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Jean-René Ladmiral (Traducteur)
EAN : 9782070719426
266 pages
Gallimard (01/01/1990)
3.75/5   10 notes
Résumé :
La technique et la science constituent désormais les forces productives les plus importantes des sociétés développées. Cette situation nouvelle pose le problème de leur relation avec la pratique sociale, telle qu'elle doit s'exercer dans un monde où l'information est elle-même un produit de la technique.
Jürgen Habermas examine dans les études réunies dans ce volume l'incidence de la rationalité scientifique sur le « monde social vécu » et ses répercussions s... >Voir plus
Que lire après La technique et la science comme « idéologie »Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Cet ouvrage contient cinq essais portant sur la conception qu'a Habermas de l'agir instrumental ou stratégique (souvent appelé "activité rationnelle par rapport à une fin"), et sur la nécessité, face à ce type d'agir, de rétablir des activités communicationnelles, dans lesquels les sujets puissent interagir ensemble, chercher à se comprendre par le biais du langage, pour instituer des normes communes.

Les trois premiers essais (dont le premier, le plus long, donne son nom à l'oeuvre) sont assez proches, voire parfois répétitifs, dans leur contenu. Après avoir montré que la technique moderne, dont le progrès a mis à mal les idéologies du passé, pouvait donner lieu à une nouvelle idéologie dans sa tendance technocratique à considérer que tout débat politique devenait stérile, Habermas s'interroge sur la manière dont les nouvelles connaissances scientifico-techniques pouvaient être traduites dans un langage ordinaire susceptible d'être manié par l'opinion publique. A cette question, il ne semble pas fournir de réponse précise, pas plus qu'à la question, centrale dans le troisième texte, du type de relations que doivent entretenir expertise technique et décision politique. Si Habermas refuse à la fois le technocratisme et le décisionnisme, sa thématisation d'une communauté politique qui redéfinirait ses intérêts à la lumière des acquis techniques disponibles, et d'un progrès technique qui s'orienterait différemment selon de tels intérêts, reste assez vague.

Le quatrième texte, "Connaissance et intérêt", s'appuie sur le constat husserlien du rejet de l'idée de la "théorie pure" dans la science moderne. Si les reproches d'Habermas à l'encontre d'Husserl semblent assez rapides et peu convaincants, le texte parvient à distinguer trois formes d'intérêt dont la philosophie doit reconnaître la légitime présence à travers trois types de sciences.

Le dernier texte, "Travail et interaction. Remarques sur la philosophie de l'esprit de Hegel à Iéna", est le plus difficile de l'oeuvre, Habermas commentant la manière dont Hegel, dans des textes de jeunesse, s'oppose à la conception kantienne du sujet transcendantal. Après avoir distingué trois milieux (famille, travail, langage) dans lesquels la conscience se constituait, Habermas commente le lien entre ces différents milieux, notamment celui entre le domaine du travail, lieu de l'agir instrumental, et celui de l'interaction familiale. A cela s'ajoute une indication des raisons pour lesquelles cette tripartition aurait été mise de côté dans les textes ultérieurs de Hegel. Cet essai est à la fois d'un grand intérêt du point de vue de l'histoire de la philosophie, et de la manière dont la philosophie de Habermas s'y rapporte.

