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3,67

sur 2004 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est le matin de Noël. Après une soirée qui s'est prolongée, Holly se réveille trop tard. Elle s'en veut déjà en voyant l'heure car elle sait que cette journée va être très occupée. En effet, elle reçoit la famille de son mari et quelques amis pour venir fêter Noël. Elle n'a pas préparé le repas et la table n'est pas encore mise. Comble de malchance, son mari, lui aussi à la bourre, s'empresse de quitter le lit conjugal pour aller chercher ses parents à l'aéroport. Elle espère pouvoir compter sur l'aide de sa fille adoptive, Tatiana, qu'elle a ramené de Sibérie 13 ans plus tôt. Mais, cette dernière un peu contrariée par le fait qu'elle tenait à ouvrir ses cadeaux dès l'aube, semble reprocher à sa mère l'heure tardive à laquelle elle s'est levée. La jeune fille est d'humeur maussade, n'attache aucune importance à sa maman et encore moins au fait qu'elle sollicite son aide. Son comportement devient de plus en plus bizarre. le blizzard souffle, la neige tombe abondamment et la maison se retrouve soudain comme enveloppée d'une sorte de torpeur...

Laura Kasischke nous plonge dans une ambiance oppressante, nous enferme dans cette maison en compagnie d'Holly et Tatiana et nous glace le sang avec toute cette neige qui semble arrêter le temps. Elle décrit à merveille cette relation entre cette mère aimante, possessive, choyant son enfant qu'elle a tant espéré et cette fille habituellement si tendre et avenante mais dont le comportement étrange et troublant semble l'inquiéter. le lecteur est confronté à l'angoisse d'Holly, dès son réveil, qui ne la lâchera pas de la journée. Ce huis-clos étouffant et angoissant, alternant les événements de la journée de Noël et les souvenirs de Holly lors de l'adoption de sa fille, devient de plus en plus mystérieux au fil du temps, le comportement de Tatiana soulevant de multiples questionnements et cette neige drue renforçant le sentiment d'enfermement des deux femmes. L'écriture de Laura Kasischke est envoûtante et étourdissante.

Esprit d'hiver... glacial...
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La fameuse angoisse des fêtes de fin d'années, je la connais, chaque année je la vis. Pas celle causée par le souci des cadeaux de dernières minutes qu'il reste à trouver, je vous parle de la véritable angoisse, celle qui s'amplifie plus les jours approchent, plus le soir du premier réveillon se précise. Celle qui vous prend aux tripes, qui vous tenaille l'estomac, qui vous oblige à vous allonger, à vous forcer à respirer calmement avant d'entrer dans l'arène et de sourire en faisant comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

"Prendre connaissance des horreurs de ce monde et ne plus y penser ensuite,
ce n'est pas du refoulement. C'est une libération."

C'est également avec un indéfinissable sentiment d'angoisse qu'Holly se réveille en ce matin de Noël. Ayant un peu abusé du bon vin, elle se réveille en retard, son mari déjà parti chercher ses parents à l'aéroport. Plus que quelques heures avant que tous les invités ne débarquent et rien n'est prêt. Sa fille Tatiana aurait pu la réveiller mais semble de pas l'avoir fait comme pour mieux pouvoir la mettre dans l'embarras et le lui reprocher ensuite. Tatiana ne semble d'ailleurs pas dans son état normal mais impossible d'en connaitre la ou les véritables raisons. Une tension aussi soudaine qu'inexpliquée semble s'être insidieusement glissée entre les deux femmes. Ajoutez à cela, une tempête de neige phénoménale qui bloque tous les accès de la ville et des invités qui, du coup, ne viendront pas, rien dans cette journée ne semble vouloir se dérouler comme prévu.

Tout au long des pages de son roman, Laura Kasischke distille au compte-gouttes une ambiance inquiétante à souhait, une atmosphère pesante, cotonneuse. L'aspect huit-clos de cette confrontation entre une mère et sa fille adoptive est accentué par la neige qui les entoure. Elles semblent coupées du monde, sans vue sur l'extérieur. L'image de la baie vitrée opacifiée par la chute perpétuelle des flocons de neige contribue à cette sensation d'isolement, d'étouffement. Aucune intervention extérieure ne semble possible.

"Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux."

L'utilisation répétée de phrases ou mots en italiques, pour appuyer le côté inquiétant, et les incessants flashbacks permettent d'ajouter à la confusion et au questionnement du lecteur. Qu'est-ce qui a bien pu les suivre ? Un démon ? Un esprit ? Esprit d'hiver. Esprits divers... Holly, Holy Bible… Que de drôles de questions qui me viennent à l'esprit pendant ma lecture, que d'associations d'idées fumeuses!... Et cette enfant ramenée treize ans plus tôt d'un orphelinat de Sibérie aussi glacial qu'effrayant, qu'est-ce qui ne va pas chez Tatiana ?

Je me retrouve le 31 décembre 2009, je me suis réfugié dans une salle de cinéma après avoir esquivé toutes les invitations possibles et imaginables, l'angoisse des fêtes, vous vous souvenez… Esther, Orphan, en Version Original, l'histoire d'une enfant sortie de son orphelinat par une famille américaine qui va chèrement payer ce geste désintéressé. Et perpétuellement, l'accroche du film, sur l'affiche, qui me revient en tête tout au long de ma lecture :

"Quelque chose ne va pas chez Esther… "

Il est 5h30, dans la nuit noire, le vent souffle fort, la pluie cingle sur les volets, je ne dors plus, je dois savoir, il le faut. Il me reste moins de cent pages, je ne refermerai cet Esprit d'hiver qu'une fois ma lecture achevée.

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Nous sommes le jour de Noël et Holly doit préparer le repas car elle reçoit ses beaux-parents, deux amies et leur fille et un autre couple. Seulement, elle est en retard, car la veille, elle et son mari Eric se sont couchés tard.
Eric part en catastrophe chercher ses parents qui sont déjà arrivés à l'aéroport. Dehors, il y a le blizzard, la neige qui tombe en abondance.
Holly s'est réveillée avec une sensation de malaise, une angoisse avec une phrase qui la hante : « quelque chose les avait suivi depuis la Russie jusque chez eux ». Elle a besoin de noter cette phrase lourde de signification pour elle dans le cahier où elle écrivait des poèmes autrefois, phrase qui va revenir souvent de façon lancinante tel un leitmotiv.
On apprend ainsi qu'Eric et Holly ont adopté une petite fille qu'ils sont allés chercher dans un orphelinat en Sibérie. Ils l'ont appelée Tatiana, alias Tatty, pour qu'elle conserve un lien avec le pays où elle est née.
Rien ne se passe comme prévu, d'abord Tatty se lève en faisant la tête et s'oppose sans arrêt à sa mère, car elle a maintenant treize ans et elle est à fond dans l'adolescence. Donc elles se chamaillent sans arrêt.
Eric appelle car sa mère est malade et il a dû aller à l'hôpital. Dehors les routes sont impraticables donc les invités annulent chacun à leur tour. Ce qui désole Tattie et Holly qui aurait aimé parler de leur mauvaise entente avec son amie Thuy qui elle aussi a adopté une petite fille et qui semble de bon conseil et surtout Tatty s'entend bien avec elle.
Peu à peu, les souvenirs remontent et Holly qui se culpabilise de ne pas être une bonne mère, évoque tout ce qui va mal depuis l'arrivée de bébé Tatty à la maison : la bosse qui pousse sur la main d'Eric, les verres que Tatty a cassés de façon étrange comme si quelque chose de maléfique les avait suivis au retour de l'orphelinat, les CD neufs qui se sont tous retrouvés rayés avant d'avoir servi, l'ordinateur portable qui a disparu, etc..
Elle repense à l'opération qu'elle a dû subir car elle est porteuse d'une mutation génétique qui se traduira par un cancer du sein dont sa mère et sa soeur sont mortes très jeunes. Elle a décidé sur les conseils du médecin de se subir une double mastectomie et une ablation des ovaires.
Elle se demande, ce qui s'est passé pour que la petite fille adorable devienne une adolescente à ce point exécrable, car en ce jour de Noël, elle devient un mur et plus aucune communication n'est possible. Et je vous laisse découvrir la suite...

