Thomas Hardy, auteur de plusieurs romans fameux (Tess d'Uberville,
Jude l'obscur et bien sûr
Loin de la foule déchaînée) a aussi écrit pas mal de nouvelles, dont certaines réunies dans le recueil Wessex Tales, dont plusieurs ont été traduites en français et assemblées dans
Une femme d'imagination et autres contes. C'est Scarlett qui m'a envoyé ce petit livre dans le cadre du British mini swap à 4 (merci encore !), et je me suis jetée dessus après avoir vu Far From the Madding Crowd, impatiente de découvrir le style de
Thomas Hardy.
Ce fut une excellente lecture. J'ai beaucoup aimé le style de l'auteur, c'est bien écrit sans être pompeux, très agréable à lire, fluide mais travaillé. Je suis très curieuse de découvrir ce que ça donne en version originale. Pour Far From the Madding Crowd j'espère…
Les histoires, quoiqu'assez courtes (les quatre nouvelles totalisent 150 pages), sont prenantes et suffisamment développés pour qu'on se préoccupe du sort des personnages, voire qu'on s'attache à eux. Chaque histoire est bien différente mais elles ont toutes en commun d'explorer le destin de femmes du XIXème, engoncées dans le modèle patriarcal de leur société, enfermées dans leur vie qui par un fiancé, qui par un fils, qui par un mari ou un amant. Si ces nouvelles m'ont plu, j'ai en revanche très vite compris où allait en venir l'auteur pour chaque histoire après avoir lu la première. le mêle schéma se répète sous des formes variées ; les détails peuvent changer, mais le fond reste le même. La surprise fait donc défaut, ce qui peut gêner certains lecteurs, mais qui ne m'a pas du tout contrariée.
Les héroïnes sont éloignées les unes des autres de par leur classe sociale mais sont proches par la fatalité qui pèse sur elles toutes. Malgré leurs rêves et leurs espoirs, les règles de leur époque les rattrapent toujours. La répétition du schéma narratif renforce le fatalisme de la situation des femmes au XIXème. Il n'y a pas d'échappatoire : quel que soit le comportement qu'elles adoptent, elles perdent le combat. Bref,
Thomas Hardy, c'est pas la joie, mais c'est très intéressant. Je m'étonne d'ailleurs qu'un homme ait choisi d'écrire sur ce thème. Il fait preuve généralement de compréhension envers ses héroïnes et dresse plusieurs portraits d'hommes au vitriol. À croire qu'explorer le coeur des femmes est une meilleure manière d'exprimer les subtilités de l'âme humaine !
Le hussard mélancolique de la légion germanique
Cette première nouvelle présente une jeune fille, Phyllis, dont le père s'est retiré à la campagne, et qui s'ennuie profondément de sa vie. Elle est fiancée à un jeune homme comme il faut du coin, mais celui-ci s'absente longuement sans montrer d'intention de revenir et de l'épouser. Alors, quand elle rencontre un soldat germanique en station près de chez elle, la tentation est forte.
Cette première nouvelle m'a surprise. N'ayant jamais lu
Thomas Hardy, je ne savais pas à quoi m'attendre. Malgré le format court, l'auteur prend le temps de nous immerger dans le contexte du petit village reculé, de la vie morose de l'héroïne, de son émoi et de ses débats intérieurs, sans oublier au passage de brosser pour le lecteur le contexte, tant géographique qu'historique ou politique. La fin m'a vraiment prise de court, j'avais imaginé un scénario différent. J'étais en tout cas déjà emballée par ma lecture !
Le veto du fils
Sophy s'est élevée au-delà de sa condition en épousant son ancien employeur. Des années plus tard, elle devient veuve. Son fils grandit bien au-delà de la condition initiale de sa mère. Pourra-t-elle profiter du reste de sa vie ?
Que cette nouvelle m'a énervée ! J'ai beaucoup plaint cette pauvre femme (et honni son crétin de fils). La première nouvelle m'ayant mise sur mes gardes, j'ai donc vu venir la fin sur ce deuxième texte, mais
Thomas Hardy a réussi à me faire espérer une issue heureuse. Les figures masculines sont très intéressantes dans cette nouvelle. Elles s'opposent les unes aux autres : le premier soupirant, garçon de peu de choses mais de bon coeur ; le bon maître qui croit aider sa servante en détresse et la rendra finalement très malheureuse ; le fils qui réussit dans le monde mais devient snob et même cruel. Quel portrait des caractères masculins !
Le violoneux des contredanses
Caroline tombe sous le charme peu commun de la musique d'un violoniste.
Vu le thème de la musique très présent dans cette nouvelle, j'ai profité d'avoir mon chéri sous la main pour la lui faire lire, et il a beaucoup apprécié aussi. Ici, le thème de la sensualité est très présent. L'héroïne subit la musique d'Ollamoor de façon viscérale. Caroline est celle que j'ai le moins aimée au final, car je n'ai pas réussi à comprendre sa réaction à la fin… À moins qu'elle soit vraiment envoûtée ? On peut y croire, tant la musique semble revêtir un pouvoir surnaturel dans cette histoire. le personnage masculin de Ned est de loin le plus sympathique du recueil je trouve.
Une femme d'imagination
Ella, femme mariée et mère, se morfond dans son quotidien et tente de le briser en écrivant de la poésie. Lorsque son mari loue une maison où vit habituellement un poète contemporain qu'elle admire, son agitation va croissant.
Le destin de l'héroïne ne m'a pas surprise dans cette dernière nouvelle, par contre les toutes dernières lignes sont assez saisissantes. Comme dans la nouvelle précédente,
Thomas Hardy flirte avec le fantastique et l'impossible. Et nous montre, encore une fois, un portrait d'homme bien peu flatteur dans le mari…
En bref, un excellent recueil que je recommande chaudement à quiconque souhaiterait découvrir cet auteur ! Je l'ai trouvé une excellente entrée en matière, et j'ai hâte de me plonger dans ses oeuvres plus longues.
Lien :
https://withoutmuchinterest...