John Taylor, détective désabusé en rupture, rempile pour sa richissime cliente qui souhaite retrouver sa fille fugueuse Cathy. Joanna, forte femme d'affaires, va craquer et se révéler plus fragile que de prime abord…qui a dit femme fatale ?
Ce n'est pas comme si le héros et son créateur ne connaissait pas leur
Raymond Chandler sur le bout des doigts…
John Taylor, comme ses frères cachés Harry Dresden et Félix Castor, emprunte au célèbre John Constantine, et c'est tant mieux !
On emprunte autant aux univers de
Neil Gaiman (on ici presque dans une version Hard Boiled de "
Neverwhere") qu'à ceux du maître du fantastique
Clive Barker, qui nous dépeint bien souvent la réalité du quotidien comme l'antichambre de l'enfer.
Sororité chitineuse, loubards démons, Équarrisseurs, yuppies druidiques aux serpes bien aiguisés, cafards intelligents qui ont trop regardé Alien, et cette mystérieuse sirène urbaine qui joue le rôle de fil directeur du roman…
Oui, celle d'"Au-delà du réel : L'aventure continue" présentée dans l'épisode Si les murs pouvaient parler, qui reprenait une des plus célèbres créations d'Allan Edgar Poe !
Nous sommes bien dans un ouvrage horrifique, et ici le monstre c'est le Nightside lui-même. le Nighside qui après tout n'est qu'une version fantasmapourrique de Londres... Car ce coeur maléfique de la capitale anglaise, où tours d'affaires côtoient taudis miséreux, est une métaphore de l'embourgeoisement / pourrissement du centre-ville londonien, et des autres quartiers de ce Londres parallèle assez weird on ne connaitra que les noms : la chute des ombres, la rue des Dieux, Haceldama…
Simon R. Green nous offre un Nightside « it's bigger inside » où toutes les époques se mélanges (cf l'épisode de "Dr Who" intitulé The Wedding of River Song), toujours bloqué quelque part vers 3 heures du matin (cf. le "Dark City" d'Alex Proyas). Son anti-héros, qui emprunte ici à
Virgile son rôle de guide des Enfers, promène Joanna, et ainsi les lecteurs / lectrices, vers les lieux où il pense trouver des indices pour retrouver Cathy :
- le Horla, un bar eighties construit sur la tombe de Merlin Fils de Satan
- la Forteresse, un refuge pour grands paranoïaques, adeptes de la théorie du complot et autres X-Filiés
- le Papillon de Fer, le fantôme d'une boîte yé-yé qui a décidé de rester bloquer à l'époque du swinging London pour faire la nique aux infâmes écoles de commerce néolibérales
La galerie de personnages est un peu restreinte, vu que le livre ne fait de 250 pages, mais est fort sympathique :
- Suzie la Mitraille, sosie d'Hazel D'Ark ("Traquemort"), elle-même sosie de Princesse Julia ("Darkwood")
- Walker la version maléfique du Steed de Chapeau melon et bottes de cuir et le mystérieux Collectionneur
- Eddie le Rasoir, Alex Morissey, les soeurs Coltrane (remember Stevie Blue)…
On est clairement dans un récit d'exposition, les péripéties servant surtout à introduire ces personnages, de manière un peu forcée certes… Au rayon des bémols, un comique de répétition qui peut se laisser trop facilement deviner et quelques répétitions en bonne et due formes qui relève des méthodes d'écritures de l'auteur qui nous a offert 50 livres très cool en 25 ans.
Au rayon des bémols toujours, un trou d'air au milieu du roman quand les héros glisse dans le Londres du futur postapocalyptique.
Et puis on sent quand même trop de foreshadowing pour un tome d'exposition aussi court :
- quels sont les secrets de John Taylor ? quels sont les secrets de Walker ?
- qui sont les ennemis du héros ? qui est cette mère non humaine qui veut à tout prix la peau de son rejeton ?
On veut nous montrer qu'un destin à la "Hellboy" attend notre détective blasé à demi-humain…John Taylor peut retrouver n'importe quoi, pas seulement un objet ou une personne, mais aussi un point faible, un porte entre les mondes (coucou
Neil Gaiman) ou une solution à n'importe quel problème… s'il en existe une. Quelque part, derrière l'habillage du détective hard boiled, c'est un problem solver. Il y a donc du "Dr Who" en lui !
Je connais assez bien son reboot et son spin-off grimm & gritty "Torchwood" pour affirmer sans crainte que les scénaristes de la franchise ont forcément du emprunter aux univers de l'auteur britannique (déjà la malédiction d'Eddie le Rasoir est quasiment la même que celle du Capitaine Jack Harkness)
Cet épisode pilote fort agréable car so british nous plonge dans l'univers du Nightside par le biais de l'humour noir de son narrateur, car tout est raconté à la 1ère personne du point de vue de
John Taylor, et tout cela est bien rendu par la chouette traduction de
Grégory Bouet ici comme un poisson dans l'eau. Les concepts sont très cool, l'écriture est très visuelle et on sent vite qu'on pourrait facilement décliner le concept en films, en séries, en comics, en manga ou je ne sais quoi… ^^ Vivement la suite quoi !
PS : Sinon si ce n'était pas déjà évident avec ses autres ouvrages,
Simon R. Green appartient bien au courant rock'n'roll de la SFFF anglaise… Ben oui, le héros s'appelle
John Taylor et cotoie le Dieu Punk du Rasoir, Morissey, Coltrane…
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