AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Petr Král (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070423002
379 pages
Gallimard (30/06/2002)
4/5   8 notes
Résumé :
Avec ce volume anthologique, la collection Poésie/Gallimard poursuit son exploration, au présent, des grandes poésies du monde. Il prend place dans cette immense « chambre d'échos » qui peu à peu se constitue, qui peu à peu met en résonance les paroles et les chants de partout. Les poètes tchèques présents dans ce livre montrent que les grands auteurs comme Holan, Halas, Seifert, Kan Skacel ne sont pas des phénomènes isolés, mais simplement les plus hauts points d'u... >Voir plus
Que lire après Anthologie de la poésie tchèque contemporaine 1945-2000Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Ce livre, édité chez Gallimard, présente une bonne anthologie de la poésie tchèque contemporaine, réalisée par Petr Kral, qui est lui-même, un poète.
Il a choisi, et aussi traduit, les poèmes qu'il a jugés être les plus représentatifs de cette période de 1945 à 2000.
Petr Kral nous précise que la poésie tchèque expérimentale des années 60, est absente de ce livre, car trop complexe à bien restituer par la traduction.
Nous voici rassurés quant à la qualité des textes qu'il nous a rassemblés dans cet ouvrage !

Dans cette période contemporaine, la poésie tchèque est riche d'une grande diversité d'auteurs et de thèmes.
Deux qualités essentielles semblent émaner de ces poètes contemporains :
-le refus d'être dupe, refus d'être le simple otage d'une politique décidée ailleurs,
-et une volonté d'aller plus loin, quitte à dépasser les limites de toute beauté convenue.

Cette poésie est un univers mystérieux et familier à la fois, mélange d'éléments campagnards et urbains, où les choses et les êtres sont comme des fruits qui ont lentement mûris. Lentement, parce que le parcours de ces poètes a été semé d'embûches, d'abord avec la domination allemande, le stalinisme des années 50, suite à l'arrivée au pouvoir des communistes en 1948, et la « Normalisation » qui a suivi le Printemps de Prague de 1968, qui a duré des décennies, jusqu'à la chute du mur de Berlin, et la Révolution de Velours en Tchécoslovaquie, en 1989.

Ces événements et les contraintes qui en ont découlé (censure, intimidations, exils), ont à la fois ralenti et gêné la création poétique, mais aussi l'ont gonflée d'une charge émotionnelle.
Le statisme qui a été imposé à ces poètes par le régime communiste, a été la cause de leur longue descente en eux-mêmes, parfois si accrue que certains de leurs poèmes ont des thèmes funèbres :
vieillissement, temps qui passe, mort… « couverts d'une boue de paroles/jusqu'au cou dans un bonheur pouilleux/ils se dressaient près de la tombe », « le temps crachotera », « le mort frétille de joie », « il va tomber en poussière/les vers avaleront leur salive » (Extraits de « Grand bien leur fasse » - Frantisek Halas (1901-1949).

Ces poètes ont fait l'expérience d'un espace fermé, mais un espace qu'ils ont réussi à ouvrir largement. En rejoignant l'underground, ils ont en même temps agi en tant qu'opposants au régime.
Les textes de ces poèmes ne prennent tout leur sens que sur le fond de cette situation.

Certains poèmes sont de l'ordre de la réflexion métaphysique et débordent d'excès, comme ceux du baroque Vladimir Holan (1905-1980) : « Chaleur, enflée jusqu'au ciel par une hyperbole de vessie de porc…/Tout se bombe, ou bien se courbe…/Le savant qui a aveuglé le nécrophore/le surveille et s'étonne/qu'il ait quand même retrouvé la charogne »
et de Ivan Divis (1924-1999) : « Ton sourire : agrafe de métal doré impossible à ouvrir même avec une clé d'air » (Extrait de « Psaume 88 »).

Les poètes tchèques contemporains se font l'écho d'un monde disparu assez humain, et d'un monde absurde où la société baigne dans la déchéance, là-même où ils se débattent.
Avec leurs poèmes, ils vont à la rencontre de l'invisible, de l'au-delà des apparences, des absences…

Jaroslav Seifert (1901-1986) est certainement l'un des poètes les plus connus et récompensés, de cette période contemporaine.
Il a obtenu le prix Nobel de littérature en 1984 pour sa poésie fraîche et sensuelle.
Il apparaît comme un doux nostalgique. Ses poèmes en témoignent : « Pour ces yeux et ce regard, enfin/dont une madone m'a ébloui/ Et auxquels, depuis, je rêve encore/ ânonnant des vers attendris. » (Extrait de « Petite chanson de nuit » 1956).

