Travail remarquable que cet ouvrage de
Pierre Péju intitulé «
Effractions », recueil de trois nouvelles qui sont en fait de véritables romans. Celles-ci font en effet une centaine de pages chacune.
La première nouvelle qui porte le titre du livre, à savoir «
Effractions », relate la rencontre improbable entre une femme artiste vivant recluse sur son île et un jeune voyou prénommé Thomas. Après le braquage raté d'un casino, ce dernier, poursuivi par les flics, trouve refuge sur l'île d'Alice Watt, artiste mondialement reconnu mais dont la carrière est sur la pente descendante. Cette dernière accepte de le cacher et le prend sous son aile en lui confiant des taches très simples de manutention consistant juste à déplacer ses créations. Mais très vite le jeune homme s'enhardit et met la main à la pâte ou plutôt au pinceau si je puis dire. Il commence à compléter les oeuvres d'Alice Watt en y apposant ses propres marques.
La rencontre entre les deux est pour le moins explosive, c'est « je t'aime moi non plus » mais c'est une rencontre gagnant-gagnant.
En effet Alice Watt, qui a construit sa carrière en tournant le dos à sa famille et aux hommes en général, se surprend de nouveau à pleurer voire à aimer (un amour qui serait celui d'une mère pour son fils) à redevenir humaine en quelque sorte. Quant à Thomas il se redécouvre des talents de créateur. La qualité de son travail est d'ailleurs telle qu'Alice ne le supporte pas. L'envie de tuer Thomas devient alors très forte.
Ce roman, qui est une réflexion sur l'art, pointe les dangers de la vanité, du carriérisme, de la célébrité. Il met également en avant les vertus de la famille à travers les liens très forts qui unissaient Thomas et son grand-père pendant son enfance.
La seconde nouvelle, intitulée « usurpation », a pour toile de fond la révolution tunisienne de 2010. Un homme, écrivain de profession, s'accapare l'identité d'un autre homme, un archéologue, recherché par les services secrets tunisiens. Celle-ci m'a beaucoup moins intéressé dans la mesure où l'histoire apparaît invraisemblable et donc peu crédible. Elle est également déconcertante dans la mesure où celle-ci fait l'éloge de l'archéologie tout en mettant à mal le métier de romancier et plus généralement la littérature.
Cette seconde nouvelle est une réflexion sur l'identité (qui on est vraiment ? qui on veut être ?)
Enfin, la troisième nouvelle, intitulée « péremption », est quant à elle une réflexion sur la vieillesse et la mort. Il s'agit ici d'un homme solitaire qui, se sentant devenir vieux, s'inscrit à un club secret dont les membres s'engagent à se rendre mutuellement un terrible service afin d'échapper au déclin. La mort sort perdante de cette nouvelle ce qui n'est pas pour me déplaire. La famille est quant à elle de nouveau mis en avant car c'est grâce à elle que le personnage principal reprendra du poil de la bête. « le désir de continuer, je ne me doutais pas de sa force. Je le croyais mort ce désir. » reconnaitra celui-ci.
A noter cependant dans cette nouvelle cet aspect déconcertant consistant de nouveau à décrier le métier de romancier (« pas un métier ça, bien sûr écrivain »). le personnage principal de cette nouvelle, écrivain de profession, constate avec beaucoup d'amertume qu'il s'efface complètement derrière son oeuvre.