Ce que j'en pense :

Le titre de ce livre est inspiré d'un vers du poète et avocat Wallace Stevens qui écrivait : « il faut posséder un esprit d'hiver ».
On est donc dans un huis clos. Holly et sa fille sont bloquées dans la maison, isolées de tout par la tempête de neige et ce jour de Noël tout va de travers.
L'ambiance est glaciale à l'intérieur comme à l'extérieur. La mère et la fille s'agressent mutuellement sans qu'il y ait de vrais motifs de dispute. Tatty multiplie les allers et retours de la cuisine à sa chambre dans laquelle elle finit par s'enfermer. Holly avait fait installer un verrou pour que sa fille puisse avoir son intimité quand elle le voulait mais le verrou va servir pour la première fois. Comme s'il y avait un renforcement de leur éloignement l'une de l'autre et une matérialisation de rancoeur et d'opposition.
Chaque fois qu'elle redescend de sa chambre, elle a changé de tenue, alternant une robe rouge et une robe noire.
On assiste aussi au bilan qu'Holly fait de sa vie de femme et de mère. Quelque chose s'est cassé tout d'un coup, elle se regarde sans complaisance, fait le bilan de sa vie : elle est poétesse, elle a une certaine notoriété et a publié des recueils. Depuis l'arrivée de Tatty, elle n'a jamais pu écrire une ligne, toute l'inspiration s'est tarie et ce matin avec cette phrase qui revient en leitmotiv, elle sent que c'est urgent de la noter et que l'inspiration va revenir et c'est vital pour elle.
L'auteure pose des questions essentielles. Depuis son opération, Holly est-elle encore une femme car elle a été mutilée, (double mastectomie et ovariectomies à l'âge de 22 ans) et rendue incapable de procréer ? Est-elle une mère, n'ayant pas porté un bébé dans son ventre ? Y a-t-il une différence entre un enfant biologique et un enfant adopté ? Elle a peur que Tatty lui dise un jour, après une dispute, « tu n'es pas ma mère ». Je la comprends très bien je suis une mère adoptive (adoptante ?)
Elle dévoile peu à peu, au fil des tensions avec Tatty, le parcours terrible de l'adoption, car fait-on jamais le deuil de la stérilité ? À force de vouloir tout bien faire, est-ce qu'on ne fausse pas la donne ? Comme toute mère, et peut-être même encore plus, on veut faire le mieux possible pour cet enfant qui vient de si loin, mais l'enfant ne prend-il pas cela pour un excès d'exigence ? Il y a l'enfant adopté et l'enfant fantasmé…
Elle décrit très bien l'horreur des orphelinats où ils enfants ne sont pas bien traités (en Sibérie, on est carrément dans la maltraitance), les dessous de l'adoption avec l'argent à verser pour que le bébé qu'ils ont choisi lors du premier voyage survive et soit mieux traité…
Le fin est sublime, à mon avis, car je m'attendais à un clash entre la mère et la fille (encore un écho avec ma propre histoire) et c'est autre chose qui se passe qu'on n'imagine pas. Je vais donc faire une deuxième lecture de livre, orientée par la fin que je connais maintenant.
Un conseil : ne regardez sous aucun prétexte l'avant-dernière page sinon, vous allez passer à côté de ce livre qui va toucher le lecteur en fonction de sa propre histoire.
En tout cas, c'est la première fois que je lis un roman de cette auteure est j'ai bien l'intention de continuer car j'aime son écriture belle, déliée et en même temps directe, donnant parfois l'impression de recevoir un coup de poing dans le plexus, la façon dont elle entretient le suspens, l'angoisse même parfois. Elle nous entraîne avec elle, on la suit dans des méandres parfois en se demandant ce qui va arriver, et ce qui va nous arriver car j'ai eu l'impression de vivre en même temps qu'elle, probablement parce que l'adoption résonne en moi de façon parfois douloureuse.