Certains poèmes, de Frantisek Hrubin (1910-1971), et de Jan Zahradnicek (1905-1960), ou encore de Jaroslav Seifert, sont lyriques, traditionnels et intimistes. « Nous tremblions alors que les futurs arbres centenaires/plongeaient en nous leurs racines/tendres comme du crachin ;/en nous, qui n'étions plus là depuis longtemps. » -Extrait de « Un jour après le coucher du soleil » Frantisek Hrubin

Chez Ivan Wernisch (né en 1942), la poésie a des accents surréalistes : « Quand les coeurs sont les atouts/le boucher les fait claquer/contre le marbre sanglant/Lorsque les piques servent d'atouts/les cochons mangent les coeurs/Lorsque les carreaux deviennent atouts/tout bourdonne partout » (Extrait de « Les atouts »).

Chez Ivan Blatny (1919-1990), la poésie a la mémoire campagnarde : « Ces affreux après-midi de dimanche aux beuglements /d'orphéon ! /Aux beuglements d'orphéon à l'enterrement dans quelque banlieue/Au cortège funèbre en marge de la campagne alors/qu'il patauge dans le purin » (Extrait de « Dimanche après-midi »).

La poésie de Vratislav Effenberger (1923-1986) est d'un imaginaire anti-lyrique et démystificateur :
« Quand il fait nuit et que les toits sont brûlants/nous sommes alors vieux plus vieux que les tonneaux/remplis de chaux/qui se sont précipités pour accueillir la lune froide/cependant la sagesse dont ils renferment le secret/se dresse contre le ciel vide/comme la fin de la journée » (Poème
« L'échelle »).

Les poèmes de Petr Kral (1941-2020), (le traducteur des poèmes de cette anthologie), sont eux, qualifiés de « réalisme total » :
« le lointain Texas bien sûr ricane d'autant mieux/que je m'acharne à fouiller dans ses poches délavées/l'église endormie tire la langue du parvis/au pressing d'en face/puis rien Quant au prolétariat seul un parfum de vanille/risque d'exploser encore dans son désert » (Extrait de « Lundi, changer de trottoir » -1975-).

Dès l'occupation allemande, se crée un collectif d'artistes fondé en 1942, qui avait trouvé ses racines dans les années 1938-39. Les activités de ce groupe avaient été interdites en 1948 par le totalitarisme communiste. Les poètes du « Groupe 42 » (Ivan Blatny (1919-1990), Josef Kainar (1917-1971), Jiri Kolar (1914-2002), élaborent une poétique métaphysique désenchantée et noire :
« j'avais semé le blé de ma joie/dans votre sol musclé/et qu'ai-je récolté ?/Une poignée de mots durs/de viande avariée et de cheveux brûlés/Que de mots/ébranlant les chambres à coucher/dans les maisons crématoires de novembre » (Extrait de « le 13 mars » -1948- Jiri Kolar)

Cette poésie contemporaine est un univers riche. Riche de ses manques et de ses limites, qui a engendré chez ces poètes, une recherche d'intériorité et d'intimité.
Mais cette intimité et cette intériorité, n'ont rien d'un douillet retrait !

Une poésie « souterraine » apparaît chez les néo-surréalistes, dont font partie Jan Hanc (1916-1963), et Oldrich Wenzl (1921-1969) : « J'allumais des soleils/Que personne ne voyait/Des pantins se sont mis à osciller/Pour mon plaisir/Pourtant à quoi bon/Ca ne me rapporte rien/Je ne fais qu'user mon corps/Ce qui est l'essentiel » (Extrait de « Sur tout le monde sauf sur moi-même » - Oldrich Wenzl)

