J'ai été immédiatement séduite par la qualité de l'écriture et la richesse du vocabulaire et des tournures de phrases, paragraphes, structure tout entière. Je suis tombée sur quelques mots que je ne connais pas, chose rarissime lorsque je lis des romans de ce siècle ! et je me suis rapidement focalisée autant sur certains phrasés très appréciables que sur le fond de l'histoire. Je peux désormais affirmer que les critiques dithyrambiques au sujet de la qualité des textes de monsieur
Jaworski sont très largement méritées. Outre la narration bien maîtrisée et les atmosphères parfaitement plantées, j'ai eu le plaisir de reconnaître ou noter ici et là quelques références linguistiques et culturelles multiples, sans que ça en devienne pesant, qui agrémentent les récits comme autant de clins d'oeil au lecteur. [Je vous laisse les découvrir si vous vous lancez dans cette lecture, les remarques que je fais dans ma chronique détaillée ci-dessous ne sont que des impressions personnelles sans lien avec ce que j'ai pu noter comme références intertextuelles, sauf précision contraire.]
Quant aux nouvelles je les ai toutes aimées ; chacune était différente dans son style et son aboutissement, mais aucune ne m'a ni déplu ni ennuyée.
Janua vera présente un homme, un Roi, dont la simple existence est en écho avec son royaume (il me semble que Herbert avait utilisé ce thème dans l'Empereur-Dieu de Dune, mais ma lecture remonte à trop loin pour que je m'en souvienne avec précision) – son profond mal-être semble ébranler la société toute entière, voire même les fondations de la ville.
On suit Leodegar dans ses cauchemars récurrents et les angoisses et la dépression qui en résultent : qu'est-ce que ces rêves signifient ? A quoi sont dus ces frappements sourds qui réveillent et tourmentent ainsi le souverain ?
Mauvaise donne est LA nouvelle qui m'a donné envie de lire
Gagner la Guerre : en effet elle met en scène Benvenuto, un assassin (héros du livre sus-cité), également bon vivant et charmeur (qui m'a assez rappelé les héros de
Scott Lynch), pris au piège dans une conspiration qui n'était pas la sienne. Une grosse nouvelle de 130 pages pleine de rebondissements, de quelques traits d'humour mais aussi de moments de franche angoisse pour notre héros aux prises avec des gens déterminés qu'il pourrait bien connaître…
(Je ne suis toujours pas remise de la dernière citation ^^ Oui, ce sort est mythique !! Mon premier MJ de Donjons & Dragons sur Nancy nous en parlait beaucoup même si nos PJ ne l'ont jamais expérimenté. Ah, les souvenirs de « jeunesse » ! :p)
Le Service des dames m'a fait voir rouge mais je ne peux rien vous dire sans trop vous en dévoiler ! L'auteur reprend le principe des romans de chevalerie basé sur l'amour courtois, les chevaliers au service des dames, les questions d'honneur, tout ça. Je note encore des descriptions excellentes, un soin apporté à certaines métaphores apportant un visuel très réaliste, presque palpable.
Pour l'histoire il s'agit d'un chevalier suivi de ses deux acolytes qui doit demander un droit de passage à une baronne : en effet une coutume locale liée à des événements que le lecteur devine vite funestes interdit le passage d'un gué pourtant fort bien situé.
Une offrande très précieuse met en scène deux hommes survivants d'une bataille, perdus dans les bois, deux soldats parmi la piétaille anonyme, effrayés et blessés. L'un d'eux est mourant, l'autre déterminé à le sauver s'il le peut. Sauver son ami le conduira à explorer sa propre âme.
Le Conte de Suzelle m'a donné très envie de relire Smith de Grand Wootton de
Tolkien. le rapport entre les deux histoires est ténu puisque les deux parlent de la rencontre entre humains et êtres immortels, mais la similitude ne va pas tellement plus loin.
Jour de guigne m'a fait énormément penser à notre regretté Sir
Terry Pratchett, et là, contrairement à ce que je vous disais plus haut, j'y ai vu un hommage non dissimulé !
(Le reste de la nouvelle est également savoureux et riche en humour, absurdités et jeux de mots à deux francs six sous*) Ce même Maître Calame se rend compte un matin qu'une incroyable, une effroyable et persistante malchance le poursuit dans tous, absolument tous ses instants. « Heureusement », il a une petite idée sur ce qui a pu lui arriver.
* INTRADUISIBLE EN EUROS À MON SENS.
Un amour dévorant se situe dans les contes et récits sur la chasse fantastique (ou chasse Hellequin, ou bien d'autres noms) : deux hommes accompagnés d'un cheptel de chiens de chasse à courre, errant dans les bois sous forme plus ou moins fantomatique, terrorisant les habitants du village voisin. Un homme du culte du Desséché arrive alors et commence à mener l'enquête, qui pourrait s'avérer moins évidente que de prime abord malgré toute sa détermination et sa méthode très carrée. le petit retournement de situation à la fin m'a fait sourire.
Le Confident : claustrophobes, fuyez ! Nous voici plongés dans l'esprit, les sens et la mémoire d'un homme qui a choisi, suprême hommage au Desséché dont je vous parlais avant, de s'exiler de toute lumière et de toute présence extérieure, piégé de son propre vouloir dans des catacombes peuplées de défunts et de fantômes. Étonnant, oppressant par moments, le texte ne souffre pas de longueurs ou de répétitions grâce à une alternance entre passé(s) et présent, et un nombre de pages plus limité que d'autres textes (une vingtaine, ce qui je trouve est déjà très fort sur un tel thème).
Un excellent recueil de nouvelles alternant entre des styles narratifs et des thèmes très divers, le plus souvent empruntés aux légendes ou romans d'aventures, avec quelques références ludiques très nettes et toujours une très bonne maîtrise de l'écrit.
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