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Isabelle Hausser-Duclos (Éditeur scientifique)Hélène Denis-Jeanroy (Traducteur)
EAN : 9782253145042
120 pages
Le Livre de Poche (02/09/1998)
3.98/5   89 notes
Résumé :
Printemps au Prater et La Scarlatine sont des œuvres de jeunesse : Stefan Zweig n'avait que dix-neuf ans quand fut publiée la première. Toutes deux se déroulent à Vienne où l'auteur passa ses vingt premières années. Baigné d'une atmosphère magique, Printemps au Prater raconte une courte et poétique parenthèse dans la vie d'une jeune courtisane en quête d'aventure : quelques heures d'un après-midi et d'une soirée qui la replongeront dans l'attente fébrile d'un futur ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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Le printemps au Prater est la seconde nouvelle écrite par Zweig alors qu'il avait 19 ans. Elle arrive juste après Rêves oubliés. Oui, je lis les bibliographies dans l'ordre, même si je m'autopardonne de m'être tout d'abord jetée sur le joueur d'échecs.
Cette nouvelle est ancrée dans la vie autrichienne, le personnage principal du récit étant bien "Le Prater", une enclave de nature prise dans la ville, un endroit béni des dieux, surtout en cette saison à laquelle Zweig dédie un hymne païen : « Et le soleil déversait la splendeur de ses ors sur l'impérissable merveille de sa création – le printemps au Prater. »
"Le Prater est une grande étendue verte située entre le Danube et le canal du Danube. Il regroupe la Grande Roue, symbole de la ville avec ses 65 mètres de hauteur, une fête foraine permanente et un immense parc. le Prater tirerait son nom du mot pratum (du latin, « prairie »). D'aucuns disent que Prater viendrait plutôt de Brater, qui peut être traduit par « brochette » ou évoquer l'objet utilisé pour faire des grillades (en référence à la forme étirée du Prater). le Prater est en fait constitué de deux zones : un grand terrain d'attraction avec des manèges, des stands, des buvettes et des guinguettes ; c'est cette partie que les Viennois appellent d'ordinaire le WurstelpraterI (le mot apparaît une fois dans le texte) et où vont s'amuser, le soir, les deux amoureux de la nouvelle. le « Prater vert » lui est contigu : cette vaste zone de forêts et de prairies était autrefois une réserve de chasse, elle fut ouverte à la population par l'empereur Joseph II. C'est là que se rencontrent au début les deux jeunes gens et c'est cette partie qui donne son titre à la nouvelle."
Cet intermède culturel nous est offert par l'auteur de la préface. Rendons à César...
.
C'est jour de derby, tout le gratin est là, mais la jeune Lizzie, Lise pour les intimes et ceux qui la connaissaient avant son ascension sociale, courtisane de son état, se doit de s'y montrer. Las, la couturière n'a pas livré sa somptueuse robe.
Désireuse d'assister à l'événement coûte que coûte, elle déniche une robe modeste dans le fond de son placard et l'enfile pour assister à la fête incognito.
Ce faisant, elle redevient la jeune fille qu'elle était, dans toute sa simplicité, et croise un jeune étudiant, Hans. Ils tombent amoureux en un regard et Lizzie est à nouveau Lise, gaie, impétueuse, exubérante... tout ce qu'elle s'efforce d'enfouir depuis si longtemps qu'elle l'avait oublié.
Mais le fond a peu d'importance. L'histoire est banale et m'aurait probablement ennuyée si elle avait été narrée par tout autre que Stefan Zweig.
La magie réside dans son art de décrire ses personnages et les éléments du "décor" dans les moindres détails.
Il ne décrit aucune caractéristique physique évidente et à la fin du récit, on n'a qu'une très vague idée de leur apparence dans sa globalité. Non, ce qui nous est offert, ce sont les gestes et expressions : du corps, du visage, les éclairs qui passent fugacement dans un regard, une moue, un sourire, une main qui s'attarde avec grâce, une kyrielle de moments suspendus, comme autant d'images qui défilent en rafale sous nos yeux ébahis.
Encore une fois, j'ai été scotchée par les mots. Zweig se déguste. J'ai lu et relu cette nouvelle pour ne rater aucun détail, aucune tournure. Et pourtant, chaque fois j'en ai découvert d'autres.
Ce n'est pas facile de décrire des sensations aussi fortes. Émerveillement, frissons ? On éprouve parfois tant de choses qu'il faudrait inventer d'autres mots, moins galvaudés, trop faibles, pas assez précis. Et j'aime la précision et les nuances.
Je vais me fondre dans un autre récit et plonger encore avec délectation dans la richesse des phrases de cet auteur.
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Comme c'est touchant de découvrir un Stefan Zweig si jeune à travers ces deux nouvelles. La main de l'écrivain n'est pas encore aussi ferme ni la plume aussi ciselée qu'elles le deviendront, et pourtant quel talent déjà!
Zweig a tout juste dix huit ans quand il écrit Printemps au Prater, la première nouvelle qui met en scène, dans une Vienne magnifiée par le soleil de printemps, une jeune courtisane qui par un beau dimanche fait l'expérience d'une aventure simple, torride et désintéressée, si loin de son quotidien de femme entretenue.
Il en a huit de plus quand il rédige La scarlatine, portrait d'un jeune homme perdu à Vienne qui peine à quitter l'enfance, et qui ne parviendra à se connecter à la vie qu'au moment de la quitter.
Zweig a dit-on renié ces oeuvres de jeunesse, inabouties à ses yeux de perfectionniste. Avec le recul, elles font pourtant honneur à l'écrivain en mettant en relief par effet de miroir l'explosion à venir de son talent, déjà bien marqué tant pour décrire l'âme humaine que la beauté de Vienne au temps de sa splendeur.
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Dans cette nouvelle aussi fraîche et juvénile que l'âme de son héroïne et la journée radieuse qu'elle décrit, Lizzie, une jeune femme mondaine entretenue, se trouve dans une situation curieuse, du simple fait de l'oubli de sa couturière. N'ayant pas reçu sa nouvelle robe, il est hors de question de se rendre au Derby, au champ de courses... Pourtant, bien résolue, après quelques larmes de circonstance, à ne pas se morfondre en cette belle journée, la jeune femme se "déguise" en revêtant une robe modeste oubliée dans son armoire, et se faisant, revient en arrière, dans sa peau de jeune provinciale prête à tout vivre, à tout avaler, mais aussi contente d'un rien, l'âme joueuse et libre.

