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DNF page 122.
Qu'on se le dise ce livre est très bien écrit. On sent la maîtrise du style, les tournures, les métaphores et les recherches de vocabulaire et d'extraits de poésie du 16e siècle.
C'est impressionnant de savoir écrire de cette manière et de moduler son style au fur et à mesure des époques que traverse l'histoire.
J'abandonne ce livre parce qu'il n'est pas ce à quoi je m'attendais malgré un scénario très intéressant.
Ce roman est un exercice de style ni plus ni moins. La forme y est mais le fond je l'ai cherché jusqu'à la moitié de l'histoire.
C'est fastidieux comme lecture, incompréhensible par moment, contemplatif à d'autres, ça donne l'impression de manquer d'ancrage, qu'on assiste au loin à la vie du personnage. Une distance si éloignée que ça paraît décousu, absent d'émotions.
Malheureusement pas un roman qui me correspond mais qui ravira les amoureux de la prose et des récits historiques.
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« Tant que l'edelweiss de l'impérissable gloire ne te seras pas acquis, tu pérégrineras sur cette terre dans la perpétuité de ton dernier âge pour le meilleur et pour le pire… ». C'eût pu être les mots prononcés par le démon fourchu à l'égard de Marc Papillon de Lasphrise, soldat-poète qui rêva pour ses Diverses poésies de l'immortalité accordée aux talents reconnus. Oeuvre étonnante que ce récit hypnotique à la langue châtiée, éprise d'une éloquence parfois emberlificotée dans ses ingénieuses trouvailles étymologiques et syntaxiques. Ce livre-là se lit comme un recueil poétique en spirale, pour l'amour de la langue faconde et du verbe enluminé. Mise en abîme de l'histoire d'un homme à la condition immortelle, balloté par les flots de l'Histoire et des deuils répétés sans possibilité aucune d'en réchapper.

Après des années passées à guerroyer au côté des Guise en pleines guerres de Religion, sans pour autant manquer de butiner la pucelle, le Capitaine Lasphrise s'éprend de poésie et se retire dans sa demeure angevine pour se consacrer à la versification. Lassé de ne point trouver la consécration, il conclut un pacte avec le diable apparu devant lui dans un nuage de souffre, et se retrouve à errer sur Terre, son livre sous le bras et à talonner les flancs d'un destrier sans cesse renouvelé mais au nom inchangé de Saut Perdu. Prononcé mort en 1599, Papillon continue cependant d'arpenter territoires et époques, croisant le chemin d'illustres inconnus ou de figures familières telles Napoléon ou Le Marquis de Sade. Des champs de bataille aux salons des Précieuses ridicules, des cachots de la Bastille jusqu'au cimetière du Père-Lachaise, le soldat-poète traîne ses rimes et son âme, ne cessant de reconnaître et de poursuivre à travers les femmes de sa vie cette Nouvelle Inconnue, image de l'amour absolu…

