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EAN : 9782070762842
198 pages
Gallimard (31/07/2001)
3.88/5   4 notes
Résumé :
Jean Deichel traverse Paris : de la Grande Bibliothèque au Panthéon, il fait l'expérience de l'abjection nationale. Des flots de sang sortent de la bouche du président de la République lorsqu'il prononce un discours. Dans la Seine, les cadavres refont surface. Le Vél'd'Hiv réapparaît. On inaugure un Musée de la Culpabilité.
Cet immense trou de mémoire semble même régir l'intimité des vies : pourquoi Destine parle-t-elle à côté ? Pourquoi Marianne est-elle pr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Édit : Quatre ans plus tard, j'ai remis le nez dans ce roman que j'avais lu au tout début de ma licence de Lettres Modernes ; précision qui paraît bien inutile mais qui a en réalité toute son importance... Oui, parce que pour saisir Introduction à la mort française, pas le choix, il faut connaître les grandes lignes de la théorie et de la réception littéraires au XXe siècle, en comprendre les enjeux, les tenants et les aboutissants... Autrement dit, sans idée synthétique de ce qu'est scientifiquement la fameuse "mort de la littérature française" (oui, c'est presque l'intitulé de l'exposition qui donne son titre au roman), on passe généralement à côté de ce (presque) premier roman de Yannick. J'ajouterai même que lire "Intro" (pour les intimes) sans avoir une idée de la poétique haenelienne et de la posture auctoriale affichée par Ligne de risque (l'excellente quoiqu'impertinente revue de cet écrivain génial) est un peu voué à l'échec. Et c'est en ce sens que l'on se rend compte qu'Introduction à la mort française est la première tentative de Yannick d'écrire un roman dans une forme qui ne soit pas classique (à la différence des Petits Soldats). Une première tentative qui possède un travers bien naturel : le roman est trop peu explicite, et semble obscur en bien des points pour les néophytes... Et, qui ne l'était pas en 2001, quand il est sorti !

Tout n'est ici qu'allégorie ; la réflexivité critique poussée à son paroxysme, il s'agit pour Yannick d'affirmer son projet de redéfinition de la littérature ; c'est ce qui confère au roman ce ton si caustique. Dans la première partie. Parce qu'ensuite ça vire au cauchemar. D'ailleurs ; quelles sont les clefs du roman (outre le fait que, précisément, c'est un possible roman à clefs) ? La première partie, c'est Jean Deichel (le narrateur de nombre des romans de Yannick. Qui ne s'annonce pas ici comme tel, mais c'est bien lui), encore libre, encore affranchi, mais parce qu'il n'a encore rien publié... Et l'exposition à laquelle il se rend, sur la mort en France, fonctionne comme une prolepse : il va être confronté à la mort de la littérature. La seconde, qui sur le plan de la diégèse marque la séquestration du narrateur à la "Villa Blanche", c'est son entrée chez les éditeurs (et là, c'est difficile de ne pas faire un lien avec la collection blanche de Gallimard, l'éditeur de Yannick, mais il était en très bon termes avec le directeur de la collection dans laquelle il est publié, alors ça m'interroge), et toute la pression qui peut en résulter pour écrire quelque chose qui marche... [Attention, à partir de là ça spoil ("divulgache"), mais si vous voulez comprendre le roman je vous propose quelques pistes issues de ma propre interprétation] Cependant si Jean se rêve en un saint ambigu (Cercle, notamment, par exemple ce chapitre de la partie trois, "Saint Jean", mais pas que !), ce n'est pas un martyr. Jean est la voix qui doit libérer la littérature ; Jean est "l'événement" (au sens haenelo-deleuzien) pour le lecteur... Alors, partie 3, Jean s'en tire, et, allégorie d'une littérature libre, d'une parole, avec tout ce que cela comporte de connotations et de dénotations (en particulier le sacré et la force de l'individualité), il est l'initiateur de cette fameuse nouvelle définition de la littérature... Il est son sauveur. D'accord, on peut prendre ça comme de la prétention. J'avoue. Mais il faut croire en la force de ses propres mots, sinon rien ne se passe jamais. Bref ; Jean retrouve Destine, figure féminine croisée dans la partie 1, dont le nom est évocateur, et qui comme toutes les figures féminines d'importance chez Yannick, est une allégorie de l'absolu. Et, alors que le clou est enfoncé dans le cercueil de la littérature par les institutions, Jean s'évade, une fois de retour à Paris, dans une rêverie ; dans un "événement", en réalité... Oui, comment décoder cette rêverie qui signe la fin du roman ? Encore une fois, sans la poétique haenelienne, c'est difficile. La Seine, berceau de la parole, des vraies phrases, dans chacun des romans de l'auteur, se meut en une vaste étendue d'eau plane : une sorte de lac (si vous pensez à Lamartine et aux romantiques, vous avez raison, on est sur une métaphore d'un temps figé, ça s'appelle "l'intervalle" chez Ligne de risque). Et voilà notre Jean à s'y baigner joyeusement, noyé de soleil, en compagnie de Destine. Une scène qui rappelle la fin du très postérieur Tiens ferme ta couronne ... Donc résumons : dans un instant à l'abri du temps, Jean, allégorie de la parole et de l'écrivain, se baigne en compagnie de Destine, allégorie de l'absolu, dans le lieu qui est le berceau des phrases (l'eau). Voilà donc une métaphore complexe d'une écriture absolue s'opposant à la littérature "morte" produite à la chaîne ou sur le plan d'une langue "communicationnelle" ; un peu topique, mais efficace. On comprend bien le projet ; les vertus d'une parole libérée sont contées dans le roman suivant, Évoluer parmi les avalanches, et Cercle, lui, fait office de synthèse. le tout forme un cycle romanesque qui défend le projet haenelien affirmé en premier lieu dans Ligne de risque ; je trouve cela assez brillant.