Note : 8/10


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« Quelque chose les avait suivis depuis le Russie jusque chez eux ».

Quelque chose de plus que ce qu'ils étaient venus y chercher.
Une chose qui collera à la peau de Holly, jusqu'au dénouement.

Elle qui veut pouvoir écrire les pressentiments qui la tiraillent, les craintes et les doutes qui l'assaillent. En vain.
Holly voulait être écrivaine et composer des poèmes. Même qu'un.
Ces mots qui dansent enfouis en elle…

Elle qui pour conjurer l'hérédité maudite de la famille avait pu se débarrasser de son destin, n'avait plus ni ovaires, ni seins.
Ces maux qui dansent enfouis en elle…

Elle l'a connue toute petite à l'orphelinat Pokrovka n°2, Tatiana.
Elle aimait tellement son visage et ses cheveux « Raiponce Noir de Jais ».

Avec Eric, pour la ramener, ils ont dépensé sans compter.
Quinze ans, elle a escorté le temps qui passe, sans trébucher.

De concert, le jour de Noël et le blizzard sont arrivés et tout a chaviré comme un cancer.
Certains jours sont si longs qu'on en oublie le temps, peuplés de regards de haine et de combats de sang.

Esprit d'hiver n'est pas un roman de saison, pas un livre de printemps.
Il y fait froid dehors et angoissant dedans.
En mai, je fais ce qu'il me plait et pendant que ma tisane infuse, les phrases de Laura Kasischke bâties de miel diffusent leur fiel à la manière d'une Joyce Carol Oates, proche de la démence sans la violence.

Certains raisonnements sont répétitions jusqu'à l'incantation, certaines idées sont envoutantes jusqu'à l'obsession. Chaque page se tourne dans le tourment d'affronter le pire avec tout de même l'espoir de vivre l'apaisement après la tension, éprouvante parfois.
Dommage que la conclusion se fasse trop attendre.

Comme Holly, j'ai voulu « griffonner quelque chose de cet instant sur un bout de papier avant de perdre les mots. »

Ravi d'avoir tronçonné l'anxiété que dégage ce roman en lecture commune avec Fuyating, Labullederealita et Gonewiththegreen.



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Aidez-moi ! Je ne parviens pas à sortir de ce blizzard qui hante mon esprit, de ce brouillard trouble, tellement glauque, dans lequel Laura Kasischke m'a plongée. Mon coeur bat trop vite, mon esprit flotte, la présence de mon mari à mes côtés me semble tellement ... solide, face à ce que je viens de lire.

Ce roman étrange, à la lisière de la folie, du surnaturel, de la mort, flirte allègrement avec le sentiment de culpabilité que ressent Holly, dans l'esprit de laquelle nous sommes prisonniers.
Et pourtant c'est Noël ! C'est le matin de Noël et elle devrait déjà être en train de préparer le repas pour ses invités (la famille de son mari, et des amis, des vrais, et des moins vrais). Mais à son réveil, « quelque chose » pèse sur elle, un sentiment étrange, qu'elle devrait absolument libérer dans un poème, elle, la poétesse qui n'arrive plus à écrire depuis des années.
Pas moyen de s'en défaire, pourtant, et le départ de son mari pour l'aéroport où il doit cueillir ses parents ne fera qu'accentuer ce sentiment de malaise diffus.
Ce n'est pas sa fille qui l'en délivrera, sa fille de 15 ans, « Raiponce Noir de jais », comme elle l'avait surnommée à l'orphelinat russe lorsqu'ils étaient venus l'adopter un Noël lointain.
Ce n'est pas non plus ses souvenirs d'enfance, lugubres.

