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EAN : 9782378560447
128 pages
Verdier (06/02/2020)
3.68/5   17 notes
Résumé :
Sur le pont de Nevers, trois bons amis regardent couler la Loire. Ils vont avoir cinquante ans. Ce qu’ils voient depuis le tablier : les grandes veines de courant, l’eau fendue par l’étrave des piles, les marmites tournant sur elles-mêmes sans jamais vouloir se rendre au lit, les bancs de sable, les îlots et les troncs flottés. Les fleuves et les rivières font appel à l’enfance et, avant le soir, la songerie des trois camarades prend la forme d’une boutade, c’est-à-... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
La Loire est un fleuve nonchalant que l'avènement du train sauva du labeur. Quiconque la croit docile se fourvoie. Il y a les rives qui s'effondrent, les bancs de sables qui confondent, les courants trompeurs et la marée, près de l'embouchure, qui force la manoeuvre. La Loire se mérite. La Loire se respecte. Michel Jullien la vénère, comme l'Amazone ou l'Everest.
Avec ses deux comparses, il entreprend de la descendre en barcasse, parodie de gabarre, d'Andrézieux à Saint-Nazaire. le jour, ils souquent à tour de rôle, glissant entre les rives d'où les pêcheurs immobiles les observent. La nuit, ils campent sur de petits ilots, dérangés par le coassement des grenouilles.
Le héros de cette aventure, c'est la Loire. Michel Jullien en décrit magnifiquement les caprices, les bruits sur la surface (p33), les abandons (p42), les effluves délicates ou nauséabondes (p65) ou encore, la vision menaçante des centrales qui signalent leur sombre présence par d'interminables panaches blancs (p69).
Je suis grée à l'auteur de ne pas avoir gâté le voyage avec des considérations touristiques (à votre droite…) ou une introspection que la contemplation du fleuve aurait pu susciter. Il n'en a que pour le fleuve. Il en parle d'une langue poétique, vernaculaire aux abords des villages.
J'ai aimé donc, mais je ne suis pas objective. J'ai passé mon enfance près de Châteauneuf-sur-Loire. Avec mon grand-père, nous avons taquiné le goujon, rêvé de silure et guetté l'échassier. Quel bonheur de revivre son enfance sous la brillante plume de l'écrivain.
Bilan : 🌹🌹
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Les trois rameurs sont les besogneux, la Loire est la vedette.

Un arrêt sur le pont de Loire à Nevers entre amis peut changer un moment de vie, tout comme fêter ses cinquante ans de façon bien arrosée.

Ils sont trois amis et, après (ou pendant) les libations lancent cette proposition « descendre la Loire en barque » Ben oui, pourquoi pas et le lendemain l'un d'eux ressort la proposition… c'est l'engrenage, surtout lorsqu'ils dénichent sur le Bon Coin une annonce « Vend barque ». Une grosse barque en alu à fond plat. Pour eux trois, cela devrait aller. « une ancienne barge de pompiers, une grosse ferraille rouge et piquée (peut-être moins rouge qu'entièrement rouillée), un parallélépipède évasant dénué de fuselage, fond plat, carène épaisse, des plats-bords ourlés, lippus, quelque chose d'immaniable, long de sept mètres pour deux de large, deux cents kilos à l'oeil, poids net. »

Et vogue la galère, pardon la barque ! Elle a un prénom « Nénette »

Les trois copains débutent leur périple à Andrézieux. Plus en amont, les dimensions de l'embarcation n'autorisent pas la navigation.

Le livre n'est pas un carnet de bord, mais les impressions de l'auteur, « à hauteur de paupières », à hauteur de sensations.

Michel Jullien m'épargne les descriptions cartes postales tout comme les bruits de son nombril.Tout n'est que sensations visuelles, auditives, olfactives. Oui, la Loire a une odeur (je suis assez souvent à son bord des heures à traquer oiseaux et autres libellules) une odeur sucrée de vase, poissons, limon et essences végétales diverses - quoi, ça pue !! mais non, c'est une sensation délicieuse, vous y êtes et ça se sent !

« La barque évolue dans une espère de silence engorgé de bruits, entendus de loin, à l'écho, des bruits dont on ne voit pas l'émission, l'origine » et puis, il y a le clapotis sur la coque ; le couinement des rames dans leurs dames de nage empêche de l'entendre, mais lorsqu'ils ne rament pas, ils perçoivent « un gargouillis de haute-contre… quelque chose de fin, posté entre le fredon et le cliquetis » Des fois, l'embarcation « froufroute de la coque » lorsqu'elle touche un haut-fond.