Enfant déjà, Lise (son "vrai moi") était subjuguée par le parc et sa fête foraine, elle a également de beaux souvenirs de son premier amour, et se replonge avec plaisir, incognito, dans la foule qui arpente les allées en ce lumineux dimanche de printemps, oubliant les soucis de la semaine de travail et s'amusant follement, dans la nature et au milieu des attractions. Il fait chaud et la terre sent bon... Lorsqu'elle se sent observée par un étudiant timide et séduisant, elle est déjà prête à céder à l'aventure, et accepte sa compagnie pour goûter cette belle journée. Peu à peu, ils se rapprochent, s'apercevant qu'ils se plaisent vraiment... Réussira-t-elle à oublier sa condition de femme du monde aux nombreux et riches amants ?

J'ai beaucoup apprécié cette nouvelle, simple mais pleine de vie, d'énergie, dans laquelle Stefan Zweig communique l'exubérance du sang qui s'accélère, sous les effets conjugués de la nature au printemps, la lumière éblouissante, les couleurs vives et toute cette vie populaire qui fait le propre du Prater, la rencontre amoureuse enfin, la découverte et le rire. Peu à peu la vigueur et l'entrain du jour laissent s'installer le soir, avec sa douce mélancolie, l'envie de rester ensemble, encore...

