La présentation de l'éditeur étant déjà très complète sur les thèmes abordés dans ces Mémoires, je me concentrerai ici sur ceux qui m'ont particulièrement intéressée et plu, afin d'éviter des redites trop importantes et un article interminable.
Le style tout d'abord est très agréable à lire : sans être à la hauteur des tout grands écrivains de l'époque, on sent que
Justine Guillery a reçu une éducation littéraire importante et qu'elle a su en tirer une écriture élégante et raffinée. de plus, n'usant pas de termes spécialement soutenus ou de tournures aujourd'hui moins coutumières, elle peut être très facilement lue, y compris par des lecteurs peu accoutumés à la littérature du 19e siècle.
J'ai également apprécié les passages sur la Belgique où
Justine Guillery a vécu quelques années avec ses frères. Bien qu'elle ne soit guère flatteuse envers mes compatriotes passés (elle s'étend plus ou moins longuement sur leur embonpoint, leur manque de raffinement et d'élégance, leur tendance à se mettre à leur aise plutôt qu'à se contraindre par politesse pour les autres, par opposition à l'attitude française plus soucieuse du paraître, notamment), c'est l'un des premiers textes du 19e siècle que je lis où il est vraiment question de mon pays et de ses habitants : je l'ai reçu comme l'expression du préjugé dominant à cette époque et ai trouvé intéressant cet éclairage « extérieur ». Je suis d'ailleurs assez curieuse de lire d'autres témoignages de ce temps ou d'autres pour confirmer ou infirmer cette impression.
Enfin, bien plus que ces deux premiers éléments, ce qui a en grande partie rendu la lecture de ces Mémoires passionnante pour moi, c'est leur aspect féminin : l'auteure étant une femme, elle évoque beaucoup sa situation et celle de ses compagnes, ainsi que son éducation et celle qu'elle a elle-même dispensée en tant que préceptrice. Ceux qui me connaissent ou suivent ce blog savent à quel point c'est un thème qui me tient à coeur et auquel je suis attentive. de ces mémoires, j'ai donc avant tout retenu (et admiré) l'indépendance de l'auteure : laissée très libre dans sa jeunesse, après avoir reçu une éducation assez sommaire, elle a poursuivi celle-ci en autodidacte par la lecture des grands auteurs comme
Voltaire,
Corneille, Racine et surtout Rousseau qui a eu une grande influence sur ses premières pensées. Par la suite, elle a gardé ce goût de liberté et ne s'est jamais mariée, au début par contrainte puis par choix. Cela impliquait donc qu'elle travaille pour assurer son existence et sa chère indépendance : grâce à sa culture littéraire, elle a pu devenir préceptrice pour plusieurs familles, avec plus ou moins de bonheur et de réussite. Tout n'a pas toujours été idyllique dans son existence (une femme seule attise les convoitises masculines, et elle n'a pas été privée de mépris ou d'avances humiliantes), mais elle a su garder la tête haute et se faire une place dans la société, tant bien que mal. Ce ne fut malheureusement pas le cas de toutes les femmes qu'elle a connus et dont elle a dressé le portrait dans ses Mémoires : elle est loin de n'y parler que d'elle-même, contrairement à ce qu'elle semble annoncer, et peint un tableau général de la société féminine de son temps, souvent malheureuse.
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