La Loire, tout comme l'Allier n'est pas si dolente qu'elle y paraît avec ses tourbillons, le passage des ponts, les hauts-fonds.

Pour dormir, il dégotte un îlot où, la nuit, les coassements des grenouilles et autres crapauds ne sont pas qu'un petit bruit de fond agréable.

Les trois rameurs sont les besogneux, la Loire est la vedette.

Qu'est-ce que j'ai aimé ce voyage sur la Loire. Rien de sensationnel, mais il faut le faire. Les sensations que Michel Jullien décrit avec un vocabulaire imagé sont emplies de poésie. C'est également une échappée littéraire car la Loire a connu moult grands écrivaines et écrivains que l'auteur insère dans le paysage tels Madame de Sévigné, Jules Renard, Paul Valéry… sans que ce soit redondant.

La Loire, fleuve royal et majestueux (n'oublions pas l'Allier!!), vivant, habité, Michel Jullien un auteur au talent certain, tout ceci en fait une très belle lecture.

Un bonheur de lecture où l'humour pointe le but de son sourire

J'en fais un coup de coeur de par son hymne à la Loire et à l'écriture
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Michel JULLIEN ne nous fera pas l'affront de nous décrire uniquement ce qu'il vu, mais aussi et peut-être surtout ce qu'il a ressenti : les bruits, nombreux et étourdissants, surtout des bruits venant de l'humain, des moteurs notamment, les odeurs, très différentes selon l'endroit où l'on se trouve. Ressentis plus philosophiques : le chemin de fer qui semble avoir fait beaucoup de mal aux activités jadis nombreuses sur la Loire. Description par petites touches laissées en suspens de la flore, la faune, les insectes surtout, puis les oiseaux. Description des îlots (l'hôtel de l'aventurier), des arbres les habitant.

Et puis il y a ce qui fait intrinsèquement partie de la vie d'un fleuve, et d'ailleurs d'un cours d'eau en général : les pêcheurs, les échelles de crues, les ponts, la manière de se glisser dessous avec son embarcation (concernant la Loire, bien viser la bonne arcade), les bords, les plages.

L'activité humaine parfois étouffante : les centrales nucléaires sur la Loire (peut-être les plus belles pages du récit), les objets jetés dans le fleuve devenu poubelle avec ces quantités de saloperies croisées, on pourrait y reconstruire une maison avec même la voiture garée devant, les ponts bien sûr (route autoroute, voie de chemin de fer, etc.) : « Couvrez un millier de kilomètres en voiture, en train, il se trouvera un tunnel sur le trajet, plusieurs, tôt ou tard. Les fleuves ont d'autres recours, ils louvoient au premier relief venu, ils percent par détours. Leur façon n'est pas celle des routes, ils se précipitent par écart. Ils ignorent nos communes notions de trajet, ils ignorent les ponts, ils ne les endossent même pas. Les ponts croyons-nous seraient un compromis géographique, ce que les fleuves n'entendent pas de cette oreille : les ponts mis en barrette sont pour eux des flagrants défauts de chemin ».

Revenons brièvement sur ces centrales nucléaires : « Une rumeur muette à la ronde, on dirait qu'elles cherchent à ne surtout pas faire de bruit contre le pire. La désolation tient encore à ce qu'il n'y a rien à voir, tout à pressentir. Sinon les fourneaux, sinon les buées de condensation renvoyées au ciel (un peu de la Loire devenue soudain verticale, d'entiers morceaux de fleuve sortis de conduits cintrés comme des coquetiers babyloniens, projetés droit au ciel par le plus court chemin de la technologie sans passer par la case « mer »), elles marquent le lieu d'un vide ».

JULLIEN n'oublie pas ses liens avec la littérature, il évoque quelques auteurs qui ont écrit sur la Loire, sur les cours d'eau en général, il semble vouer un grand respect pour Jules RENARD dont une pensée clôt d'ailleurs le livre. Bien sûr, une telle aventure maritime rappelle forcément quelques belles pages De MAUPASSANT, c'est indéniable. Pour une version plus musclée et cinématographique, nous pourrions classer ce texte près du film « le drapeau noir flotte sur la marmite » sans l'aspect déjanté et proprement encanaillé.