Le postmodernisme tchèque et l'underground ont parfois pris des formes extrêmes, aux accents et propos de blagues de bistro. Ils peuvent apparaître comme singuliers, à nos yeux d'occidentaux.
Ces poètes cherchent à rattacher leur expression à leur expérience vécue. Ils recherchent l'authenticité avant tout.
Avec la suppression de la « Normalisation », à la suite de la chute du mur de Berlin, pour les plus jeunes auteurs de poésie, la réalité est différente. Petr Hruska et Petr Motyl (nés en 1964), (pour ne citer qu'eux) tracent de nouveaux chemins. Leur quotidien n'est plus fantôme, ils l'humanisent par leurs trouvailles. Leurs textes sont remplis d'un réalisme cru. Et leurs poèmes font déjà figure de dépassement. Un dépassement opposé à la simple acceptation des choses, car ils prennent leur revanche sur un passé encore proche :
« dépôts de café de nuit/dents cassées brutalement/phares de camions bâches jaunes/direction frontière pneus contre l'asphalte/comme contre la peau du monde/bâches jaunes/marchandise de sang »
(Poème « Marchandise » - Petr Motyl)

Ainsi, après les longues années de censure, la poésie tchèque reste bien vivante. Cette poésie, c'est aussi celle d'un pays où rien n'a jamais été vraiment donné et acquis, pas plus les richesses de la nature que la chance d'une vie dans l'indépendance. Ne l'oublions pas !

Cette anthologie rassemble 68 poètes et 328 poèmes. C'est dire si cet ouvrage foisonne de textes et d'auteurs ! Pour ma part, il n'a pas été aisé de faire des choix, au vu de ce copieux éventail, mais j'ai essayé de faire ressortir ce que j'ai considéré comme étant le plus représentatif.
A vous maintenant de découvrir tout le contenu de cette belle anthologie !
Commenter  J’apprécie          2114
A la poésie étrangère, il est vrai que je préfère la poésie de langue française. Il ne s'agit pas d'ouverture d'esprit, simplement, il est difficile il me semble de rendre compte d'un poème, de ses sonorités, ses subtilités, dans une traduction. Toutefois j'ai feuilleté par hasard ce livre dans ma librairie et, contre ma réticence, j'ai tout de suite accroché ! Une préface présente les renaissances de la poésie tchèque et les auteurs qui nous sont en grande partie inconnus nous sont présentés également. Cette anthologie est très complète, souvent noire, désespérée mais splendide.
Commenter  J’apprécie          70

Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
Le train sifflait hâtif sur la terre labourée
les traverses en dessous craquaient

Le béton détruisait les champs cultivés
le temps n’en finissait pas et torturait les vivants

Tous ceux qui étaient dans ce train
savaient la même chose

Leur conscience se cachait derrière le journal
des mites crépitaient dans leurs rides

La porte coulissante s’est ouverte
et quelqu’un exigeait quelque chose de moi

J’ai entendu le déclic d’un objet précis
qui circulait dans un espace délimité

Je regardais avec rage par la fenêtre
impatient de voir le pays inconnu

La ville inconnue les êtres inconnus
qui bientôt ne seront plus

Je regardais avec rage par la fenêtre
impatient de me voir moi-même

Un inconnu en moi inconnu
qui bientôt ne serai plus

PSAUME 25 – Ivan Divis (1924-1999)
Commenter  J’apprécie          210
Sa robe était d’automne
et d’automne ses cheveux
d’automne ses yeux

Sa bouche était d’automne
et d’automne ses seins
d’automne ses songes

Sa vie était d’automne
et d’automne son giron
d’automne son sourire

Son goût était d’automne
et d’automne sa tendresse
d’automne son angoisse

Toute d’automne elle était
tel un poème de Toussaint

František Halas (1901-1949)
Commenter  J’apprécie          330
Je vais le soir

Je vais j’avance le soir dans une ville étrangère
les paumes largement dépliées
j’aspire l’haleine des acacias
m’incline devant les portails des maisons étrangères
le crépuscule m’accompagne dans la ville étrangère
en prenant une teinte verte
les yeux s’assombrissent le cœur bientôt s’arrête
au comptoir d’un snack
je vais j’avance le soir dans une ville étrangère
m’assieds dans un bureau de change sentimental
devant la glace en or du snack
un petit bossu rajuste son chapeau et sa cravate
tandis qu’un soldat déjà enlace la taille
d’une jeune fille large
je vais j’avance le soir dans une ville étrangère
des fleurs de soie sur les boulevards
des rêves à jamais sans terme
renforcent l’étrangeté des portes fermées
Commenter  J’apprécie          90
Les cours de danse avaient commencé
Je ne m’étais pas inscrit
Les messes de mai avaient commencé
J’avais fini de faire l’enfant de chœur
La saison de chasse avait commencé
J’ai voulu me brûler la cervelle
J’avais arrêté de fumer