Alors, en définitive, qu'est-ce qu'on en pense ? Intro est un bon livre. Il a ce côté excessif de la prose haenelienne ; côté excessif pas encore complètement apprivoisé, et ça en agacera certains. C'est une mauvaise entrée dans l'oeuvre de Yannick ; c'est un jeu de piste plutôt amusant pour les lecteurs de William Marx, ceux calés en histoire littéraire du XXe siècle, ou juste pour les amoureux de la diatribe métaphorique. C'est un livre qui cherche encore sa poétique métaphorique. Intro a une allure parabolique ; vaste allégorie de la littérature, on perd dans le foisonnement symbolique une partie de la présence romanesque, voire de sa cohérence. Ça en rebutera plus d'un. C'est la cause de ma sévère notation ; c'est ce qui fait d'Intro l'une des oeuvres de l'auteur que j'aime le moins. Pour autant, quand on a les clefs pour l'apprivoiser et qu'on aime la poétique haenelienne, c'est plutôt jouissif à lire.

Ancienne critique :

Introduction à la mort française... Un livre qui me laisse songeuse, je dois dire.

Le roman comporte trois parties ; la première est assez typique de l'auteur, elle relate la venue du narrateur à l'exposition qui a donné le titre à l'oeuvre ; la seconde est plus inhabituelle, puisqu'elle raconte l'enlèvement de Jean et son séjour à la "Villa Blanche", une sorte d'insititut médical expérimental pour écrivains ; et la troisième montre comment il s'échappe et retourne à Paris.


C'est un roman très haenelien par certains aspects ; nous retrouvons évidemment Jean Deichel, narrateur récurrent de l'auteur, sa personnalité atypique et ses innombrables références artistiques ; le sens poétique de certaines phrases décrivant la nature ; la philosophie du feu ;
les pouvoirs mystiques de la littérature ; le couple Eros-Thanatos ; la figure féminine apparentée à la déesse, un certain sacré dans l'écriture, le fameux motif du manuscrit cousu dans le manteau (décidément, je trouve l'image géniale) et celui de la baignade, ect, et pour cela, le roman est très plaisant lorsqu'on est un lecteur régulier de Yannick Haenel.


Mais, une fois n'est pas coutume, force est de constater que je n'ai pas tout saisi aux réflexions du double fictionnel de Yannick... Est-ce le thème général de l'oeuvre - la mort -, qui m'est moins familier ? Possible, mais j'avais pourtant compris les pages qui la traitent dans Cercle. Ici, je dois avouer ne pas toujours avoir saisi à quoi elle référait, ce qui a donné lieu à plusieurs pages d'incompréhension, d'autant plus que Jean passe d'une idée à une autre beaucoup plus rapidement que d'habitude. le livre s'enroule en effet moins sur lui-même, et je l'ai trouvé moins explicite dans la philosophie qu'il cherche à transmettre - bref, c'était un peu obscur, et j'ai parfois eu la sensation de rester sur le carreau.