Un bon petit livre de vacances, de détente mais aussi d'adoration du style, de la langue. Sorti tout récemment chez Verdier, il se lit devant un point d'eau, qui peut être un étang ou un lac, qui doit être encombré d'odeurs, de l'activité humaine comme de la nature. Et là vous serez guidés à votre corps défendant, les arpions dans la flotte tiède. Ne passez pas votre tour.

https://deslivresrances.blogspot.fr/

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Récit d'un périple entre amis le long de la Loire. Carnet de bord sur la barge, le rôle de chacun, la permutation des rameurs et le spectacle de ce voyage au fil de l'eau. le bruit, les odeurs, la vue sont convoqués dans ce carnet de bord. Puis malheureusement, le fil est rompu le sujet s'épuise alors qu'on en aurait voulu plus sur les impressions et sur les sentiments éprouvés. Dommage !
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Quelques collègues m'ont offert pour mon anniversaire Intervalles de Loire écrit par Michel Jullien. Trois amis, à l'approche de la cinquantaine, font le pari de descendre la Loire, dans un petit esquif, dépourvu de moteur. le livre qui en résulte est celui d'une non aventure, une sorte d'anti-récit de voyage. Pas de sport de l'extrême ici, pas de passes dangereuses, pas de mauvaises rencontres, pas d'accidents. Une descente à la force des bras. La rencontre des corps et du fleuve, c'est tout. C'est tout le propos du récit : se décentrer. Percevoir non pas les deux pieds rivés au sol, mais au milieu du fleuve : « « de plusieurs villes en particulier, Gien, Orléans, Tours, Amboise, je garde le sentiment d'une traversée onirique »
Trouver une routine nouvelle qui est celle du corps, des sens et du mouvement comme l'indiquent les entrées de ce non-journal. Aperçus citadins à partir du fleuve, on pense à Paysage Fer de François Bon qui est d'ailleurs cité. La Loire est un fleuve qui invite à la contemplation, en mouvement certes, mais un mouvement lent que la longue phrase de Michel Jullien semble vouloir mimer.

