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Anne Wicke (Traducteur)
EAN : 9782072922503
368 pages
Gallimard (21/03/2024)
3.51/5   391 notes
Résumé :
Diana vient d'atteindre la quarantaine.
Elle a apparemment tout pour être heureuse : un mari professeur de philosophie, une jolie petite fille et une belle maison. Elle est cette mère de famille américaine typique qui accompagne les sorties scolaires de sa fille, qui cuisine admirablement et enseigne le dessin à mi-temps. Pourtant le passé - et l'événement traumatisant qui en est au cœur - ne cesse de la hanter, par bouffées, et ces flashes sont autant de rup... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (60) Voir plus Ajouter une critique
3,51

sur 391 notes
Au vu des interprétations diverses et variées que j'ai lu avec attention et intérêt, voici celle que je propose :
La clé du récit nous est donnée à la fin, lorsque la scène de la tuerie qui ouvre le livre est reprise et développée.
Ainsi, au moment où Mickael Patrick approche le canon de sa tempe, menaçant de la tuer, Diana regarde dans le miroir et s'y voit, vingt-ans plus tard, « qui conduit un monospace gris métallisé et qui roule vers la quarantaine, une petite fille bien sanglée sur le siège à côté d'elle. Sur le pare-choc du véhicule qui s'éloigne, elle voit un autocollant. Qui proclame CHOISISSEZ LA VIE. »
C'est à partir de cette projection, de cette vision dans le miroir de ce à quoi pourrait ressembler son existence si elle demeurait vivante que Diana fait ce choix terrible, poussé par la terreur de la mort et le désir instinctif de survie, de demander à l'assassin de tuer son amie, et de l'épargner elle.
Mickael Patrick lui tire malgré tout dessus : « le premier coup de feu fait tomber du ciel une pluie tiède sur les bras de Diana. le second enfonce le reflet d'un bijou dans le lobe temporal gauche de son cerveau », et l'épilogue qui suit s'ouvre avec Diana à l'hôpital : « L'hôpital tout entier bourdonnait comme une longue robe blanche autour d'elle. (…) Un homme lui appuyait sur la poitrine. Une femme lui respirait dans la bouche ». Diana n'est donc pas morte sur le coup. Il n'est pas dit si elle survit à ses blessures ; la scène hallucinée qui suit fait penser tout autant à un cortège célébrant la vie, avec les fleurs, le printemps, qu'à un cortège funèbre, son corps dans un char suivi par la foule. Libre au lecteur de choisir si, lorsque Diana descend du char et regarde autour d'elle, à la toute fin, cela signifie qu'elle est morte, passée « de l'autre côté », ou au contraire qu'elle s'éveille de sa torpeur, de sa transe, et revient à la vie.
Ce qui importe, c'est le parti pris de l'auteure, qui constitue toute la richesse et l'originalité du livre : celui de prendre le contrepied d'une croyance populaire, celle qui dit qu'au moment de rendre son dernier souffle, on verrait la vie devant ses yeux, la vie dans le sens du passé, de ce qui est derrière nous ; ici Kasischke nous propose une lecture nouvelle, dans laquelle le personnage principal, aux portes de la mort, voit défiler sa vie, non pas passée, mais à-venir : un futur imaginé, le sien, si elle demeurait en vie.
Voilà la clé qui nous est donc donnée par la vision dans le miroir, cette projection de celle qu'elle pourrait être bien plus tard, cette mère épanouie dans un monospace.
Tout l'effort du livre, et toute la virtuosité de l'auteure est de tromper le lecteur : en effet Kasischke nous rend cette vie imaginée réelle, tangible (et ce par la finesse et la précision de ses descriptions). Mais l'auteure dissémine cependant des indices la fantasmagorie : ainsi le récit qui concerne la Diana de quarante ans est au passé, parce qu'il est déjà perdu avant même d'avoir existé, tandis que le récit des deux adolescentes, bel et bien vécu par le personnage, est écrit au présent - même s'il s'agit en réalité d'un passé proche : ce qu'était leurs vies juste avant que n'arrive le jour fatidique de la tragédie. Si Diana nous peint le tableau d'une vie parfaite qu'elle semble mener, cette vie d'une femme de quarante ans est presque exclusivement composée de tous les éléments qui jalonnent son univers d'adolescente, introjectés dans ce futur rêvé.