Marc de Papillon a réellement existé. Celui qui se faisait appeler Capitaine Lasphrise, en référence à ses faits de bataille, fut un poète baroque satirico-érotique à qui l'on doit une coquette somme de Sonnets, Stances, Élégies et Chansons. Parmi eux, les Amours de Théophile, composées en l'honneur d'une bénédictine du nom de Renée le Poulchre, l'un des multiples visages de la Nouvelle Inconnue.
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Et si les Beatles n'étaient pas nés ? se demande Pierre Bayard. Peut-être écouterions-nous les Kinks en nous pâmant. L'uchronie, expliquait-il sur France Culture, nous oblige à réfléchir sur nos goûts : dans l'infini des possibles, il existe un monde où c'est Anatole France et non Marcel Proust qui est considéré comme le grand écrivain national.
(Parenthèse digressive : c'est marrant, imaginer un univers sans Michel Houellebecq ne me procure aucune angoisse particulière)
Bref, la postérité tient à bien peu de choses et le génie ne saurait l'expliquer à lui seul.
Ainsi, nous vivons dans un monde où Marc Papillon, seigneur de Lasphrise, auteur des « Amours de Théophile » et de « L'Amour passionnée de Noémie », est parfaitement inconnu, au grand dam de Marcel Coulon qui tenta de comprendre pourquoi celui qu'il considèrait comme « le chantre de l'amour sensuel le plus talentueux de la Renaissance » laissa si peu de traces dans les anthologies. Vous me direz que Marcel Coulon n'est lui-même pas très gâté par les trompettes de la renommée, mais il existe bien des gens qui croit de bonne foi que Molière est une grosse dent du fond, alors relativisons.
Donc, Coulon préfèrait Ronsard à Lasphrise mais Lasphrise à Du Bellay. Et Jacques Roubaud récite, fort bien ma foi, sur YouTube, le Sonnet en langue inconnue. Finalement, le XX°, puis le XXI° ne sont pas si oublieux du poète angevin.
Mais c'est Hubert Haddad qui enfonce le dernier clou dans le cercueil de Papillon en inventant le plus excitant des paradoxes : en faisant de lui le héros de son roman, en rendant justice au poète-soldat, il fait mourir celui qui avait décidé de rester en vie tant que ses oeuvres ne le rendraient pas immortel.
On sait qu'il s'agit là d'un des marronniers de la poésie ronsardienne : Quand vous serez bien vieille, le soir à la chandelle, vous serez bien contente de demeurer belle à jamais grâce aux vers que je m'en vais écrire séance tenante dès que vous aurez eu l'amabilité de passer à la casserole.
Lasphrise, lui, plus humble, plus émouvant, s'adresse à son livre qui s'en va vivre sa vie sans lui :
Tu rebanderas bien les insolents brocards ;
Courage, après ma nuit nous survivrons gaillards,
Et ceux qui nous blâmaient chanteront nos louanges.
Alors, oui, je chante les louanges du poète oublié, plus sans doute que je ne chante celles de son biographe : car si le corps de Papillon traverse les siècles, les siècles se refusent à lui. Passée une délicieuse rencontre dans la ruelle d'une Précieuse, Papillon de Lasphrise glisse comme un fantôme fatigué, ignorant tout des époques et de leurs écrivains. le lecteur fasciné finit par tomber lui aussi dans une langueur ennuyée qui, si elle convient au sujet, n'est pas sans provoquer de légers mais distingués bâillements.
Mais voilà la dernière page tournée, le livre refermé, et, comme le poète l'avait prévu, avec ou sans magie noire :
[…] comme oeuvre admiré que dignement on prise,
Dedans son cabinet curieux te mettra ;
Au rang des demy-dieux on te reconnoistra.
Ainsi entre les grands tu paroistras, LASPHRISE.
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Ce qui m'a plu dans ce roman, c'est que tout au long de la lecture , je me suis posé des questions ? Marc Papillon de Lasphrise, capitaine , poète qui naît au 16ème siècle, traverse les époques. On le suit sous les rois Henri, le II et le IV, on le retrouve sous les Louis le XIII , le XIV, condamné aux galères royales, puis à la révolution, emprisonné à la Bastille, plus tard il croise Napoléon, (le vrai où un fou qui se prend pour l'empereur?) au pied de la colonne Vendôme, il survit à la Commune, à la guerre de 14/18, et enfin échappe à la gestapo. Hubert Haddad a -t-il voulu en faire un Don Quichotte, mais qui vit ses aventures, ses rêves sur plusieurs siècles ? J'ai même pensé à une incarnation du juif errant qui intervient dans l'histoire au cours des temps ? A-t-il voulu illustrer et nous communiquer sa passion pour la poésie, en prenant l'exemple d'un poète mal connu, qui a réellement existé, dont c'était l'obsession, et qui, dans le roman traverse les siècles à la recherche de son livre de poèmes. La poésie est omniprésente, le texte est ponctué de poèmes de Lasphrise enrichi par l'auteur, ou par d'autres poètes. le début de chaque chapitre est accompagné de citations qui vont des poètes du 16ème siècle aux contemporains. L'écriture de Hubert Haddad est très élaborée. le style évolue avec les époques dans lesquelles évolue le héros. Dans la première partie, elle ne dépare pas avec celle des romans de chevalerie, puis au fur et à mesure elle devient de plus en plus contemporaine. Il faut arriver aux derniers chapitres pour comprendre la prouesse littéraire, un peu baroque, de l'auteur. J'ai été moins emballé que par ses autres romans que sont « Le peintre d'éventail » et « Un monstre et un chaos »
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L'invention du diable – Hubert Haddad*****
lecture en mars 2023