Lien : https://twitter.com/claire_t..
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Toute une palette de bruits nous accompagnent, conformes à la saison ; nous les coupons par le milieu du fleuve, comme s’il y avait deux étés simultanés, l’un rive gauche, l’autre rive droite. Ça pour l’ouïe tandis que la vue fait de drôles de rencontres au fil de l’eau. De canton en canton elle croise un bazar d’ustensiles, des biens domestiques hétéroclites abandonnés en pointillé, certains sur la berge, confondus dans la végétation, le plus souvent immergés. Un bout dépasse par quoi se dévoilent les objets mais la peine que nous avons à les reconnaître tient peut-être moins à la vision partielle qu’on en a qu’à leur présence saugrenue en ces lieux. Elle tient aussi à ce que la plupart se présentent les quatre fers en l’air. Comme pour les bruits, la liste recommence avec en premier lot bien des choses ayant trait à la notion de déplacement, d’anciennes vitesses désormais clouées au terrain. Là c’est une portière, un capot, là une voiture dont le toit fait plateau par-dessus la coulée, vitres ouvertes, des pneus flottés, d’entiers morceaux de vélos, un scooter amputé de ses roues, un kart englouti ou, à cheval entre la rive et l’onde, une Clio calcinée avec un arbre proche rôti au tronc. On rend au fleuve une véhiculation éculée, hors service, on offre à son débit les ex-voto automobiles, les accélérations démodées, confiées dorénavant à celle du fleuve, régénérées par son mouvement perpétuel, comme si la dynamique des vieux engins n’avait pas dit son dernier mot, comme si ces véhicules n’avaient pas épuisé toutes les ressources de leur vélocité passée, qu’en dernier geste on les livrait à l' »échappement libre ». (Partage des sociétés : des voitures mandatées à la Loire, des cadavres remis dans le Gange.) Un article nous navre parmi tous : une énorme valise, une Samsonite envasée, baignant à demi (forcément avec des roulettes), encore toute rose, une poignée coulissante hissée haut, ses angles affublés d’un manchon de glaise, rêve à elle seule de voyages, de soutes d’avion, fétiche de périples, de tourisme lointain.
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Nous disposions d’un an pour tenir parole ou l’enterrer. La sotte idée revint parfois au détour d’un dîner, plus molle que dans le jardin nivernais, elle reprit corps vers Noël quand les trois cinquantenaires répondirent à une annonce du Bon Coin : « Vend barque. » Nous voici cette fois dans le Vexin, chez un particulier, devant une ancienne barge de pompiers, une grosse ferraille rouge et piquée (peut-être moins rouge qu’entièrement rouillée), un parallélépipède écrasant, dénué de fuselage, fond plat, carène épaisse, des plats-bords ourlés, lippus, quelque chose d’immaniable, long de sept mètres pour deux de large, deux cents kilos à l’œil, poids net. Le jardin du vendeur n’y tenait pas. Il fait l’article, il nous affirme que sa barcasse n’est percée de nulle part, très bien, mais tout de même, une telle charge, tant d’embarras, l’excès de place pour trois passagers, rien qui ne semblât correspondre aux élégants remous des passes étroites que nous avions repérées depuis le pont de Nevers. Le prix fondait de lui-même sans que nous eûmes à marchander, et même ainsi, au dernier tarif, la transaction capota. Cette déconvenue du Vexin ne fit qu’attiser notre détermination et, retour à la campagne, sous un tilleul, tous trois compulsions des catalogues d’accastillage, chiches en prototypes, des barques en réclame. Un modèle nous séduisait parmi tous, nous mîmes ses mesures à l’épreuve sur le perron en ciment de la maison nivernaise ; son contour fut tracé sur le sol, à la craie, nous jetâmes trois grossières planches en travers du gabarit – nos bancs -, sur quoi s’asseoir, par terre, genoux pliés, afin de prendre connaissance de nos aises, de la surface utile et des complications de croisements à l’instant de changer les tours d’aviron. Quelques bagages imaginaires furent rapportés à l’intérieur du modèle ébauché à la craie. Nous ramâmes même, comme ça, à vide, à jeun, sous le regard interdit de nos enfants, sans roulis ni tangage, sur la terre ferme, avec le soin de ne pas faire dépasser un pied du patron dessiné sur le ciment, souquant dans une barque illusoire, au pas de la porte, quelque part en Bourgogne.
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Le cours de Loire a ses traquenards, naturels, artificiels. Les seconds consistent en des barrages, des ponts, des centrales nucléaires (quatre au parcours). Les premiers sont constants : îles et bras morts – ce qui revient au même. C’est tout le temps, une ample largeur de fleuve se déploie devant avec trois îles en ligne de mire, soit quatre voies d’eau, l’une préférable, de bon courant, pour trois culs-de-sac, des passes de haut-fond où se fourvoyer – on appelle ça des « boires » -, toutes choses aperçues à ras d’eau, sans recul, quel chemin prendre ? Il existe des cartes fluviales qui ne sauraient décompter tous les îlots, elles ne préviennent pas des bancs sablonneux, des faux accès, des enrochements, leur coloriage uniforme ne dit pas qu’entre un large chenal et un moindre goulet la seconde passe est souvent la meilleure, là où l’eau s’étrangle, rend la vitesse, soulage les rames. Les voies satellitaires de Google Earth, elles, sont d’authentiques photographies ; l’eau n’y est pas bleue selon la convention des cartes. Elles permettent de s’approcher au plus près du relief ou, au contraire, de s’en éloigner. En réglant le plafond à huit cents mètres de hauteur, en décomposant toute la Loire à coups de captures d’écran, nous obtînmes 582 images reliées sous pochettes plastiques, scotchées contre l’humidité, une gros volume que nous appelons le Navigator, le photomaton de la Loire. Les clichés n’ont rien de parfait, ils montrent toutefois des zones fluviales de franche coulée, des faveurs géographiques, des scintillances tisane, des vers profonds où vit le vrai débit tandis que des valeurs jaunasses trahissent les artères léthargiques, les courants émollients, les voies de garage. L’échographie du fleuve entre bas et hauts-fonds.
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Les avirons trempent, ressortent, ils ne font que ça - des palindromes- , grandes tiges métronome, je regarde mes pieds comme des splendeurs, les frondaisons, ma lassitude revient au décor, se fixe aux arbres, sur celui-ci, un peuplier au virage, penché vers l'eau : "Un peuplier, toutes ses feuilles retroussées au vent, va traverser le canal." (Renard, lundi 3 août 1908)
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Ainsi l’alignement vertébral du barreur est à l’épreuve, bloqué dans le même hémisphère, son esprit en alerte. Bossu besogneux à la traîne des circonstances. En moins de temps qu’il ne l’imaginait, il se met à briguer la place centrale, celle qu’il redoutait, le banc B.
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