L'être humain est l'un des rares animaux à jouer encore régulièrement à l'âge adulte. le jeu a pourtant longtemps été considéré comme une activité d'enfants, tout juste bonne à les aider à acquérir une dextérité physique et des réflexes sociaux qui leur seront utiles plus tard dans la « vraie » vie.
Huizinga vient bousculer cette conception des choses et met au contraire le jeu au coeur même de notre identité, allant jusqu'à qualifier notre espèce d' « homme qui joue ».
L'auteur commence par définir le jeu : il est limité dans l'espace et le temps, ses règles sont absolues (une fois le jeu commencé, aucune modification des règles n'est toléré), et chaque joueur doit s'immerger totalement dans son rôle : qu'on joue aux échecs ou au Monopoly, il faut devenir l'espace d'un instant un chef d'armée décidé à écraser l'ennemi, ou un investisseur immobilier ambitieux ; il suffit qu'un seul des participants refuse de « faire comme si » pour que l'activité cesse d'être un jeu pour tout le monde.
Partant de cette définition,
Huizinga passe en revue notre société et souligne les similitudes entre plusieurs institutions et les jeux : le sport bien sûr, mais aussi la guerre, la justice, la philosophie et la religion. Ces rapprochements me semblaient à première vue assez hâtifs, mais l'auteur fournit assez de pistes pour prendre ces hypothèses au sérieux. Notre vocabulaire est déjà assez éloquent (on « joue » en bourse, on met sa réputation « en jeu », on « fait le jeu » de quelqu'un, on « joue le jeu », on « entre dans son jeu », etc.). Dans beaucoup de domaines, on trouve également des traditions qui se rapprochent des jeux : les chevaliers avaient leur code d'honneur à respecter, les chefs d'armée se font assaut de politesses avant d'entamer les combats (« Messieurs les anglais, tirez les premiers »), dans certaines cérémonies l'assistance, mi-crédule mi-lucide, accepte les tours de passe-passe de l'officiant, les ordalies permettaient de sauver sa tête sur un coup de dé (événements toujours appréciés par le grand public), …
L'essai est assez déstabilisant, à la fois assez complet, mais trop court pour pouvoir nous imprégner réellement de l'idée. Notre vie, un gigantesque jeu ? Ma foi, ça pourrait nous aider à beaucoup relativiser les choses !