« Un jour le ciel était superbement ému » et salua bien bas la beauté inouïe d'une plume dont le soleil se vit jaloux et la lune dut avouer que la lumière volée dont elle se paraît trouva son « heure vacillante », et les longues heures de lecture franchirent les « limites instables où s'agitent les chimères », où l'illusion côtoie le rêve, s'empare de la réalité, du quand, pourquoi et comment et les met courtoisement à l'écoute de la musique des mots racontant une histoire hors du temps, de tous les temps, hors de l'espace en pérégrination libre, sans encombre au-delà des mers, époques, lieux.
Marc Papillon, sieur de Lasphrise « ou tout bonnement le capitaine Lasphrise » est « le dernier immortel », un pacte avec le Malin ? Il est poète, Papillon, célèbre inconnu il cherche la reconnaissance pour la postérité, sans quoi pas de repos éternel, mais une immortalité damnée.
Papillon immortel, damné de ne jamais se reposer, le repos éternel, tant que sa poésie n'aura trouvé la postérité ; p.169 « sa malédiction était d'avoir à perpétuer sans plus y croire la vaine illusion des poètes tandis que la Dame au Renom se riait de lui sous les apparences facétieuses d'Icélos ou de Morphée », sans trop y croire et pourtant il n'abandonne pas il s'y tient jusqu'à la fin.
La damnation, celle de l'enfer, le royaume du diable, celui dont certains ont peur car il surprend toujours. Et si la poésie était le diable c'est bien d'en être surpris sans fin et de l'aimer pour cela en premier, elle durera bien plus longtemps que nous les humains.
Marc Papillon un Don Quichotte de rêves et de mémoire et d'une certaine gloire plutôt secrète, un Cyrano de poésie et amour à jamais perdu, Papillon poète fantasque fait un pacte, avec le diable pour la reconnaissance de ses Diverses Poésies.
En permanence dans la surprise, la poésie n'a pas fini de nous surprendre, de nous émerveiller, l'histoire est fantastique et la langue qui l'habille aussi, d'une richesse infinie, une mantille précieuse digne des plus grandes dentellières ou des magiciens les plus étonnants.
Hubert Haddad travaille avec des « éléments en creux », selon ses propres mots, il sait où il va et tout en faisant voyager à travers les siècles son sieur Papillon, interroge le temps et l'histoire sans finalement arriver à une réponse. Papillon meurt plusieurs fois et renaît autant de fois, la mort n'est pas assez puissante pour l'annihiler, il se confronte à l'histoire c'est à dire à la sans fin, car l'histoire n'a pas de fin, il se surprend et nous surprend, belle métaphore de la poésie qui nous demande, à sa façon, de la revisiter, immortelle comme la littérature.
«prodigue compagne à tout instant volage, l'âme des poètes et des grandes amoureuses. On pouvait certes y croire entre deux perditions de diable logicien, à la condition… "que l'on n'ajoute pas foi à ce que dit la Raison, cette pauvrette, cette dégoûtée » »  p.170
Le roman de Hubert Haddad est comme un cadeau, une offrande de grande qualité littéraire, précieuse car très rare, un voyage sur les terres des mots qui font la littérature.
Imaginatif jusqu'à l'émerveillement, inventif jusqu'à l'époustouflante surprise, d'une richesse prodigieuses et d'une qualité musicale rare, le texte de L'invention du diable donne libre cours à la liberté de création, à repousser les contraintes logiques pour donner naissance à une oeuvre littéraire accueillant le fantastique, donc la vie, n'est-elle pas fantastique ?, pied de nez gracieux à la mort qui fait partie de la vie tout en lui reconnaissant sa qualité : elle nous fait découvrir le tragique sans désespoir et une liberté certaine, souvent mal interprétée, celle qui fait notre condition humaine en perpétuel mouvement et changement, en création et métamorphose constantes, en pouvoir d'adaptation, élancée vers aspirations de beauté inatteignable « le temps n'a de réalité qu'en son irrépressible franchissement, il est l'esprit du mouvement, la chute et l'élévation »p.154, et un bonheur défini par la bouche de la mourante Pulchelle : « Le bonheur est chez toi que toujours tu désires/Et le bonheur chez toi te désire toujours. »