Et tiens les poètes se sont fâchés

« Le Tort de faire mal » - Oldrich Wenzl - 1966
Commenter  J’apprécie          162
Concerto de Bach

Le matin, je n’ai jamais dormi longtemps;
les tramways me réveillaient
et aussi mes propres vers.
Me tirant du lit par les cheveux,
ils me traînaient jusqu’à la chaise
et m’obligeaient à écrire
dès que j’avais fini de me frotter les yeux.

Relié par une douce salive
aux lèvres du singulier instant,
je ne pensais point
au salut de mon âme misérable;
plutôt qu’un bien-être éternel,
je désirais un bref moment
d’éphémère plaisir.

En vain les cloches me soulevaient du sol;
j’y adhérais de mes dents, de mes ongles.
Il était plein de parfums
et de provocants secrets.
Quand, la nuit, je regardais le ciel,
ce n’est pas le ciel que je cherchais.
Je m,effrayais plutôt de trous noirs
béant quelque part au fond du cosmos
et plus effrayant encore
que l’enfer lui-même.

Mais j’ai pu entendre des sons de clavecin.
C’était un concerto
de Johann Sebastian Bach
pour hautbois, clavecin et instruments à cordes
D’où venait-il? Je l’ignore.
Mais ce n’était pas du sol.
Même si je n’avais pas, alors, bu de vin,
je titubais légèrement
et dus me cramponner
à ma propre ombre.

(Jaroslav Seifert)
Commenter  J’apprécie          40

Videos de Petr Král (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Petr Král
Avec Arthur H, Rim Battal, Seyhmus Dagtekin, Maud Joiret, Sophie Loizeau, Guillaume Marie, Emmanuel Moses, Anne Mulpas, Suzanne Rault-Balet, Milène Tournier, Pierre Vinclair & les musiciens Mathias Bourre (piano) et Gaël Ascal (contrebasse) Soirée présentée par Jean-Yves Reuzeau & Alexandre Bord
Cette anthologie reflète la vitalité impressionnante de la poésie francophone contemporaine. Quatre générations partagent des textes pour la plupart inédits. La plus jeune a 17 ans, les plus âgés sont nonagénaires. Ils sont ainsi 94 à croiser leurs poèmes sur la thématique du désir, un mot aussi simple que subversif.

ADONIS – ARTHURH – Olivier Barbarant – Linda MARIA BAROS Joël BASTARD – Rim BATTAL – Claude BEAUSOLEIL – Tahar BEN JELLOUN – Zoé BESMOND DESENNEVILLE – Zéno BIANU – Carole BIJOU – Alexandre BONNET-TERRILE – Alain BORER – Katia BOUCHOUEVA – Julien BOUTREUX – Nicole BROSSARD – Tom BURON – Tristan Cabral – CALI – Rémi Checchetto – William CLIFF – François de CORNIÈRE – Cécile COULON – Charlélie COUTURE – Laetitia CUVELIER – Seyhmus DAGTEKIN – Jacques DARRAS – Michel DEGUY – Chloé DELAUME – René Depestre – Thomas DESLOGIS – Ariane DREYFUS – Renaud EGO – Michèle FINCK – Brigitte FONTAINE – Albane GELLÉ – Guy GOFFETTE – Cécile GUIVARCH – Cécile A. HOLDBAN – Philippe JAFFEUX – Maud JOIRET – Charles JULIET – Vénus KHOURY-GHATA – Anise KOLTZ – Petr KrÁL – Abdellatif LAÂBI – Hélène LANSCOTTE – Jean LEBOËL – Yvon LE MEN – Perrine LEQUERREC – Jérôme LEROY – Hervé LETELLIER – Sophie LOIZEAU – Lisette LOMBé – Mathias MALZIEU – Guillaume MARIE – Sophie MARTIN – Jean-Yves MASSON – Edouard J.MAUNICK –
+ Lire la suite
autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (23) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1226 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}