A-t-on envie de mentionner un défaut de cette jolie et brillante petite chose ? Peut-être une vision sociale un peu naïve, une situation un peu artificielle, tout s'enchaîne un peu trop bien dans cette aventure, et on ne peut pas dire que cela transforme véritablement Lise, comme on aimerait peut-être que cela soit. Toutefois, j'ai envie d'oublier ces petites imperfections, de me perdre sans fin dans les allées du parc et de regarder les fleurs, en écoutant la vie lointaine et proche de la grande ville, gagnée par la joie d'être du bon côté de la vie.
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« Printemps au Prater » nous raconte en quelques pages, une journée de la vie de Lise. Ayant fui le domicile paternel, Lise est venue à Vienne pour suivre son amant. Devenue une demi mondaine, elle mène grand train grâce à sa fraîcheur et sa beauté. En ce dimanche de corso au Prater, elle se voit contrainte de renoncer à sortir car la couturière n'a pas apporté la robe qu'elle s'était fait faire pour l'occasion. Sa colère passée, elle décide alors de sortir malgré tout mais revêtira la robe de sa fugue, qu'elle a gardée dans son armoire, et vivra la fête parmi la bourgeoise et les gens du peuple.

« La Scarlatine » décrit le destin tragique d'un tout jeune homme, venu étudier la médecine à Vienne. Alors qu'il sort à peine de l'enfance et vit sa première passion, la scarlatine le foudroie.
Cette nouvelle d'une soixantaine de pages nous raconte une initiation. Bertold voudrait tant être pris au sérieux, grandir, ressembler à Schramek, l'étudiant qui loge sur le même pallier. Mais toutes ses tentatives échouent.
Le rouge est omniprésent dans cette nouvelle, que ce soit celui de ses joues qui s'empourprent pour un rien, celui du sang ou de la scarlatine. le rouge de la gêne, de la colère ou de l'amour. Couleur de la mort aussi et des sentiments troubles. le rouge comme une irritante provocation à la pureté juvénile du héros.

Il y a longtemps que je voulais découvrir l'oeuvre de Stefan Zweig dont je ne connais que la vie. Ces textes écrits dans sa jeunesse sont, me semble-t-il, le bon moyen de l'aborder. Ainsi je pourrais mieux apprécier, je pense, l'évolution de son écriture au fil de mes lectures.
Beaucoup de sensibilité émaille ces textes. Zweig nous décrit son époque et ses contemporains avec l'oeil avisé d'un peintre et d'un psychologue qui serait parvenu à les cerner malgré eux. Tout sonne vrai dans sa description. Son écriture vive et nerveuse donne un rythme soutenu à ses textes. Malgré son jeune âge, son style est maitrisé et nous offre une narration sobre mais efficace.
Je suis séduite par l'auteur et ai hâte de me replonger dans une de ses oeuvres.
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Quel style, quel rythme, quelle belle écriture! Si la première nouvelle est très - trop - exaltée et abrupte, elle n'en est pas moins touchante. La seconde, déjà plus mature et juste, est véritablement bouleversante par certains aspects. On sent la jeunesse de Stephan Zweig dans l'écriture de ces deux nouvelles, clairement, et pourtant peut-on citer aujourd'hui beaucoup d'auteurs accomplis qui font preuve d'une aussi belle plume, même au sommet de leur carrière littéraire?
Ce petit livre remarquable est donc une véritable nourriture pour l'âme si votre sensiblité littéraire est aiguisée.

Dans les deux nouvelles, le thème principal abordés est le même: le passage de l'enfance à l'âge adulte. Il semble qu'autour de ce passage, l'auteur développe chez ses personnages une sorte de mal de vivre aigü et paradoxal où ceux qui ne sont pas encore assez adultes se fustigent, impatients de ne pas grandir plus vite, alors que ceux qui le sont tout juste sont plein de nostalgie et de regrets pour cet âge de l'enfance qu'ils viennent de quitter.
La présence de ce mal de vivre, le rapport à la nature et à l'émotion lyrique, tintent les récits d'un curieux petit air de romantisme, que je trouve assez intéressant quand on considère à quelle époque ils furent écrits.