« pourquoi la mort avait un goût de miel sauvage » ? p.154
Dans sa traversée des siècles, le capitaine Papillon, guerrier à la retraite, se confronte au temps, le grand inconnu, cet infini qui définit notre finitude, l'interroge et attend ses réponses qui arrivent en énigmes, expressions du vivant, fait des rencontres, apparaît et disparaît, perd son chemin pour s'y retrouver à nouveau. le temps est facétieux et la vie nous joue des tours, bons et mauvais, elle nous laisse comprendre quelque chose, très peu, mais « être au monde c'est fantastique en soi », nous dit Hubert Haddad, et je continue à le citer « tout ce qui fait l'humain, le langage lui-même est la conscience de la disparition qui nous porte à nommer l'absence en permanence – parce que l'absence est là, nous sommes faits d'absence, l'univers qui nous porte, on doit l'interroger sans fin pour pas oublier, pour garder mémoire ».
Marc Papillon se questionne et questionne le temps, l'humain et son passage entre deux points,  « aux limites instables où s'agitent les chimères »   p.71. « Il aimait plus que tout cette attente face au ciel, le vertige silencieux, l'éclat toujours neuf de l'éternité… Papillon eût désiré s'étonner encore des crédules mystères humains qui s'encombrent de fétiches et d'idoles, des plus incohérentes superstitions à petite ou grande échelle. » p.152
« la corne d'abondance du rêve fut et demeurait sa seule aubaine »p.75 même si « tout est submersion et noyade à l'estuaire où vont se mêler les rêves à la mémoire »p.101
« Mais où est-elle sa Nouvelle Inconnue ? », sa Dame au Renom, « Tout l'en approche et l'en éloigne avec la lune pour seule lanterne. »p.247
Enchanteresse magique surprenante métaphorique subtile et riche à l'infini, exigeante et travaillée, sorcière à mille facettes, sphinx à devinettes sans réponses, la plume de Hubert Haddad m'a émerveillée, délectée, accompagnée sur le chemin de l'histoire du début à la fin, j'oubliais de suivre les aventures séculaires de Papillon et m'accrochais extasiée à l'écriture, à l'imaginaire, à la beauté finement ciselée et à l'intelligence du texte.
«Les décennies se succèdent à la vitesse de l'oubli et s'effacent dans un clignotement d'étoiles. Veille, sommeil, mémoire se distinguent mal de l'immobile seconde »p.156, « les mots changent avec les moeurs et on délaisse au tombeau les passions d'autrefois » p.163, tout change tout est mouvement, métamorphose et transformation.
Une mort apporte une renaissance, un oubli une mémoire, un poète fait revivre son confrère, quand le monde que nous vivons n'est plus le sien et change si vite, un poète reste éternel et nous surprendra toujours « sa divine magie, ou la plus démoniaque... feront si bien corps avec l'ingrate réalité »p.222.
Inventé,
"Le Démon, dans ma chambre haute,
Ce matin est venu me voir…"p.240
et me raconta une histoire imaginée de 1001 vérités.
« Tout est magie, ou rien » Novalis p.282
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Cette dernière lecture de 2022 aura été laborieuse. Autant être honnête dès le début, ce n'est pas un livre qui est accessible à tous. J'avoue avoir eu tellement de mal à le finir que j'ai abrégé ma lecture. Mais pour une fois cela ne veut pas dire que c'est une lecture qui ne m'a pas plu. Oui cela peut paraitre étrange.

