Je n'avais pas la moindre idée que
Thomas Hardy avait débuté sa carrière d'écrivain, en 1871, par ce qui ressemble fort à un roman à sensation. Quelle (bonne) surprise ! Avec
Remèdes désespérés, nous sommes presque en plein sur les terres de
William Wilkie Collins ou de
Mary Elizabeth Braddon (tout débutant qu'il soit, Hardy est cependant déjà très supérieur à cette dernière pour ce qui est de la qualité de l'écriture). En tout cas, bien qu'il entre d'autres éléments plus « délicats » dans la recette, tous les ingrédients habituels du genre qui a fait les beaux jours des décennies 1860 et 1870 sont bien là : machination, chantage, secret de famille, usurpation d'identité, filatures, meurtre, rebondissements, suspense...
Si le
Thomas Hardy poétique, sensuel et sombre qui finira par entrer dans la postérité perce sous la surface, et si certains des thèmes qui deviendront récurrents dans son oeuvre sont déjà présents, nous sommes néanmoins encore assez loin de l'auteur qui, quelques années plus tard, accouchera d'incontestables chefs-d'oeuvre tels que
Loin de la foule déchaînée ou
Tess d'Urberville.
Ou peut-être pas si loin que ça finalement… Car, avec ce roman un peu bâtard (en ce sens qu'il semble contenir une bonne partie de la littérature anglaise du XIXe siècle par la variété de ses registres et de ses thèmes),
Thomas Hardy a parfaitement réussi à atteindre l'objectif qui devrait être celui de tout bon romancier qui se respecte et respecte son lecteur : captiver des toutes premières aux toutes dernières pages (ici, les toutes dernières pages sont carrément austeniennes !) En fait,
Remèdes désespérés est un tel page-turner en dépit de ses quelques faiblesses que l'on en vient vite à être convaincu que, tout en n'étant peut-être pas encore un écrivain totalement accompli,
Thomas Hardy était déjà un conteur consommé…
Une curiosité littéraire hautement, vivement, fortement, chaudement, chaleureusement recommandée ! (Oui, j'ai eu un prix sur les adverbes.)