Merci à Babelio et aux Éditions Soleil pour cette masse critique privilégiée.
Décidément, Hubert fut véritablement un POISSON PILOTE de la bande dessinée ; son talent de scénariste est pratiquement un laissez-passer pour qui souhaite profiter d'albums étonnants (Ma Vie Posthume, Miss Pas Touche,
Monsieur désire ?, les Ogres-Dieux,
Peau d'Homme, L'Île aux Femmes et tant d'autres).
LE BOISELEUR est un très beau double album qu'il signe avec
Gaëlle Hersent.
Le Boiseleur… Voyez en ce titre un habile assemblage entre les mots bois et oiseleur. Mais que l'on ne se méprenne - et c'est tout l'art de ce titre ambigu - il ne fait certainement pas référence à l'oiseleur qui prenait au filet dans les bosquets de petits oiseaux pour les revendre sur les marchés, non… plutôt celui qui, sans malice, attrapait tout son petit monde (bourgeois, nobles, puissants) avec en guise d'appeau de petits oiseaux sculptés si parfaitement que toute la bonne société se les arrachait à qui mieux mieux.
Illian est un jeune apprenti sculpteur qui ne peut vivre sans ses maillets et ses ciseaux ; le cliquetis constant de ses outils résonne dans sa rue du quartier de Solidor où il travaille et où il vit. Son habileté intrigue et séduit, ce qu'a très vite compris son maître qui semble l'exploiter sans aucun état d'âme.
Mais ce jeune homme mélancolique, dont les parents simples paysans sont restés loin de la ville, trouve sa joie de vivre et son réconfort dans le plaisir qu'il prend à écouter chanter les nombreux oiseaux prisonniers malgré eux - tout comme lui - de Solidor ; de cage en volière, ils se répondent de part et d'autre des rues formant ainsi un paysage musical si changeant et si particulier que chaque quartier possède sa signature propre. Et leur chant inspire tant Illian qu'il se met à les sculpter avec amour et frénésie. Ses sculpture sont si parfaites qu'elles procurent émerveillement et convoitise de la part des bourgeois qui remplaceront bientôt leurs vrais oiseaux par ses productions. L'habileté d'Illian signe aussi la fin de son enthousiasme car il voit peut à peu s'éteindre et disparaitre les trilles de ses amis relâchés dans le lointain…
Et puis Flora, la fille de son maître, aussi belle et aussi ensorcelante que le chant des oiseaux semble devenir de plus en plus inaccessible…
C'est un conte philosophique, doux et amer sur la société de profit, le pouvoir et l'influence.
Encore merci aux Éditions SOLEIL, Collection Métamorphose, pour ce bel et grand album soyeux à la couverture enluminée, doux mélange d'art oriental et occidental. Quand on l'ouvre, le charme continue d'opérer avec ces contre-pages où se mêlent des outils de sculpteur, des motifs floraux et ornementaux, des oiseaux, le tout formant une belle invitation au voyage pour entrer babouches aux pieds dans ce nouveau conte des 1001 nuits.