Il en va du professeur McFee qu'elle a vu lors une conférence et qui serait son mari, avec la citation qu'il donne et qu'elle note pendant la conférence sur un bout de papier, et dont elle imagine que, à quarante ans, elle la ferait graver sur un verre pour son anniversaire (d'ailleurs la fameuse conférence à laquelle il est si fier d'aller, lui raconte-t-il dans ce futur imaginé, a bel et bien lieu lorsque Diana a dix-sept ans, puisque elle s'y rend avec son amie Maureen). La petite fille blonde à lunette qui tombe à la sortie de l'école, dont on apprend à la fin qu'elle était une camarade de Diana, et que cette dernière ne s'était pas arrêtée pour l'aider à se relever (dans ce futur fantasmé, Diana essaie de réparer ses mauvais actes du passé, puisque cette fois-ci elle chercher à lui porter secours, tout comme elle essaie de réparer son avortement, en s'imaginant mère à quarante ans, et donnant comme prénom à sa fille celui qu'elle a vu sur la tombe d'un enfant, celui qui est aussi un de ses prénom fétiches, lorsqu'elle en dresse la liste avec Maureen). D'autre part, la fille qui se baigne dans la piscine des voisins fait écho à la fois à une fille du lycée de Diana, fumeuse de joint, et aussi à une scène que Diana vécu avec Maureen, lorsqu'elles se sont baignées en cachette dans la piscine de leur voisin, un après-midi d'été. de même le facteur de son adolescence, ou encore cette femme qui la renverse lorsqu'elle traverse la route, cette femme dont le pare-choc de la voiture laisse apparaître un autocollant proclamant CHOISISSEZ LA VIE (leitmotiv déformé de la vision du miroir, qui montre bien que la vie de Diana à quarante ans prend sa source dans du fictif construit par Diana à dix-sept ans).
A la fin, lors de la séquence à l'hôpital, Diana voit un corbeau se poser sur le rebord de la fenêtre ; ce corbeau m'a fait penser au personnage de soeur Béatrice, qui a toujours l'air d'avoir de grandes ailes noires. En voyant cet oiseau sur le rebord de la fenêtre, Diana, entre la vie et la mort, et sous l'emprise des médicaments, déforme le réel et part dans l'imaginaire, et cet oiseau devient l'une des nombreuses pièces qui viennent construire le puzzle qu'elle imagine et que l'auteure nous sert tout au long du récit.
Rongée par la culpabilité d'avoir demandé au tueur de l'épargner, d'avoir donc sacrifiée son amie, la vie parfaite projetée par Diana ne pourrait être qu'hantée par le souvenir de sa trahison, et la mort de son amie reviendrait se manifester sous diverses formes, divers motifs, comme ce fameux chat revenant, semblable à Timmy, mort depuis longtemps, ou encore la résurgence de l'éléphant Ella au zoo, autrefois empoisonné par des adolescents (et sa mort causée par des jeunes symbolise encore le sentiment de Diana d'être responsable de la mort de son amie) ; cet éléphant attaché c'est Maureen qui semble la considérer, « le regard empli de souffrance et d'espoir », et Diana lui parle « Comment aurais-je pu t'oublier ? ».
Toute la séquence du zoo, qui vient clore le récit de la Diana de quarante ans, avec les animaux et le lien à l'enfance, dessine, dans sa dimension archaïque, une régression métaphorique reconduisant le lecteur à la source, au moment fatidique dans les toilettes. La scène du loup apparaît comme une retraduction de ce qui s'est passé avec le tueur, une sorte de projection fantasmée où cette fois-ci Diana ferait le bon choix, celui qui la laverait de sa culpabilité et lui donnerait le pardon : sacrifier sa vie pour sauver celle de sa moitié, qui dans la projection qui est représentée sous la forme de sa fille Emma, la chair de sa chair, qui dans le réel est incarnée par Maureen. Ce moment de bravoure face à la menace du danger vient s'inscrire comme une forme de réparation psychique, une déformation du réel, qui permet à Diana de partir (ou renaître ?) en paix.
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Un petit avis, dissonant dans le concert de louanges du roman de Kasischke « La vie devant ces yeux ». Ca commence avec un tueur fou dans un établissement scolaire, le cinglé propose un deal horrible à Diana et à sa meilleure amie.
Diana, on la retrouve une vingtaine d'années plus tard, une vie parfaite, mariée, enfant, belle maison, épanouie. En apparence seulement, car le tableau n'est pas aussi idyllique, Diana vit dans le remord. Ou bien la folie, va savoir.
Et c'est bien là qu'est le problème pour moi. Ou est la vraie vie ou sont les cauchemars?
Kasischke nous ballade à la lisière des deux, et pour ma part m'a très vite semée. Jamais rentrée dedans, même avec un GPS pas sur que je m'y retrouve. Alors forcement la déception est grande, d'autant que Laura Kasischke ne m'avait jamais déçu jusque là et que son talent n'est plus à prouver. On a tous droit un des moments de moins bien.
A noter que l'adaptation ciné m'a autant convaincu que le roman, c'est dire. Quand ça ne veut pas !!!
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Kasischke aime brouiller les pistes et susciter le malaise chez ses lecteurs. Ici plus qu'ailleurs, peut-être ! Et la gêne que j'ai ressentie pendant toute ma lecture s'est transformée en confusion dans les derniers chapitres, au point que je ne suis pas sûre d'avoir tout compris et tout bien interprété.