Ce qui est flagrant dès les premières pages, c'est le style. C'est très pointu, mais c'est cohérent avec l'histoire et l'époque à laquelle se passe cette histoire. C'est donc un exercice de style des plus complexes pour un auteur, mais je pense que vu la biographie de cet auteur, il avait quelques facilités. Cependant, pour moi cela m'a beaucoup ralenti dans ma lecture et dans ma compréhension de ce qu'il se passait.

Mais ce n'est pas pour autant que je ne suis pas admirative de l'écriture. J'avoue ne pas avoir le niveau pour ce genre de livre. J'ai quand même été sensible au fait que cela se passe en partie pas loin de chez moi. J'ai reconnu pas mal de noms de villes que je connais bien. C'est pour cela que j'avais choisi cette lecture.

Le personnage, qui a réellement existé, est vraiment curieux. Il est en mal de reconnaissance de son oeuvre et de sa personne. On voit mal comment il arrivera à ses fins surtout qu'il y met parfois peu du sien. Mais le voir traverser l'Histoire et les évènements est intéressant. On a un peu d'affect pour lui et aussi sa grande solitude.

L'histoire est un peu longue, mais elle est à l'image du temps qui passe lentement pour le personnage principal. Chaque chapitre semble parfois indépendant ce qui fait que l'on a un peu mal à suivre ce qu'il se passe en plus de l'écriture.

C'est donc un livre qui est fait pour celles et ceux qui n'ont pas peur d'un style soutenu avec parfois des mots un peu datés.
Lien : https://leslecturesdamandine..
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L'invention du diable ou la vie de Papillon Lasphrise.
Mais qui est donc Papillon de Lasphrise ?
Marc Papillon, seigneur de Lasphrise, dit aussi le capitaine Lasphrise et parfois nommé Marc de Papillon était un poète baroque satirique et érotique du XVIeme siècle. (1555-1599)
Guerrier rallié à la cour d'Henri IV, c'est après de multiples batailles qu'il se retirera dans sa tour d'ivoire à Tours afin de s'adonner à la poésie.
Ce caresseur de filles , peu soucieux des tabous et conventions de l 'époque y éduquera la sienne, Marguerite, issue d'une conquête tombée dans l'oubli et ce, sans rente aucune malgré ses bons services au roi...

Une biographie ? Non.
Un roman fantastique et faustien !
Ce démon d'Hubert Haddad lui redonne vie après 1599, date de sa mort , s'empare des vers du poète et le prend au mot :
" Démon temoin de mon jurement
Au risque d'en perdre âme et sang
Une plume à ma veine trempée
Scelle un contrat d'immortalité
Tant que gloire enfin me soit donnée
Jamais irai-je en l'ombreux tombeau"

Ainsi, à la suite de cette vie manifeste évoquée à l'époque première de ce livre , se scelle un pacte nocturne avec le diable, défi lancé à Dieu et ses anges :
Tant que ses poésies n'auront pas accédé à la postérité, Papillon ne connaîtra pas le repos éternel.
L'immortalité sera t'elle sa malédiction ?
Le feu de la renommée crépitera alors en Papillon durant des siècles ; d'ère en ère c'est la rencontre des êtres et de l'histoire qui repaît l'immuabilité contrainte, l'asservissement aux lauriers glorieux.

J'ai trotté avec le destrier de Lasphrise en pleine Renaissance, les guerres de religion derrière moi, j'ai arpenté les pavés d'un Paris puant et insalubre sous la fin de règne de Vert Galant assassiné , assisté au billot, au coup de hâche et au bûcher, aux regains de peste entre vers érotiques et passages grivois.

le temps s'égrène , le spectre de l'écrasante solitude rend les souvenirs fragiles, les visages connus ne sont plus, les larmes coulent sur le visage du seigneur de Lasphrise qui perd son âme et le sens , de sa lente hibernation dans le monde des vivants éclos l'aridité des lendemains au milieu des amours qui s'éteignent.
Mais Papillon poursuit la roue de son destin et en un clin d'oeil sur l'échelle de la perpétuité, c'est en plein siège de Namur en 1692 que je retrouve ce poète qui se bat encore une fois sous les pluies diluviennes , au loin, j'entends Vauban en présence du roi Louis XIV, tous deux présents sur les lieux.

"Les décennies se succèdent à la vitesse de l'oubli et s'effacent dans un clignotement d'étoiles. le macabre ballet de l'aristocratie , ces usurpateurs qui de tout temps assemblent frivolité, morgue et chimères sont ils dignes de l'art, de la poésie ?
Voltaire et Alembert font aussi la mouche pour un peu de miel aristocratique."
Les mots seraient ils à la dérive d'une époque à l'autre...
" Sombrement, Papillon prend conscience du peu de prix et presque de l'indignité qu'aurait pour lui la reconnaissance d'une telle humanité. "

1789, Papillon est embastillé avec le marquis de Sade, la révolution gronde et les têtes tombent, "il eut aimé accompagner l'instant vécu dans ses joies et ses colères mais il n'était pas plus leur contemporain qu'Aristote."
Arrive le temps de Napoléon, du siège des prussiens, des deux guerres mondiales... mais qu'importe l'époque, son âme n'est plus tout comme son vieux français, langage obsolète à mille lieues du temps présent déjà presque archaïque.

