L’idée de famille, voilà le grand principe qui sert de base à la société chinoise. La piété filiale, objet invariable des dissertations des moralistes et des philosophes, sans cesse recommandée par les proclamations des empereurs et les allocutions des mandarins, est devenue la vertu fondamentale d’où découlent toutes les autres. Ce sentiment, qu’on prend soin d’exalter par tous les moyens, jusqu’au point d’en faire, pour ainsi dire, une passion, se mêle à toutes les actions de la vie, revêt toutes les formes, et sert de pivot à la morale publique. Tout attentat, tout délit contre l’autorité, les lois, la propriété et la vie des individus, est considéré comme un crime de lèse-paternité. Les actes de vertu, au contraire, le dévouement, la compassion envers les malheureux, la probité commerciale, le courage même dans les combats, tout est rapporté à la piété filiale ; être bon ou mauvais citoyen, c’est être bon ou mauvais fils.
Les Chinois n’ont pas l’habitude de la promenade ; ils n’en conçoivent ni les charmes ni les avantages hygiéniques. Ceux qui ont quelques notions des mœurs européennes nous trouvent fort singuliers, pour ne pas dire souverainement ridicules, d’aller et de venir sans cesse, sans avoir d’autre but que celui de marcher. Lorsqu’ils entendent dire que nous considérons la promenade comme une manière de nous délasser et de nous récréer, ils nous tiennent pour de grands originaux ou pour des hommes qui n’ont pas le sens commun.