Pourtant, j'ai apprécié ma lecture et admiré son talent de raconter des vies qui déraillent... Plus qu'ailleurs, dans ses autres romans, peut-être !

Ici, c'est Diana qu'on suit, d'abord l'adolescente confrontée à un événement traumatisant, puis la mère de famille modèle qu'elle est devenue. Sauf qu'il y a quelque chose qui cloche, dans la narration comme dans le vie de Diana... et qu'il faudra 400 pages pour comprendre de quoi il s'agit.

400 pages qui alternent monotonie, culpabilité, exaltation, angoisse, tendresse, coïncidences délirantes ou réminiscences tragiques, sans oublier l'amour et l'amitié. La vie, ou peut-être son condensé...

Challenge Multi-Défis 21/52
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Diana et Maureen, 17 ans chacune, sont amies et fréquentent le même lycée.
Un jour, une tuerie (une de + aux U.S.A) éclate provoquée par un de leurs condisciples qui tue bon nombre d'étudiants. Diana et Maureen qui se trouvent dans les toilettes se font surprendre par le tueur qui leur pose une question folle : "laquelle de vous deux dois-je tuer"? Maureen répond qu'il doit la tuer elle mais laisser la vie sauve à son amie ; Diana, au contraire lui répond de tuer son amie et de lui laisser la vie sauve. Ceci était le prologue.

Nous retrouvons ensuite Diana, la quarantaine, mariée et mère d'une petite Emma de 8 ans. S'ensuivent alors une série de fantasmagories où Diana semble de plus en plus perturbée ... Remords ? Entre souvenirs, rêves et projections dans le futur, le livre nous entraîne dans un suspense à couper le souffle. La résolution de cette énigme apparaîtra dans toute son énormité au dernier chapître qui reprend en grande partie le prologue mais nous éclaire également sur ce qui s'est réellement passé 25 ans auparavant.

Le tout est servi par l'écriture poétique et fortement allégorique de Laura Kasischke et la fin est bouleversante et renversante.

Un livre que j'ai lu d'une traite sans pouvoir le lâcher tant l'intrigue est bien menée.

Je regrette toutefois d'avoir parcouru certaines critiques auparavant car certains (certaines) lecteurs (lectrices) ont éventé la solution et m'ont gâché le plaisir du suspense ; j'ai immédiatement cessé de lire la suite de ces critiques mais trop tard, le mal était fait et je supputais quelle serait la fin.