La vision de l'homme et de la femme ainsi que leurs rapports, est extrêmement interpellante. Ami.e.s féministes ou masculinistes, passez votre chemin si vous ne voulez pas voir vos cheveux se dresser d'horreur. À un moment de ma lecture, j'ai du volontairement arrêter de m'offusquer et ne plus préter attention aux remarques sexistes et genristes invraisemblables dont l'auteur use à toutes les pages pour à nouveau profiter du récit et de l'écriture. Indubitablement, on constate à la lecture de ce livre que les choses ont beaucoup - BEAUCOUP! - changé en un peu plus d'un siècle, c'est assez incroyable.
Du coup, je suis curieuse de lire d'autres ouvrages de S. Zweig et ses contemporains afin de me rendre compte si on assiste là à une vision générale ou à un cas isolé.

Pour conclure, une fois replacé dans le contexte culturel, sociétal et personnel de l'auteur, ce livre est une véritable petite perle, pourtant peu connue. Vaut la peine.
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Comme le temps passait lentement! L'aiguille sur le cadran de bois de la vieille horloge avançait de façon tout à fait imperceptible. Et il sentait, toujours plus menaçante, la peur du soir, l'angoisse, enfantine, inexplicable, de la solitude dans cette chambre étrangère, une nostalgie violente qu'il ne pouvait nier plus longtemps. Il était tout seul dans cette ville gigantesque où battaient des millions de coeurs et personne ne lui parlait hormis cette pluie qui clapotait, sarcastique, personne ne lui prêtait attention, ne le regardait, lui qui luttait contre les larmes et les sanglots, honteux d'être pareil à un enfant, incapable d'échapper à cette inquiétude tapie derrière l'obscurité et qui le fixait, impitoyable, de son regard d'acier. Jamais il n'avait autant souhaité le réconfort d'une parole humaine.
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Et soudain il se mit à lui parler.
Il lui dit des mots enflammés, des mots brûlants, annonçant dans ses couleurs les plus ardentes toute l’envie de l’amour juvénile que seul inspire l’instant du désir indompté. Il y avait dans ses mots toute l’aspiration sauvage de la jeunesse au bonheur, au plaisir et à l’accomplissement de l’amour. Et ses paroles devenaient de plus en plus impétueuses, de plus en plus affamées, montant comme des flammes et portant à son paroxysme la nature virile de l’homme. Il quémandait son amour tel un mendiant…
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Elle se reposa environ une heure, prise dans un sommeil léger et sans rêves, à fleur de conscience. Elle était très jolie, même si ses yeux espiègles, qui faisaient une grande part de son charme, étaient fermés maintenant. Seul le fin tracé de ses sourcils lui donnait l’allure d’une dame ; pour le reste, on aurait pu la prendre pour une enfant en train de dormir, tant ses traits étaient délicats et réguliers, dépris maintenant, dans le sommeil, du chagrin causé par la joie perdue.
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Au-dessus des arbres la voûte des cieux si bleue, si étincelante, si pure, faisait penser à un saphir. Et le soleil dardait la magnificence de ses rayons dorés sur la splendeur impérissable et sans pareille de sa création : le printemps au Prater.
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Et brusquement, n'y tenant plus, il demanda poliment si elle l'autorisait à faire quelques pas en sa compagnie. Il ne donna aucun motif pour la pure et simple raison que, en dépit de tous ses efforts, aucun argument valable ne s'était présenté à son esprit.
Elle-même, bien qu'il eût longtemps atermoyé, se trouva surprise au moment critique où la question fut posée. Devait-elle acquiescer? Pourquoi pas? Surtout ne pas commencer à envisager l'issue de cette histoire. Puisqu'elle avait déjà revêtu le costume, elle tiendrait également le rôle; elle aussi, pour une fois, comme une fille de la bourgeoisie, elle irait au Prater avec son soupirant Peut-être même que ce serait amusant.
Elle résolut donc d'accepter et déclara qu'elle le remerciait, mais il valait mieux qu'il ne l'accompagne pas, parce que pour lui ce serait du temps perdu. La fin de la phrase voulait dire oui.
C'est ce qu'il comprit aussitôt et il marcha à ses côtés.
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Stefan Zweig, auteur à succès, se voulait citoyen d'un monde qu'unifiait une communauté de culture et de civilisation. Il n'a pas survécu à l'effondrement de ce «monde d'hier» qu'incarnait la Vienne impériale de sa jeunesse.
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