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Véronique Charaire (Traducteur)
EAN : 9782911581076
201 pages
Ibolya Virág (27/11/2001)
4.17/5   9 notes
Résumé :
Sous la forme d'un récit à suspens, comique et surréaliste, Lajos Grendel, l'un des meilleurs écrivains de Slovaquie, où il est né en 1948 nous livre son analyse des bouleversements politiques que les Pays d'Europe centrale viennent de traverser.
Les cloches d'Einstein est son deuxième livre traduit en français
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce petit livre d'un auteur slovaque trouvé par hasard chez le dilettante, une librairie place de l'Odeon à Paris, qui offre un grand nombre de livres épuisés ou singuliers, est un petit bijou.
Nous sommes en Tchécoslovaquie, un peu avant la chute du Mur de Berlin.
Notre narrateur, Ferko Meszaros est un jeune mathématicien un peu perdu et impuissant face au système de mensonges, d'imprévisibilité, et de manque de sens du régime communiste en place. La vie tranquille et juste, qu'il aimerait mener hors du système s'avère de l'impossible. Et de plus épousant une Jeanne d'Arc du dite système , la fille unique du secrétaire de section du parti, il va s'y enfoncer jusque dans son lit et son boulot. Pistonné par son beau-père, il devient "premier sous-directeur de la direction du groupe général de l'Institut de recherche de l'anabase ". Un institut bidon camouflé comme atelier de coutures, qui fait des recherches afin de mieux boucler la population. Vu l'absurdité de l'entreprise, on en viendra même à lui poser la question: "Dites Monsieur, êtes-vous des fous et des escrocs?”.
On suit notre protagoniste, incapable de prendre le contrôle de sa vie, embourbé dans les remous de l'Histoire, passant différentes périodes " d'ignorance béate" qui lui seront relativement "bénéfiques", jusqu'à ce que la voix capricieuse de son Moi Inégalable personnifié en Einstein, déjà présent avant son plongeon dans le bourbier, refasse surface. Alors que le système commence à chambouler, Einstein lui susurre, "Notre vie est faites de petites trahisons...Si celles-ci se rassemblent, la porte de la connaissance de toi-même s'ouvre devant toi...À partir de cet instant, tu ne peux plus compter que sur toi-même ". le voilà obligé de prendre ses responsabilités face à la révolution et au dilemme de, Suis-je avec "nous" ou avec "eux" ? Mais bon là aussi le veinard se laisse aller, car qu'importe puisque dans la logique de l'Histoire, " demain les nous se changeraient en eux , et les eux en nous "......... Sacré Ferko !

Un livre intelligent et intéressant, à l'humour corrosif qui fait détoner l'absurdité d'un système totalitaire, où la vie privée n'existe pas. Une ovni littéraire à déguster.

"J'ai appris que le maximum à quoi on puisse prétendre dans la vie, c'est au bonheur des ignorants. Vouloir davantage revient à jouer avec les flammes de l'enfer.....
Je voulais me reposer de ce monde stupide dans lequel j'avais vu le jour, et qui ne sortirait pas de sa stupidité, j'en étais convaincu, même si les révolutions se succédaient aussi souvent que les règles des femmes."
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Alors qu'un mur s'effondre, nous nous aventurons en Absurdistan, ce pays méconnu d'Europe de l'Est. Nous, c'est à dire Moi et Mon Moi Inégalable, cette petite voix intérieure qui me montre la voie à prendre, ou à dévier - et les déviances, ça me connait dans ma putain de vie. Mon Moi Inégalable m'est parvenu comme ça un jour, sous les traits d'Einstein, une mine donc confiante pour survivre en terrain (dé)miné. Ils sonnent les cloches pendant qu'une révolution se joue. Seul dans mon bureau, à regarder le monde, du moins ce globe-terrestre qui tourne à portée de main, voulant profiter d'une journée pépère, espérant juste baiser ma douce ce soir...

Mais c'était sans compter sur l'influence du Parti, qui loin de me sonner les cloches, réduisit mes espoirs à quasi néant, le vide de ma vie. Rien ne peut être fait sans son aval et je ne lui demande même pas qu'elle me l'avale, ma passion se ravale avec ce goût d'amertume et de poussière.

L'Absurdistan, cette enclave socialiste que je pourrais situer entre la Slovaquie et la Hongrie, est peuplée de petites vies, aux comportements absurdes et drôlatiques, s'ils étaient pris au sérieux, pour le pauvre type qui habite de l'autre côté du mur. Il y a des secrets qui rôdent derrière chaque usine, même une simple usine de couture même délabrée, des gestes à mesurer avant d'en prendre la pleine conscience de son utilité, les couturières ne sont pas ce qu'elles sont, là c'est du sérieux. Surtout, pour survivre, il faut ne jamais remettre en question le avant. Si c'est là, et ben, c'est là. Point - de croix. Alors quand on se réveille au beau milieu d'une révolution, le vent tourne, mais l'absurdité continue, à savoir vers quel horizon a tourné ce vent qui soulève la poussière de nos vies, surtout lorsque l'on ne sait même plus quelle est cette direction.

