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EAN : 9782757803622
256 pages
Points (11/09/2008)
4.35/5   17 notes
Résumé :

Jean-Claude Guillebaud, Raymond Depardon. Le premier est écrivain et essayiste, le second est cinéaste et photographe chez Magnum.

Tous deux ont entretenu longtemps un rapport particulier avec l'Ethiopie, cette corne fameuse qui, des sables de Mersa Tekle au cap des Aromates, des splendeurs haut perchées du Wollo abyssin aux sauvageries bantoues de la vallée de l'Omo, dessine comme un accent circonflexe coiffant l'Afrique orientale.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Bab El Mandeb, "la porte des larmes", détroit qui fait communiqué la mer rouge et l'océan indien. On ne pouvait choisir un meilleur titre pour ce livre qui nous emmène dans la corne de l'Afrique, dans l'Abyssinie de la fin du millénaire, alors le pays le plus pauvre de la planète. Un départ de Djibouti, un passage à Harar (les passionnés de la vie de Rimbaud la connaissent peut-être), et un long voyage en train jusqu'Addis Ababa. Une remontée en jeep vers le Nord, traversée des hauts plateaux Ethiopien et arrivée à en Erythrée: Asmara, Nakfa, Mitsiwa, et plongée finale sur la mer rouge et l'archipel des Dahlak. Voilà pour quelques escales sur une carte de géographie. Mais ne vous y trompez pas, ce n'est pas le guide du routard. Ce livre est, comme beaucoup de vrais voyages, un témoignage d'une époque, mais aussi un récit intime. Jean-Claude Guillebaud a passé le début des années 70 en Ethiopie, comme journaliste. Il y revient à l'automne 1995, avec l'oeil du quinquagénaire expérimenté, mais aussi en fin connaisseur de l'histoire de l'Ethiopie. Il tisse sa narration avec les fils du passé et du présent. Il livre un texte intime, un regard sur ce monde qu'il connait et qu'il découvre, autre et semblable, prêt de 30 ans après sa première vie en Ethiopie. Sa plume offre un regard sur l'histoire contemporaine de l'Ethiopie, la culture, mais elle raconte aussi l'homme qui "revient vers son passé", ses idéaux de jeunesse. Un double voyage, que je ne me permettrai pas de résumer tant il est riche, et complexe. Il m'aura permis de rendre un peu plus nettes les quelques images très floues que j'avais de l'Ethiopie: grandeur mais aussi famines récurrentes, résistance au colonialisme, dictature communiste, et guerres "civiles". le lecteur averti que je n'étais pas, a appris beaucoup, complétant les récits historiques avec "wikipédia". La fin du voyage et l'entrée en Erythrée, peu après l'indépendance, mais aussi peu avant le retour à la guerre, est particulièrement intéressante. J'aime lire ces instantanés qui ne savent rien du futur et qui pourtant pourtant le laissent lire en filigrane.

