définitive aux Jeux du Cirque... "Alimentaire, mon cher Watson !") – a rappelé un jour (en certain article sur la mode française des "Prix") que le regretté Julien GRACQ (1910-2007) fut bien le seul à décliner – poliment mais fermement – le plus Prestigieux de nos "susucres-à-caniches" nationaux...

Bref, 74 pages de bonheur. Vive GRACQ for ever !


Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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Contre la littérature de Mardi gras

Ce brûlot de Julien Gracq est, à mes yeux, le procès sans appel d'une "littérature de l'estomac", ronronnante, portant sur ses traits le sourire béat et niais de l'homme insensible qui a "bu sans soif et mangé sans faim" (pour faire un emprunt à Baudelaire).

Il est question dans ce livre d'une critique incisive quant à une littérature Saint-sulpicienne, une littérature de Mardi gras qui ne peut plus que digérer avec un ignoble contentement le suc même des mots qu'elle happe goulûment pour les transformer en purin.

Cet écrit en forme d'essai est revigorant à plus d'un titre, car c'est l'oeuvre d'un styliste hors pair.

© Thibault Marconnet
Le 7 février 2013
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Dans ce pamphlet écrit en 1949 et publié l'année suivante, Julien Gracq est particulièrement féroce avec le milieu littéraire parisien, les écrivains, les éditeurs et les critiques. L'écrivain à peine "reconnu" va "donner le spectacle pénible d'une rosse efflanquée essayant de soulever lugubrement sa croupe au milieu d'une pétarade théâtrale de fouets de cirque -rien à faire ; un tour de piste suffit, il sent l'écurie comme pas un, il court maintenant à sa mangeoire ; il n'est plus bon qu'à radioter, à fourrer dans un jury littéraire où à son tour il couvera l'an prochain quelque nouveau "poulain" aux jambes molles et aux dents longues." (p.18) Il est aussi impitoyable avec les écrivains établis qui se comportent comme des "fonctionnaires" de l'écriture, produisant chaque année leur livre sans vraiment changer la formule qui les a fait connaître, sans prendre de risques que l'on finira sans doute par lire tant leurs noms sont martelés : "On y cède à la fin ; il y a des places enviables en littérature qui se distribuent comme ces portefeuilles ministériels échoués aux mains de candidats que rien ne désigne, sinon le fait qu'"ils sont toujours là" [...] de même que l'éditeur sait qu'après un premier livre, inévitablement -bon an, mal an- il en viendra un autre, lui [l'écrivain une fois édité] considère paisiblement qu'il a passé un contrat à vie avec le public..." (p.35/36/37)

Gracq n'égratigne pas uniquement l'écrivain, il n'est pas tendre avec la critique ni avec le public qui, en France, où il y a toujours eu des salons, parle beaucoup de littérature, s'écoute parfois parler, pérorer en société autour du dernier écrivain à la mode adoubé par le monde de la littérature. Il y est souvent plus question de parader que de parler de ses goûts, des sensations ressenties à la lecture de tel ou tel ouvrage, c'est cela que Gracq nomme "La littérature à l'estomac". Écrit en 1950, ce pamphlet peut faire un peu daté, et pourtant, il est intéressant de le lire maintenant et de tenter d'y voir en quoi il est toujours d'actualité. Il fut l'objet de pas mal de commentaires acerbes du monde littéraire, jugeant Gracq élitiste -ce qu'il est effectivement, tant dans ses goûts pas toujours les plus aisés à aborder : Lautréamont, Barbey d'Aurevilly, Robert Margerit, Ernst Jünger, mais aussi Edgar Allan Poe ou Rimbaud... que dans son écriture, pas toujours simple.

Publié chez José Corti, comme tous les livres de Gracq, il m'a fallu -quel plaisir !- couper les pages, comme je l'avais fait pour mon premier Gracq, Au château d'Argol et pour le sublime le rivage des Syrtes pour lequel il reçut le Prix Goncourt en 1951 qu'il refusa, fidèle à ce qu'il écrivit dans ce pamphlet. Lorsqu'on voit la foire d'empoigne qu'est devenue ce prix et la course à tous les autres prix, peut-on lui donner tort ?
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Si Julien Gracq était encore vivant, il se retournerait dans sa tombe. Tout le monde en prend pour son grade dans ce pamphlet aussi mordant que coruscant: les écrivains, les éditeurs, les critiques, les médias, et même les lecteurs.

La situation est encore pire aujourd'hui, me semble t'il. Au moins, à l'époque où ce pamphlet fut écrit, les controverses et débats portaient plutôt sur des questions politiques. On était pro-Sartre, ou anti. On adoubait les surréalistes, ou on les rejetait. Il me semble que de nos jours, ces disputes intellectuelles ont cédé le pas à une bouillie informe. Pauvreté de la critique peut-être, pauvreté des idées aussi. Les livres de non-fiction qui ont le vent en poupe exploitent le filon du développement personnel ou du cocooning. Edgar Morin vient de sortir un nième livre d'entretiens, mais qui a vraiment lu ce qui est encore de nos jours présenté comme son oeuvre majeure, les six tomes de la "Méthode"? Quant à ce qui concerne la fiction, on a le choix entre Levy et Musso...

Gracq continue à poser des questions qui méritent que l'on s'y intéresse. Qui fait ou défait un auteur? Comment les médias choisissent-ils les auteurs qu'ils décident d'inviter - et qui sont toujours un peu les mêmes? Quant aux lecteurs, comment choisissent-ils les livres qu'ils ont envie de lire... grâce à Amazon? Aux réseaux sociaux?

Plus grave encore, l'auteur montre que ces choix sont influencés par le public qui ne lit pas. Or, on le sait, cela représente une masse énorme...
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A lire absolument en 2020 ! 💖
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La question de l ' inflation discursive médiatique façonnant la subjectivité du lectorat en y informant sa sensibilité au détriment de la lecture par curiosité attractive individuelle selon le goût, lecture passionnelle des oeuvres.

Il y avance les catégories notionelles antagonistes -- du goût, de l ' audience , du style et de la forme , face à la " bonne Presse " : appréciation ideologico- politique d" une oeuvre- droite, gauche confondues - ou celle du magister philosophique en chaire.


• ce qui n ' empêche pas Gracq , et l ' on y a pas suffisamment prêté attention , d' ajouter , en une courte notule, qu ' il n ' en soutient pas moins " la litterature qui pense " mais dont la pensee s' implique ---- par l ' invention compositionnelle d' une Forme rendue sensible par son accomplissement en un style rédactionnel soutenu, oû le goût s' oppose à l ' opinion , à la popularisation de l ' ecrivain comme personne publique prenant peu à peu la place de l ' oeuvre , de ses effets intrinséques dans la litterature , vécue comme Expression Langagiere Ecrite - LIBRE.



--- la suite des positions gracquiennes se trouvant dans une conférence faite à l ' Ecole Normale Superieure : pourquoi la litterature respire mal -- recueillie dans l ' ouvrage - Préférences, puis beaucoup plus tard, vingt ans après, en l ' ouvrage - En lisant En ecrivant.

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