Je vous en prie, par égard pour les autres lecteurs et par respect pour le livre, évitez de spoiler, surtout dans une histoire comme celle-ci où le suspense est un élément capital.
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Ca ressemble à du David Lynch...Surtout Mulholland Drive.
D'abord, Il faut qu'on parle de Kevin, enfin, Michael, un de ces petits Américains qui se réveillent un matin avec l'idée de faire un carnage au lycée. Une tradition locale, on dirait. Bref, dans les toilettes des filles, il tombe sur les mignonnes Maureen et Diana et leur demande laquelle il doit tuer. Bon. le choix est fait. On retrouve ensuite la survivante vingt ans plus tard, dans une vie chèrement payée, de conte de fée Desperate Housewives : mari sexy intello, fille blonde poupée, trop poupée dès le départ. C'est la première qui fait peur...
Puis tout semble se détraquer, des motifs reviennent, les oiseaux, les chats, les facteurs, les gens ...Le passé et le présent semblent se confondre, et le texte se referme sur lui-même, comme une gigantesque mise en abîme.
Il faut ajouter à cela une remarquable réflexion sur l'adolescence et son illusion de l'immortalité, que Laura Kasischke distingue bien de l'enfance, un autre monde.
L'ensemble est très réussi, merveilleusement écrit. Mais, une fois n'est pas coutume, je préfère au texte le film qui m'a obsédée pendant la lecture, donc, Mulholland drive. Plongée dans le coma, belle à mourir.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Elle était trop jeune pour la ménopause. Mais quelque chose, se disait-elle, était en train de changer, qui avait à voir avec son corps comme avec sa tête.
Est-ce que c'était ce qui se passait quand on atteignait la quarantaine ?
Une accumulation d'expériences et de choses qui se bousculaient vers vous ?
Est-ce que le passé se mettait à saigner dans le présent, comme si le passé était fait de serviettes rouges qu'on laverait à l'eau chaude avec des draps blancs ?
Hantée.
Son corps. Son esprit. Son quartier. Sa ville.
Cela faisait bien longtemps qu'elle occupait tous ces lieux.
Elle avait fait des choses qu'elle regrettait.
Elle revit la vie qu'elle avait vécue, l'accumulation des détails, comme une énorme roue qui dévalerait une colline et foncerait sur elle.
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Ce mot. Un mot qu'elle n'avait ni entendu ni utilisé depuis des années, mais qui, avant, lui disait quelque chose. Lui disait quelque chose d'elle.

Elle porta la main à son front, qu'elle sentit brûlant.
Le lycée.
Depuis l'époque du lycée, elle ne se souciait plus du tout si on la traitait ou non de pute. Au lycée, ce mot était la pire insulte qu'une fille pouvait recevoir, et ce mot était partout. [...] - et ce mot lui était vraiment associé, il était lié à son corps et à ses courbes, à ses rêves et à ses désirs... Quelque chose qui avait à voir avec son essence même, avec l'essence sexuelle de qui elle était en train de devenir - une créature physique, avec ses cinq sens en éveil, mise à nu, exhibée, et condamnée.
[...]
Pute.
Miraculeusement, soudain, le mot avait disparu. Ce mot ne voulait plus rien dire du tout. Et puis elle s'était mariée.
Et maintenant... Maintenant, c'était presque un compliment, se rendit-elle compte, avec un demi-sourire.
Une femme de quarante ans, en survêtement gris, derrière sa pimpante maison de bois, qui venait juste d'aller conduire sa fille à l'école, qui avait laver la vaisselle du petit déjeuner, avec le capot de son véhicule encore chaud dans le garage...
Une maman d'élève, que quelqu'un avait pris le temps de traiter de pute.
Elle ne rit pas vraiment, mais sourit quand même.
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En tournant au coin de la maison pour aller vers son mari, Diana remarqua que les pâquerettes qu'elle avait plantées des années plus tôt, sur le côté ensoleillé de la galerie, explosaient déjà en touffes de fleurs dans la chaleurs tiède, répandant une odeur de salade moisie et se disséminant comme…comme quoi ? Comme le cancer ? Elle s'arrêta pour les regarder. Qu'est-ce qui pourrait bien, se demanda-t-elle, lui faire ainsi soudain penser au cancer et lui faire trouver suffocante l'odeur terreuse de ces pâquerettes
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Diana avait rapporté le corps de Timmy dans une boîte en carton de chez le vétérinaire, et Paul l'avait enterré dans le jardin, derrière la maison. Et, bien qu'ils aient décidé que ce serait trop traumatisant pour Emma de regarder pendant qu'on enfouirait son chat adoré dans un trou creusé dans la terre, ils lui avaient montré où se trouvait la tombe, et Diana et elle avaient planté là des violettes bleu pâle. Les fleurs avaient des petits visages humains et semblaient tendre sans peur leur cou vers le monde, pleines de bonne humeur, joliment épanouies sur leurs fines tiges vertes, nourries du corps en décomposition de Timmy.
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D'une étape à une autre, jusqu' à la quarantaine, on avait l'impression qu'une vie se terminait et qu'une autre prenait sa place. La puberté, la maturation, l'accouplement, le mariage, la grossesse, le bébé... et puis, après, toutes ses étapes se fondaient en un tout sans variété. La routine.La quarantaine. Comme un fleuve dans lequel on ne cessait de plonger le pied, pour découvrir qu'il ne changeait jamais.

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