Obsédée par la sourde rumeur de son passé, proche et lointain, Holly essaie tant bien que mal de passer cette journée, hantée par sa fille, harcelée par ces fautes qu'elle aurait pu commettre, qu'elle a commises tout au long de sa vie, et particulièrement celle à l'orphelinat sinistre.
Au dehors, la tempête de neige a tout envahi.
Au-dedans aussi...

Et moi, pour me sortir de cet esprit d'hiver, je regarde par la fenêtre, et je vois les arbres fleurir.
Eux seuls, finalement, vont m'aider à m'extirper de cette histoire. Belle, sombre, fantomatique.

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Esprit d'hiver comme un souffle glacial qui vient tout droit de Sibérie, comme un doute qui s'insère au plus profond de nous pour ne plus nous lâcher, comme un fantôme omniprésent qui insuffle la peur à chaque seconde.

Esprit d'hiver... Comme le savoir-faire, le savoir-écrire brillant de Laura Kasischke qui, sous des couverts de douceur, de tendresse, de calme, sait générer la puissance d'une force inconnue, dévastatrice qui sème le chaos dans nos vies.

Laura Kasischke, c'est une valeur sûre pour moi. de Rêves de garçons à A Suspicions River, en passant par La vie devant ses yeux, elle a su rejoindre ma soif d'aventure, de mystère et mon côté torturé.

Ses histoires commencent toujours bien. Elle finissent rarement de la même manière. Pour mon plus grand bonheur. Non que le malheur me rende heureuse. Mais parce que rien ne laisse présager ce qui va advenir. le suspense est haletant, jusqu'à la dernière ligne. Et ma foi, j'aime ça.

Ici, dans Esprit d'hiver, la vie de famille de Holly s'écoule paisiblement avant ce jour de Noël glaçant qui éloigne son mari et ses invités pour nous plonger dans un huis-clos terrifiant en compagnie de sa fille adoptive Tatiana.

Un thriller psychologique très réussi que je vous conseille pour les longues soirées d'hiver sous la neige.... ou les longues soirées d'été sur votre balcon.
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Le problème d'Esprit d'hiver, c'est que le suspense nous pousse à lire à toute vitesse, alors qu'il faudrait lire tranquillement et consciencieusement pour découvrir tous les indices semés par Laura Kasischke. Autrement dit, le problème d'Esprit d'hiver, c'est qu'il est à la fois prenant et intelligent... Un bon livre, quoi !

Difficile pourtant de créer du suspense à partir d'une histoire aussi simple : une mère et sa fille adoptive coincées chez elles le jour de Noël par la neige, qui préparent le repas pour leurs invités et s'accrochent, encore et encore... Mais les descriptions de ces discussions anodines qui dégénèrent entre une adolescente et sa mère sont tellement justes, de même que les sentiments de rejet de la mère ou ses flots de souvenirs sur la période de l'adoption.

Voilà pour le début... Puis, peu à peu, on remarque que quelque chose cloche et on cherche quoi ; phénomène fantastique, maladie mentale, irruption d'un nouveau personnage ? Impossible de deviner la fin de ce thriller psychologique tant l'auteure nous embrouille avec ses allusions et ses fausses pistes, événements bizarres ou apparitions insolites. le tout écrit dans un style agréable et simple, tout à fait conforme à cette journée de Noël agréable et simple...