Qu'est ce alors que l'avidité du savoir, des acquis, des prétentions de connaissances ? L'errance des vaniteux traversant un monde en perpétuelle mutation.
Quelle est la résultante de cette recherche de renom ?
Un néant intérieur aussi grand que l'éternité.
Si Hubert Haddad met à l'honneur Lasphrise et sa poésie, il nous transporte également dans les méandres de l'humanité en esquissant les guerres et les éternelles soumissions du peuple esclave mais toujours impétueux édictées par les barbaries des puissants " serait-ce cela l'hygiène du monde ?" , il opte également pour une trame qui nous laisse à distance des émotions afin de mieux nous en faire apprécier le fond et de nous questionner sur l'insignifiance et l'absurdité de la mondanité du mot "Gloire".

“De toutes les vanités, la plus vaine c'est l'homme.” (Montaigne)

Parsemé de versifications, de poètes et d'humour, ce roman à l'écriture baroque qui vire au contemporain au fil des époques est d'une grande érudition. Exigeant, il rebutera d'emblée les plus paresseux mais réjouira les lecteurs avertis tant par la poésie qui s'en dégage que par le caractère insolite de cette proposition littéraire singulière.
L'aventure vous tente ? Armez-vous de vos neurones, de concentration et de votre dico, acceptez de revenir sur certains passages, certaines phrases, et savourez la beauté du texte.
Il vous faudra allouer un temps certain à cette lecture qui pour moi a été un véritable glissement dans un baroque déroutant mais qui, très vite, par sa distinction , s'est imposée malgré sa dimension énoncée.

Une prouesse littéraire admirable.


" C'est un plaisir de voir le grand bal de la France.
On marche gravement puis on s'arrête un peu..."
Marc Papillon de Lasphrise
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Véritable prouesse littéraire, tant sur le plan de la forme que sur celui du fond, le nouveau roman de Hubert Haddad, L'Invention du diable, est totalement inclassable. Démarrant comme une biographie de Marc Papillon de Lasphrise, chevalier devenu poète retiré dans sa tour d'ivoire angevine, le récit se poursuit dans le fantastique. En effet, au soir de sa vie, Papillon aurait pactisé avec le diable, condamné dès lors à l'immortalité tant que ses poésies n'accèderaient pas à la postérité. Dès lors, Hubert Haddad transforme ce chevalier tombé dans l'oubli en une sorte de héros des temps modernes qui traverse les époques , croisant à chaque fois des personnages haut en couleurs.
S'il est indéniable que le talent littéraire et le talent de conteur de l'auteur ne sont plus à démontrer, néanmoins la langue particulièrement recherchée rend la lecture parfois quelque peu ardue, laissant même un sentiment « d'artificialité ». de plus, la construction en saynètes, chaque chapitre correspondant à un épisode indépendant des autres peut donner une impression de « décousu » et ne permet pas de s'attacher aux personnages secondaires.
Une lecture que j'ai trouvée finalement très fastidieuse.
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Une beau roman, exigeant et original. L'auteur rend hommage au poète du XVIè siècle, Marc-Papillon de Laphrise. de belles réflexions sur le rôle de la poésie. Personnage imaginé immortel qui nous permet d'appréhender ses nombreuses aventures, ses voyages et ses conquêtes à travers l'histoire de France. A la fois un dépouillement philosophique sur le temps et le rapport à l'inconnu.
Une lecture difficile cependant mais très riche.
Une histoire passionnante. J'ai adoré !!!
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°°° Rentrée littéraire 2022 # 33 °°°

Qui connaît Marc Papillon de Lasphrise à part quelques amateurs de poésie baroque ? Poète-soldat contemporain de Ronsard, il combattit aux côtés des Ligueurs et des Guise durant les guerres de religion, un dur à cuire sur son cheval; avec son armure de près de cent kilos, il était envoyé briser les lignes adverses. Retraité de la soldatesque à 40 ans, retiré dans son fief de Touraine, couturé et balafré, perclus de rhumatisme, il décide de se consacrer à la publication définitive de sa poésie. Il est supposé mourir en 1599 mais pas de tombe, comme s'il s'était volatilisé.

