J'avais déjà repéré ce roman à ma médiathèque il y a plusieurs mois grâce au titre intrigant et à la très jolie couverture, aussi ai-je été plus qu'enchantée quand BouQuiNeTTe a dévoilé la destination du mois d'octobre pour le chalenge Virée littéraire européenne : l'Estonie (car oui, l'auteur de ce roman est estonien !!^^)... Là, je n'avais plus d'excuses pour en différer la lecture, n'est-il pas ? Celle-ci a d'ailleurs été un véritable enchantement. Et une surprise très agréable !
Leeme, le narrateur de l'histoire, est le dernier homme à savoir la langue des serpents. Et le dernier homme de la forêt, après avoir été le dernier homme de sa famille. Bref, il est le témoin de la disparition d'une culture remplacée par une autre importée par des étrangers, et il nous raconte son histoire.
L'intrigue prend donc place dans un monde médiéval ré-inventé, où le merveilleux et le fantastique s'invitent sans aucune fausse note.
Deux mondes s'affrontent alors : le village et la forêt, incarnant la modernité et les traditions, le christianisme et le paganisme.
Leeme se retrouve coincé entre les gardiens fanatiques de ces deux camps irréconciliables : enfant, son père a quitté la forêt pour s'installer au village et profiter du progrès ; à sa mort, toute sa famille est retournée vivre dans la forêt mais Leeme est considéré comme un traître de villageois par Tambet, qui vit arc-bouté sur les cultes anciens et les vieilles traditions.
L'auteur fait preuve d'un humour irrésistible pour dénoncer le fanatisme et l'obscurantisme qui frappent certains représentants des deux communautés, la palme de la méchanceté revenant à Tambet et Ülgas
Le Sage (qui n'est en fait qu'un charlatan se servant du respect aveugle dû aux coutumes pour asseoir son statut mas dont tout le monde, lui y compris, a oublié la signification exacte).
Mais le village chrétien n'est guère épargné par les critiques, et ses habitants apparaissent comme des benêts influençables, attirés par tout ce qui vient de l'étranger et convaincus des bienfaits du changement sans jamais en remettre en cause le bienfondé.
L'auteur nous invite à un conte plein de drôlerie et de poésie, habité par un bestiaire savoureux, et où les bêtes apparaissent parfois plus sages que les humains... J'ai adoré le meilleur ami de Leeme, la vipère royale prénommée Ints dont la langue bien pendue et les considérations pragmatiques nous valent quelques fous rires, la jeune et touchante Hiie, brimée par son père mais adulée par le pou géant élevé par les deux anthropopithèques Pirre et Rääk qui ne rêvent que de vivre toujours plus proche de la nature en régressant aux premiers temps des hommes, et tant d'autres personnages attachants. Par contre, au fur et à mesure de l'histoire, le ton se fait de plus en plus cruel, pour finir sur une note désenchantée !
Pour conclure, une lecture délicieuse qui nous offre de beaux passages à l'humour complètement déjanté, bien que le rire se fige progressivement au rythme des déboires et des malheurs endurés par Leeme. Une excellente découverte donc que je recommande chaudement...
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