Esprti d'hiver ? Esprit de Noël ? Je suis en tout cas bien contente de ne pas avoir passé la journée avec Holly et Tatty...
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Ce roman a un défaut : sa fin. Son twist devinable qui a la mauvaise idée de (presque) tout rationaliser. Ah bon? Alors c'est pour ça que la gamine passe son temps à changer de robe? Son twist qui fait basculer le livre du côté des thrillers convenus et des psychopathes exotiques alors qu'il s'agit d'une exploration minutieuse de la perversité qui nous occupe presque toutes, mes chères soeurs : la maternité.
Car la maternité, sous nos cieux cléments, est devenue la grande névrose de notre temps : choisi, voulu, désiré, exalté, l'enfant nous occupe comme jamais.
Alors déjà l'héroïne s'appelle Holly: « Holly Mother », autant dire la sainte Vierge, la Mater Dolorosa dans toute sa splendeur (l'histoire se déroule le matin de Noël). Une femme qui ne s'appartient plus. Qui regarde son enfant en récapitulant à chaque seconde ce qu'elle a fait et ce qu'elle doit dire pour coller aux admonestations définitivement intériorisées des Régine Pernoud locales (bonjour la charge mentale). Une femme confite en dévotion aveuglée par l'amour. Une femme stérile incapable d'enfanter et d'écrire (et que ce livre soit aussi une réflexion sur la difficulté à écrire et à produire une oeuvre n'est pas le moindre de ses charmes) dont l'enfant est aussi l'occupation qui justifie l'absence d'inspiration.
Mais Noël ne renvoie pas seulement à la nativité. C'est aussi la fête commerciale par laquelle on achète l'affection de ses enfants : les cadeaux hors de prix non encore déballés, au papier luxueux tout droit venu de Russie. Éric et Holly ont acheté leur bébé dans un orphelinat soviétique. Mais l'adoption n'est, à mon avis, pas le propos du livre de Kasischke. J'y vois d'abord comme un rappel de notre incapacité à aimer et au rôle que prend l'argent, sommé, si j'ose dire, d'exprimer l'intensité de nos émotions. L'enfant, même né du ventre de celle qui l'élève, est un objet de luxe, un passeport social, un marqueur de réussite. Mais surtout il est notre visa pour l'égoïsme : être un bon parent nous exonère d'aimer le genre humain. Tout pour mon enfant, tant pis pour le reste du monde.
Aveugles, pathétiques, exaltées, acrimonieuses et égoïstes : tel est le portrait des mères (occidentales) de ce faux thriller.
Si « Anna Karénine » ou « Belle du seigneur » sont les livres de l'amour fou, qui nous montrent la passion comme une aventure aussi mortifère que grisante, « Esprit d'hiver » est le roman de l'amour maternel dans toutes ses dimensions de bonheur et de déréliction et, pas plus que Tolstoï ou Cohen, Kasischke la moraliste ne peut combattre de sa lucidité l'attachement viscéral que nous portons à nos enfants.
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« Esprit es-tu là ?
Si oui, frappe trois fois ! »
Voilà le point de départ d'un jeu auquel je jouais enfant avec des amis. Quand j'y repense, c'était très bête, mais nous nous amusions à nous faire peur avec pas grand-chose. Juste notre imagination et le plaisir d'être ensemble et de frissonner à peu de frais.

Quand Holly se réveille en ce matin de Noël, elle éprouve une étrange sensation. "Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux."
???
Étrange.
Énigmatique.
Et pour que ça le reste, je ne vous dévoilerai rien ! Ceux qui me suivent ici savent à quel point j'ai horreur des "critiques" qui vous racontent toute l'histoire.
Je vais seulement vous donner quelques éléments qui vous permettront de vous faire une idée, et de décider si, oui ou non, vous avez envie de plonger à votre tour dans cet esprit d'hiver.

Laura Kasischke nous offre un huis clos diablement bien construit, simple en apparence, mais terriblement efficace.
Une histoire originale et très addictive. Sitôt commencée, on n'a pas envie de lâcher cette lecture, comme un film prenant qu'il ne nous viendrait pas à l'idée d'interrompre.
On veut savoir !
On pressent que quelque chose se passe, va se passer, ou s'est passé, mais on ne sait pas du tout de quoi il peut s'agir.
Un malaise indéfinissable plane sur l'histoire. Malaise qui peut aller jusqu'à mettre le lecteur mal à l'aise, justement.

Esprit d'hiver est une lecture troublante.
Dès le départ, l'auteur installe une tension, et celle-ci va croissant au fur et à mesure que l'histoire avance. C'est fait avec peu d'éléments, et drôlement bien concocté.
Le choix du jour de Noël n'est pas innocent, et exacerbe le malaise ambiant. Mère et fille enfermées dans une maison isolée par la neige : tout est en place pour faire frémir le lecteur.
Le mystère s'épaissit au fil des pages, et vous ne comprendrez tout qu'à la fin ; je vous ai prévenus : c'est très bien construit.

