Une claque. Voilà l'effet qu'a eu sur moi la découverte d'
Hemingway.
Oh ! ça n'a pas été facile. Pour tout dire,
L'adieu aux armes et le jour se lève aussi ont failli me faire renoncer. Long, monotone, peu d'actions mais surtout, surtout, une froideur dans la narration et dans la présentation des personnages : empathie impossible. (Peut-être dus à la traduction ?) Rédhibitoire pour moi. Mais quand on a affaire à un classique, on regarde à deux fois avant de renoncer. J'ai donc poursuivi.
Grand bien m'en a pris. Dans le récit autobiographique
Paris est une fête, qui évoque les années désargentées de l'écrivain dans la capitale française avant qu'il ne devienne célèbre,
Hemingway se dévoile et c'est un plaisir que de découvrir l'homme derrière la plume. Les méthodes et les conceptions d'écriture. Les relations dans le milieu littéraire et artistique de l'époque. Les faits et les convictions qui furent autant d'inspirations pour les romans à suivre.
Lorsqu'arrive le superbe
Pour qui sonne le glas, le lecteur qui a fait connaissance avec l'écrivain ne s'étonne pas de plonger dans un roman où des hommes luttent pour la liberté (le héros, un Américain, est engagé dans la guerre civile d'Espagne auprès des Républicains). Ce qui peut le surprendre, c'est l'intensité de l'immersion et la profondeur de pensées qui parcourent et transcendent même ce texte. Immersion parce que
Hemingway, amoureux de paysages et grand voyageur, nous transporte littéralement dans les montagnes espagnoles des années 30 ; et parce que, comme il le disait déjà dans
Paris est une fête, il sait faire « parler vrai » ses personnages. Et quels personnages ! Je ne citerai que mon préféré, le vieux, Anselmo, chasseur de son état, devenu meurtrier parce que la défense de la liberté l'exige, mais comme il déteste cela…
Hemingway se retrouvait peut-être bien dans ce vieil homme qui agit par nécessité mais reste toujours lucide sur la réalité de ses actes. Et on touche du doigt à la profondeur de pensées de ce beau roman, qui sait éviter le manichéisme et n'est pas là pour appuyer une cause. C'est surtout un bel hymne à la vie, aux instants précieux que l'on peut voler à la mort, à ce monde que les hommes ne réussissent pas à enlaidir complètement.
En terminant la lecture par
le vieil homme et la mer, on se recentre encore plus sur l'essentiel. L'homme mesuré au monde naturel, l'homme qui se dépasse – par orgueil ou par volonté ? L'homme dans la victoire, puis dans l'échec, car rien n'est jamais acquis, même ce qui a été gagné au prix d'immenses efforts.
J'ai retenu une larme lorsque j'ai compris que Santiago ne parviendrait pas à ramener entier son poisson au rivage. Un tel lien rompu ; quelle déchirure…
Une plume d'une telle humanité, si forte et si délicate pourtant, est à découvrir absolument. Merci
Ernest Hemingway !