Hubert Haddad ne propose pas un roman biographique conventionnel même s'il injecte dans la première partie de son récit le peu d'éléments biographiques dont on dispose sur Marc Papillon. Dans son dernier poème empli d'exaltation, celui-ci lance un pacte faustien au Diable : tant que sa poésie ne sera pas reconnue et célébrée, il ne mourra pas. L'écrivain prend au mot le poète et l'imagine immortel en quête de gloire errant à travers les temps.

A partir de la deuxième partie qui démarre en 1599 donc, Marc Papillon traverse les siècles et se confronte à l'Histoire de France et à ses grands événements mais de biais, par des anecdotes et des rencontres avec des personnages secondaires toujours savoureux, jusqu'à déborder notre époque dans un Paris de demain. La Révolution française, les guerres napoléoniennes, la Commune, les deux Guerres mondiales servent ainsi de décors à cet extraordinaire roman picaresque temporel. On se régale de la fantaisie de ce personnage sans cesse déphasé, devant s'adapter sans fin aux nouvelles réalités ( linguistiques, vestimentaires, scientifiques, technologiques ), se confrontant également aux milieux littéraires de chaque époque.

« Les décennies se succèdent à la vitesse de l'oubli et s'effacent dans un clignotement d'étoiles. »

A mesure que le récit avance, la fantaisie poétique se teinte d'une puissante réflexion sur le Temps et gagne en épaisseur en acquérant cette dimension philosophique. Marc Papillon devenu immortel devient une créature métaphysique confronté au tragique de l'existence humaine.

« Que valent jours, mois et années pour l'insensé qui, ajournant son Salut au profit d'une hypothétique gloire, se sera lui-même condamné à la survivance ? Marc Papillon, sieur de Lasphrise, empli de cette candeur phénoménale que partagent les soldats et les poètes, avait trop de morgue pour en convenir. de tout, fors l'orgueil, on admet l'emprise. »

Au fil des siècles, il ne cherche plus à jouer à la vie, il se dépouille de ses vanités, de ses aspirations initiales, de sa poésie même, jusqu'à n'espérer plus rien que l'amour, que retrouver sa « Nouvelle inconnue », cette femme aimée qu'il perd à chaque fois et retrouve sous un autre visage quelques décennies plus tard. L'immortalité n'est que mélancolie à apprivoiser.

« Papillon à cet instant de recueillement ne jouait plus à la vie ni même en proie à ce comble du divertissement qu'est l'ennui. Il pleurait à l'écoute de la pluie et du vent, de cette durée si ténue qu'une musique virtuose simulait au pli même du présent et de la mémoire. N'existe-t-il en ce monde que des parenthèses temporelles qui s'effacent à la suite les unes des autres comme des paysages entrevus ? Il n'avait rien oublié du soleil de Moissy, l'été, dans un vacarme d'insectes et de passereaux, ni des longues nuits d'hiver faussées par la clarté de neige des songes. Mais les visages adorés, éphémères reliquaires de l'âme, s'étaient défaits aussi vite que les nuages sous un ciel précipité. »

Dans cette odyssée fantastique, l'émotion ne naît pas nécessairement du sort tragique de Marc Papillon, le récit a quelque chose de actuellement glacé, le lecteur survolant le récit en surplomb sans être vraiment touché par les êtres du dessous. Mais l'émotion naît de la beauté de l'écriture, elle affleure en permanence au détour de phrases absolument sublimes. le regard subtil de l'auteur sur la complexité humaine fusionne avec une écriture à la fois flamboyante et précieuse, éclatante par la richesse de son vocabulaire ( c'est bien d'avoir un dictionnaire à proximité, j'ai ainsi découvert de très beaux mots ).

« Prêt de rendre l'âme, il avait mis celle-ci aux enchères ; mais quel était l'enjeu véritable ? Il avait vu s'effacer comme buée ses contemporains jeunes et vieux, tant d'amis chers et d'amours impérissables. le monde humain pour lui était une serre à papillons ; les plus belles parures ocellées d'un jour ou d'une nuit voletaient autour de ses mains vides et de son visage. »

Une proposition littéraire rare et exigeante, portée par un talent de conteur évident.
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