Et pendant ce temps-là, Einstein sonne les cloches... J'ai beau fermer les yeux, je l'entends toujours... Alors je me ressers une bière. Merci.
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Prenant la forme d'une biographie à rebondissements d'un homme somme toute assez naïf et ordinaire, Les cloches d'Einstein est une satire mordante et entraînante d‘une société et d‘un pouvoir faits de faux-semblants et de petits arrangements. On imagine que Grendel a forcé le trait en peuplant son livre de couturières-gardes du corps et d'hurluberlus « chercheurs » affublés de pseudonymes aussi variés que « Pierre le Grand » (celui de notre héros, à défaut de son premier choix, « Goulag »), « Rayon Gamma » ou « prince des Hittites »: tout ce petit monde paraît assez peu menaçant, mais c'est probablement le genre de système dont il est plus facile de se moquer quand on en est sorti que quand on est forcé d'en faire partie.
Lien : https://passagealest.wordpre..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Y-a-t-il un moment plus décisif dans la vie d'un homme que l'instant où une femme le subjugué par sa féminité, l'incite à visiter son calice et l'emprisonne pour toujours avec ses cuisses?
Existe-t-il une sensation plus transcendante, plus profonde, plus émouvante que l'amour?
Zsofi s'est emparé de chaque minute de mes nuits et de mes jours, a ligoté et paralysé ma volonté, elle s'est même immiscée dans mes rêves. J'espérais que mon Moi Inégalable prendrait position bientôt au sujet du changement important survenu dans ma vie, et que ses conseils allaient renforcer mes liens avec Zsofi. Mais mon Moi Inégalable est resté indifférent , comme un rocher ou un âne.
p.29
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Ayant adhéré au parti, passé mon diplôme et fait un an de service militaire, mon beau-père m'a pris sous son aile et nous avons organisé des noces faramineuses.Zsofi s'est lavé les pieds dans du champagne et elle a enduit mon corps de caviar aprés que vers minuit, nous eûmes regagné notre chambre à coucher sous les applaudissements scandés des invités.Je ne me doutais pas encore que je profitais de ses derniers libertinages. Je me suis couché avec Mme Récamier et, le matin, c'est Jeanne d'Arc qui s'est levée de mon lit.
p.38
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Des années plus tard, mon Moi inégalable évoquant l'un de mes dilemmes insolubles, a déclaré qu'en ce qui concerne le sens de l'existence humaine il n'y a pas de réponse sensée. La réponse est soit pragmatique, soit philosophique, mais en aucun cas satisfaisante. La réponse pragmatique est presque amorale, la philosophique spéculative et abstraite. C'est la morale qui fait de l'homme un homme, l'homme amoral est, au fond, un animal.
p.24
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L'après-midi m'a gratifié de deux évènements notables. Tout d'abord, un travailleur scientifique à la gueule de faune m'a rendu visite. Il m'appelait déjà Pierre le Grand, son pseudonyme à lui était Vespasien. Il m'a demandé de lire et de contresigner son étude de vingt-deux pages au titre grandiloquent : L'évolution des mœurs du travail et le recul de l'alcoolisme dans la première période de la construction du socialisme développé. Je ne me souviens plus de tous les détails de son argumentation, je sais en revanche qu'il préconisait l'augmentation drastique du prix des spiritueux, ainsi que l'introduction provisoire de la bastonnade et du matriarcat pour le cas où on ne réussirait pas à ramener la consommation d'alcool sur les lieux de travail au-dessous du seuil critique de trois bières et d'un demi-litre de vin par jour. J'ai trouvé ses déductions et ses propositions un peu sévères. Vespasien m'a confessé alors qu'à l'origine, il préconisait la proclamation de l'état d'urgence, mais l'académicien Ember Scätozar, un homme âgé et même malade, donc parfois très indulgent, soutenait mordicus qu'il fallait créer des commandos de jeunes mères afin de détruire les bistrots, ou bien utiliser la persuasion idéologique : on devait fustiger les vestiges de l'alcoolisme qui persistait encore ici et là en organisant des réunions extraordinaires et publiques du parti. Qu'en pensez-vous ? m'a t-il demandé.
- Retravaillez votre étude, camarade Vespasien, ai-je proposé, car je ne savais pas quoi dire d'autre.
- Je l'ai déjà travaillé deux fois, camarade Pierre le Grand.
- Cela ne fait rien. Retravaillez-la une troisième fois.
- Et à votre avis, dois-je tenir compte des suggestions du camarade directeur général ?
- Certainement, ai-je dit.
- Et que proposez-vous, camarade sous-directeur ?
- La même chose que le camarade directeur général. Au travail ! Ne vous découragez pas, camarade Vespasien, j'ai confiance en vous.
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Le mariage est une affaire privée qui concerne deux personnes, un homme et une femme - voilà un fait notoire. Mais mon mariage avec Zsofi ne correspondait pas aux normes : sans que je sois devenu bigame, nous vivions à trois. Le parti nous accompagnait partout comme notre ombre, il s'insinuait même dans notre lit. Lorsque, une nuit, je rechignais corps et âme à répéter la position du missionnaire et que j'encourageais ma moitié à faire preuve de fantaisie, Zsofi, indignée, a refusé catégoriquement. Son argumentation m'a étonné, c'est le moins que l'on puisse dire.
- Le parti ne l'approuverait pas. Le parti nous met en garde contre les perversions.
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