De même, alors qu'habituellement je trouve les romans de l'auteur très fluides, celui-ci m'a heurté dans sa construction ; je l'ai trouvé plus haché. C'était notamment le cas de la dernière partie, où il y a un va-et-vient permanant entre le voyage du retour et des scènes ayant lieu à Paris même, temporellement plus récentes, qui ne se marient à mon goût pas toujours très bien, et de la transition entre les première et seconde parties où, clairement, on ne voit pas le lien logique qui les unie, et j'ai trouvé ça dommage... On aurait en effet pu imaginer intercaler entre les deux une scène motivant l'enlèvement du narrateur, car en l'état on ne peut que spéculer, la suite du roman ne nous expliquant rien. de même, la première partie est très indépendante des deux autres, rien ne la relie au reste du livre, si ce n'est le thème de la mort - et encore, il est traité sous un angle différent, alors que les deux dernières parties se complètent et se renvoient l'une à l'autre par un jeu d'échos.


J'évoquerai pour terminer la fin, qui en est une dans sa globalité, mais dont la toute dernière scène ne m'a pas paru achevée ; j'ai fermé le livre comme si je m'interrompais, et non comme si j'étais arrivée au bout.


Bref ; c'est bien un roman haenelien, mais il m'a paru moins abouti que les autres, et le thème m'a moins séduite. Je suis un peu déçue, d'autant plus que la trame était assez inhabituelle pour un roman de l'auteur, et j'en attendais donc beaucoup. Pour le coup, le style si authentique de Yannick ne se prêtait peut-être pas à une telle trame narrative ; en effet, les évènements extérieurs tel qu'un enlèvement, une expulsion, une élection, une insurrection, dans la littérature haenelienne, ne sont pas ce qui prime ; ce ne sont que des leviers activant les pensées, spéculations, réflexions du narrateur. Or, ici, les évènements extérieurs paraissaient vouloir prendre plus de place dans le récit, sans que cela ne leur soit accordé... En résultent un problème de rythme et une certaine lourdeur un peu frustrante pour le lecteur.


À mon avis, cet ouvrage reste à lire pour les inconditionnels de Yannick, mais ce n'est pas une bonne porte d'entrée à son oeuvre. On lui préférera des oeuvres plus récentes, comme le brillant Tiens Ferme Ta Couronne, ou l'excellent le Sens du Calme pour ceux qui n'ont pas peur de la non-fiction.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
On porte en soi des promesses d'embrasement qui se déchiffrent d'elles-mêmes : quand arrive le signal des flammes, toutes nos forces y convergent, corps et tête s'y concentrent, et c'est une explosion de plaisir qui rend invulnérable. On n'a plus à pousser aucune porte, ni à surveiller aucune embrasure. Les tourbillons de feu remuent et des passages se fraient à loisir. Une phrase m'était venue aux lèvres pour me donner du courage, une de mes anciennes phrases, et je me la répétais comme un sésame : Celui qui n'a pas brûlé en lui ses phrases n'a rien à nous dire.
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Alors je pose devant moi la tête de Descartes, et j'écris en travers : Je pense, donc "je" n'existe pas.
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Qui est vivant, qui est mort, ce sera bientôt la seule question ; on croise des corps, on ne dit plus : qui est ce corps ? On ne dit plus : où va ce corps ? On dit : est-il vivant ou mort ?
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Une voie lactée s'anime de l'étincellement des phrases sorties des livres qui jonchent le sol.
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J'ai appris comment il faut décevoir ceux qui nous interrogent. Mes aventures n'ont pas d'autre nom que le mien. Les saveurs ne s'échangent pas. Tout pour moi.
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Vidéo de Yannick Haenel
« Je crois que j'ai organisé ma vie depuis que j'ai commencé à écrire, depuis la fin de l'adolescence, pour atteindre ce point à chaque instant. Je crois que c'est ça, que j'appelle le sacré. Quelque chose qui n'a pas besoin d'un Dieu, d'une transcendance, et encore moins d'une religion. C'est un accès à autre chose que ce que la société nous donne. »
Andrea Poupard est parti à la rencontre de Yannick Haenel, auteur de "Le Trésorier-payeur" (2022) et de "Tiens ferme ta couronne" (Prix Médicis 2017). En avril 2024, Yannick Haenel est également à l'initiative de la revue littéraire "Aventures", dont le premier numéro invite 65 auteurs et autrices à répondre à la question suivante : "Écrivez-vous des scènes de sexe ?"
Ce film a été réalisé en partenariat avec le Master Scénario, Réalisation, Production de l'École des Arts de la Sorbonne Université Paris 1.
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