Cet esprit d'hiver est diabolique ; on est loin, très loin de "Jingle Bells" et de l'esprit de Noël !
À plusieurs reprises j'ai levé les yeux de mon livre pour regarder le jardin à travers la fenêtre, pour avoir devant moi un paysage normal et rassurant.

Voilà !
Si vous êtes tentés, venez à votre tour découvrir cet esprit d'hiver. Vous lirez un texte singulier et aurez droit en prime à une jolie réflexion sur l'adolescence et sur l'adoption.

« Esprit es-tu là ?
Si oui, frappe trois fois ! »
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Nous voici fin octobre, bientôt Halloween, et puis on pourra commencer à penser à cette période tant attendue de Noël, qui angoisse certaines âmes sensibles paniquant à l'idée de devoir feindre la joie et la bonne humeur alors qu'elles auraient plutôt envie d'hiberner, roulées en boule dans un coin en attendant que ça passe, mais qui en enchantent d'autres, toutes heureuses de retrouver leur âme d'enfant en même temps que le cortège de réjouissances chaleureuses : le repas en famille et/ou avec les amis les plus proches, la dinde, le sapin, les cadeaux déballés auprès du feu dans la cheminée, tout un petit monde serré bien au chaud pendant qu'au dehors le Père Noël soigne ses engelures sur son traîneau made-in-Laponia.
L'histoire ne le dit pas, mais voilà sans doute la vision du bonheur simple qu'avait Holly avant de se réveiller en retard le jour de Noël. Parce dès qu'elle ouvre les yeux ce matin-là, cette mère de famille de la classe moyenne américaine a un mauvais pressentiment : « quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux ». La Russie, pays d'origine de Tatiana, leur fille adoptive, que Holly et son mari sont allés chercher treize ans plus tôt dans un orphelinat sibérien tout ce qu'il y a de plus sinistre. Sinistre, mais aussi maléfique, s'il faut en croire le monologue mental de Holly, qui, tout en essayant de rattraper le retard pris dans la préparation du repas de Noël, ressasse en boucle tous les événements étranges qui se sont produits depuis l'arrivée de Tatiana. Et d'ailleurs, où est-elle, Tatiana ? Dort-elle encore ? Est-elle fâchée de ne pas avoir pu ouvrir ses cadeaux dès l'aube ? Pourquoi est-elle tour à tour apathique, agressive, méprisante, hystérique ? Est-ce seulement parce qu'elle est une ado de 15 ans ? Ou est-ce parce que « quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux » ? Ce leitmotiv ponctue le récit de cette matinée angoissante et enferme la mère et la fille dans un dialogue de sourdes en même temps que le blizzard les enferme dans leur maison, les isolant du monde extérieur, coinçant Eric, le mari de Holly, sur la route de l'aéroport où il est parti chercher ses parents.
Dans ce huis-clos causé par la tempête, à moins que ce ne soit par cet « esprit d'hiver » malsain, la tension monte en même temps que la neige s'accumule, partant d'un incident banal pour aboutir à la révélation d'un drame terrible. de flash-backs en questionnements intérieurs, du pur bonheur d'être enfin mère au sentiment complexe de culpabilité d'en être une mauvaise, Holly est constamment sur le fil, et le lecteur aussi, qui hésite entre thriller psychologique et conte macabre façon E. A. Poe. Et c'est là que j'ai trouvé ce roman un peu décevant. le suspense s'installe lentement au fil des introspections de Holly et des attitudes étranges de Tatiana, et même si c'est parfois laborieux, ça reste assez efficace, et donc je m'attendais à autre chose, je ne sais pas quoi exactement, mais autre chose que cette conclusion, certes glaçante, mais presque trop rationnelle. Tout ça pour ça, en somme.
Heureusement, ce soir c'est Halloween. Gare aux esprits d'automne ?!

Lien : http://www.voyagesaufildespa..
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