Ce récit, écrit d'une plume littéraire puissante d'évocations, n'est qu'un des visages de ce livre. Comme Bouvier qui voyageait avec Thierry Vernet pour l'usage du monde, Guillebaud avait emmené avec lui Raymond Depardon et son Leica. Les photos de Depardon sont magnifiques. Bien qu'en relation avec le récit de Guillebaud, elles racontent une autre histoire. Il y a plus de rencontres dans les photos de Depardon, toutes en lumières et en contrastes. Chacun traverse la porte des larmes à sa manière.
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Jean Claude Guillebaud, au reportage de guerre, a une telle présence personnelle dans ce livre, qu'il me confia, quand je l'interpellais à ce sujet, au festival international du journalisme vivant en 2016, comment il s'isolait dans son écriture, le soir, comme pour une distance de soi plus que nécessaire. Il a présidé l'année suivante le Prix Bayeux Calvados Normandie des correspondants de guerre.
Lien : http://www.prixbayeux.org/
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Très bel ouvrage, tant par ses textes que par ses photographies, qui informe au fil des pages et des réflexions de ses auteurs sans néanmoins juger; les anecdotes historiques sur l'Ethiopie et sur ses conflits avec l'Erythrée m'a beaucoup intéressée.
Une fois encore, un coup de coeur pour la collaboration de Depardon et de Guillebaud.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Un matin, à Harar, Raymond opère sur la place du marché (...) De loin, je devine à ses gestes, aux hésitations de son parcours ce que peut être l'embarras d'un photographe.
Surgit alors une apparition.
(...) Conduisant trois ânes chargés de grain, une jeune femme en tunique écrue traverse la foule. Elle n'a pas beaucoup plus de vingt ans. Elle marche pieds nus dans la poussière, droite, très cambrée dans l'évidence de sa propre grâce. (...) Raymond a remarqué cette femme dont l'éclat fait pâlir tout Harar.
Contre toutes ses habitudes, machinalement, il suit pas à pas la jeune paysanne pour la photographier. Celle-ci a vu le manège. Elle se dérobe, presse le pas, détourne la tête, s'abrite derrière un pan de mur ou bien, ostensiblement, se fond dans la foule sans plus se soucier de ses ânes laissés à l'écart. Raymond insiste, se rapproche, ruse à son tour. Une sorte de jeu s'organise que la foule alentour finit par repérer. Surprise ! A la différence de ce qui arriva en d'autres lieux aucune animosité ne s'exprime à notre endroit. Bien au contraire. Paysans, marchandes et passants s'amusent d'une traque si bien réglée. On encourage le photographe, des plaisanteries fusent que nous ne comprenons pas. Une bienveillance générale, en tout cas, nous fait escorte.
Puis la scène devient très belle.
Se lasse-t-elle d'être poursuivie ? Entre-t-elle dans le jeu pour obéir aux conseils qu'on lui prodigue ? La jeune femme s'immobilise soudain et, changeant d'attitude, se plante devant l'objectif de Raymond, les deux poings sur les hanches, le regard droit. Avant même que nous réalisions ce qui se passe sur ce marché de Harar, la foule a déjà fait cercle autour du photographe et de son modèle. Tous deux sont désormais face à face dans une petite arène. Un grand silence se fait tandis que, posément, Raymond presse le déclencheur de son Leica. Néfertiti ne bronche pas.
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Le temps de la tricherie exotique est passé. Mentalement, Djibouti évolue dans le même cyberespace que le reste du monde, dans cette même lueur bleutée des télévisions, œil borgne ouvert jusque dans les masures de Balballa, ou la brousse de Dikhil. Chacun vit ici – mais virtuellement – dans l’évidence libertaire de la world culture. Et chaque année, cette bourrasque souffle plus fort, exacerbant les rêves mais cadenassant les solitudes. […]
Elle savait bien, la jeune morte de Tadjourah, que, dans le même temps, toutes les violences d’autrefois retrouvaient paradoxalement leur empire. Jeune fille au sexe cousu, tyrannie du père et mère trop soumise que suffit à nourrir un Thermos de thé, mariages convenus et rites recommencés, pruderie affichée et viols impunis, non-dit étouffant, fillettes offertes pour quinze francs dans l’obscurité des quartiers et sida galopant que l’on combat par l’incantation pudibonde. A chaque assaut de la modernité répond un cran resserré dans la tradition et s’impose un repli communautaire plus impérieux : de la nation à l’ethnie, puis à la tribu, au clan, au sous-clan, à la famille. L’infiniment petit contre l’infiniment grand.
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La misère de l’Ethiopie fait de nous des milliardaires, voilà la vérité. Nous déambulons dans ce pays avec une grosse liasse de dollars sanglée autour de la taille et qui nous affranchit – magiquement – de toutes les pesanteurs locales. Comment notre humeur ne s’en trouverait-elle pas faussée ? Quoi que nous fassions, quoi que nous ressentions, nous demeurons comme suspendus au-dessus des tracas ordinaires, aériens, demi-dieux en somme. Un repas nous coûte le prix d’un timbre et une chambre d’hôtel celui d’une place de cinéma. Ni la sincérité de nos éland, ni la bienveillance de nos inclinations pour ce pays ne sont en cause ; disons seulement qu’elles partent d’un point de vue confortable.
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Videos de Raymond Depardon (26) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Raymond Depardon
En 1961, Raymond Depardon réalise plusieurs reportages photographiques en Algérie, puis à Évian, pendant les premières négociations pour mettre fin à la guerre. Les clichés algériens montrent surtout Alger. L'attention prêtée aux mouvements des personnes et aux lignes propres à l'environnement urbain dévoilent avec beaucoup de subtilité une ville sous tension, fracturée par la colonisation, et les images, loin des images du corpus orientaliste véhiculées par les colons, ne sont pas sans rappeler les images du célèbre film "La Bataille d'Alger".
À Évian, Depardon capte les visages, les sourires, les volutes de fumée de cigarette et les jolis costumes de la délégation algérienne, composée de jeunes militants. Certains d'entre eux, notamment Krim Belkacem, à la tête de la délégation, disparaîtront quelques années plus tard, dans les violences politiques post-indépendance.
Ces photographies, en plus de leur caractère esthétique et artistique, interrogent beaucoup, sur l'apport des images à l'histoire bien sûr, mais aussi sur la mémoire algérienne de la guerre d'indépendance, toujours disputée ardemment.
Près de soixante ans plus tard, Depardon fait part à l'auteur Kamel Daoud de son désir de voir ses photographies republiées. le romancier décide de s'en emparer et de leur adjoindre du texte. Les deux s'entendent pour ajouter aux images d'époque une nouvelle série de photographies prises en 2019 à Alger. le livre, "Son oeil dans ma main", est publié simultanément en France et en Algérie, aux éditions Barzakh, dont le rôle important dans les sciences humaines et la littérature est maintenant acquis.
L'auteur Kamel Daoud était l'invité des Matins du 14 février 2022.
#guerrealgerie #photographie #franceculture _____________
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