Habermas s'exprime d'une manière précise, souvent technique, nullement jargonneuse, mais sans se soucier d'expliquer suffisamment les concepts qu'il discute pour que son propos soit accessible au grand public. L'oeuvre contient de multiples références à l'histoire de la philosophie et reste donc conseillée à des connaisseurs.
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lol
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le progrès quasi autonome de la science et de la technique dont dépend effectivement la variable la plus importante du système, à savoir la croissance économique, fait […] figure de variable indépendante. Il en résulte une perspective selon laquelle l'évolution du système social paraît être déterminée par la logique du progrès scientifique et technique. La dynamique immanente à ce progrès semble produire des contraintes objectives auxquelles doit se conformer une politique répondant à des besoins fonctionnels. Or, une fois que cette illusion s'est effectivement bien implantée, la propagande peut invoquer le rôle de la science et de la technique pour expliquer et légitimer les raisons pour lesquelles, dans les sociétés modernes, un processus de formation démocratique de la volonté politique concernant les questions de la pratique "doit" nécessairement perdre toute fonction et céder la place aux décisions de nature plébiscitaire concernant les alternatives mettant tel ou tel personnel administratif à la tête de l'État. C'est la thèse de la technocratie, et le discours scientifique en a développé la théorie sous différentes versions Mais le fait qu'elle puisse pénétrer aussi, en tant qu'idéologie implicite, dans la conscience de la masse de la production dépolitisée et avoir un pouvoir de légitimation me paraît plus important.
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Dans les systèmes industriels les plus avancés, il faut de nos jours faire un effort énergique pour prendre en main de façon consciente une médiation du progrès technique et de la pratique vécue des grandes sociétés industrielles qui jusqu'à présent n'a fait que s'imposer avec tous les traits d'une histoire naturelle (naturgeschichtlich). C'est n'est pas le lieu ici de discuter des conditions sociales, économiques et politiques dont devrait nécessairement dépendre une politique centralisée de la recherche à long terme. Il ne suffit pas qu'un système social remplisse certaines conditions de rationalité technique. A supposer même que le rêve cybernétique d'une autostabilisation pour ainsi dire instinctive soit réalisable, c'est qu'on aurait en chemin réduit le système des valeurs à de simples recettes de maximisation concernant puissance et bien-être, à un équivalent de la valeur biologique de base représentée par la survie à tout prix, c'est-à-dire l'hyperstabilité. De par les conséquences socio-culturelles imprévues du progrès technique, l'espèce humaine s'est elle-même mis au défi non seulement de provoquer la destinée sociale qui est la sienne mais encore d'apprendre à la maîtriser. Et il n'est pas possible de relever ce défi lancé par la technique avec les seules ressources de la technique. Il s'agit bien plutôt d'engager une discussion, débouchant sur des conséquences politiques, qui mette en rapport de façon rationnelle et obligatoire le potentiel dont la société dispose en matière de savoir et de pouvoir techniques avec notre savoir et notre vouloir pratiques.
D'une part, une telle discussion pourrait éclairer les acteurs de la vie politique, dans le cadre de ce qui est techniquement possible et "faisable", sur la conception que les intérêts auxquels ils sont affaire se font d'eux-mêmes, telle qu'elle se trouve déterminée par la tradition. D'autre part, à la lumière des besoins ainsi articulés et ré-interprétés, ils pourraient juger par rapport à la pratique dans quelle direction et dans quelle mesure nous désirons développer notre savoir technique dans l'avenir.
Cette dialectique du pouvoir et du vouloir s'opère actuellement de façon non réfléchie, en fonction d'intérêts dont on n'exige pas qu'ils aient de justification publique, par plus qu'on ne les y autorise. Ce n'est qu'en assurant avec conscience politique cette dialectique que nous pourrions reprendre en main une médiation du progrès technique et du monde vécu social qui jusqu'à présent s'est imposé à la façon d'une histoire naturelle (naturgeschichtlich). Dans la mesure où cela est l'affaire de la réflexion, cette médiation ne relève pas plus cette fois-ci de la compétence de tel ou tel spécialiste. Le pouvoir de disposer techniquement des choses ne suffit pas à dissoudre la substance de la domination ; elle peut même au besoin se retrancher derrière lui. L'irrationalité de la domination qui a pris maintenant les proportions d'un danger mortel collectif ne pourrait être surmontée que par la formation d'une volonté politique, liée au principe d'une discussion générale et exempte de domination. Il n'est permis d'espérer une rationalisation de la domination que d'une situation où serait développée la puissance politique d'une pensée liée au dialogue. La force libératrice de la réflexion ne peut être remplacée par un déploiement de savoir techniquement utilisable.
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La libération de la faim et de la misère ne coïncide pas nécessairement avec la libération de la servitude et de l'humiliation, car l'évolution du travail et celle de l'interaction ne sont pas automatiquement liées.
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Ce qui nous distingue de la nature, c'est justement la seule chose que nous soyons en mesure de connaître selon sa nature, à savoir le langage.
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La vérité d'un énoncé a son fondement dans l'anticipation d'une vie réussie.
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Vidéo de Jürgen Habermas
Assister à l'après-midi Marxisme et École de Francfort, dans le cadre du colloque « La philosophie comme critique de la culture ? ».
- 14h : Jean-Claude Monod (CNRS-Archives Husserl) « Kulturkritik, satire, critique sociale: quelles armes pour la philosophie ? »
- 15h : Katia Genel (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne/Centre Marc Bloch) « Des pathologies sociales à la santé sociale: Adorno, Habermas et Honneth »
- 16h20 : Franck Fischbach (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) « Faut-il choisir entre la critique sociale et la Kulturkritik ? »
Un colloque organisé par le centre SPH de l'Université Bordeaux Montaigne, en partenariat avec la Librairie Mollat et l'Université de Bordeaux.
+ Lire la suite
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