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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je fais rarement les choses dans le bon ordre (et ceci m'est parfois assez préjudiciable, notamment dans le domaine de la cuisine, mais bon, passons...) : en effet, j'ai commencé à lire les essais de Milan Kundera concernant la littérature en commençant par son troisième recueil, le Rideau, puis j'ai enchaîné sur son second, Les Testaments trahis, et me voilà désormais aux prises avec son premier, L'Art du roman. (Je me rassure en me disant que j'ai encore une chance de toucher le quarté dans le désordre avec Une Rencontre...)

Ce premier recueil regroupe donc sept écrits, soit sept parties, de nature et de taille différentes, s'étalant de l'interview au dictionnaire, en passant par le discours, l'essai ou l'analyse d'ouvrages. le livre s'organise ainsi en un ensemble de points et de contre-points (notion qui est d'ailleurs largement présentée dans l'ouvrage) ayant pour dénominateur commun la définition, l'exégèse presque, qu'a Milan Kundera de l'art romanesque. En soi, on ne peut pas dire que le titre est mal choisi, bien au contraire.

Personnellement, du fait que l'ouvrage n'était pas conçu, dès le départ, comme un tout homogène, mais qu'il s'est constitué pièce à pièce, brique à brique au cours du temps, je le trouve moins abouti, moins percutant, plus confus, plus disparate que ses essais ultérieurs sur le même sujet, si je le compare aux Testaments trahis et au Rideau qui m'ont laissé l'un et l'autre une impression d'ensemble plus pregnante.

Néanmoins, Kundera reste Kundera, et quand il s'empare d'un sujet, ça n'est jamais pour le survoler ni pour en dire quoi que ce soit d'intéressant ni de valable. La première et la dernière partie, notamment, m'ont véritablement ravie.

L'auteur s'y interroge et s'y positionne sur ce qu'est, par nature, le roman, et sur ce qui, par nature, ne peut être exploré QUE par le roman. Les invariants sont :

1) un regard distancié et ironique, qui est tout sauf de l'histoire, de la politique, de la psychologie ou de la science, qui n'est pas un discours de vérité au sens où on l'entend habituellement, mais une fiction révélatrice (ce que Proust a baptisé une " paire de lunettes " destinée à voir le monde d'une certaine façon).

2) une forme en prose, c'est-à-dire radicalement différente de la poésie, radicalement différente en ce sens que c'est une forme qui repose et qui fait intervenir des personnages, c'est-à-dire des " moi fantasmés ", des " moi fictifs " de l'auteur, ayant pour fonction d'explorer un thème, une potentialité de l'existence.

3) l'auteur ne doit pas avoir une vision trop précise ni trop arrêtée de ce que sera cette exploration exercée par ses personnages, il doit laisser la porte ouverte à ce qui est présent en lui mais dont il n'est pas conscient lui-même, il doit sans cesse être sensible et écouter la " sagesse du roman " qui en sait toujours beaucoup plus que lui ne peut l'envisager sur le thème en question.

Ce que j'ai moins aimé dans cet ensemble qu'est L'Art du roman, par rapport à ses autres essais du même type, c'est qu'il s'y appesantit davantage sur ses propres écrits. Ça, en soi, ça ne me dérangerait pas en tant que tel, mais ce qui me dérange, c'est qu'il m'a semblé qu'il essayait de se justifier, ou de nous expliquer comment il fallait comprendre tel ou tel passage de ses livres. Là, moi, ça me dérange, car j'aime bien voir ou comprendre ce que j'ai envie dans les livres. Pour moi, un écrit doit se défendre tout seul, sans aide ni intervention de l'auteur (ni de personne d'ailleurs, c'est une relation intime entre une émanation d'un auteur et un lecteur donné).

La partie qui m'a la moins intéressée a été la cinquième, dédiée à Kafka. Je n'y ai pas appris grand chose et, surtout lorsque je la compare avec ce qu'il en dira plus tard dans Les Testaments trahis, je la trouve assez légère, voire faible. Toutefois, ma vision aurait peut-être été différente si j'avais lu d'abord ce livre avant celui qui vient, chronologiquement, après, n'est-ce pas ?

(Vous voyez, quand je vous dis que ça me porte parfois préjudice... Néanmoins, comme je l'ai explicité au paragraphe précédent, pour moi, un écrit doit savoir se défendre tout seul, s'il perd tout ou partie de son intérêt en en ayant découvert un autre préalablement, c'est qu'il n'était pas si intéressant que cela, en soi.)

En somme, bonne impression d'ensemble, des choses très pertinentes et intéressantes de soulevées ici ou là sur différentes questions, mais un petit quelque chose qui me manque pour être totalement séduite. Je vous abandonne en vous révélant que selon mes conceptions de L'Art de la critique, celle-ci ne représente que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Contrairement à ce que pourrait laisser entendre son titre, ce livre n'a pas l'ambition de présenter une conception objective de l'art romanesque, mais plutôt de rassembler quelques textes (sept) où Kundera présente son sentiment bien personnel sur la littérature et sur sa propre personne en tant qu'écrivain : « le monde des théories n'est pas le mien. Ces réflexions sont celles d'un praticien. » (7)).
Concrètement, on y retrouve des réflexions sur certains écrivains, Kafka et Broch particulièrement, ainsi que sur sa démarche d'écrivain proprement dite, de même que l'expositions d'un lexique de concepts qui lui sont chers et d'un discours fait à l'occasion de la réception du prix Jérusalem en 1985.
Pour Kundera, un écrivain digne de ce nom doit s'inscrire quelque part parmi ceux qui le précèdent. Une simple répétition d'une forme déjà existante serait une superfluité complètement inepte. Pour compter, ou pour mériter de compter, il faut ouvrir une possibilité originale qui soit construite à partir d'une connaissance intime des grands maîtres. C'est pourquoi, tout au long de l'ouvrage, les références aux grands noms de la littérature occidentale qui l'ont influencé sont constantes. Si sa réflexion ne se veut pas objective, elle n'est donc pas non plus une pure affirmation subjective, mais plutôt une position existentielle assumant sa différence personnelle.
L'ensemble se lit très facilement et constitue une stimulation à l'écriture et à la lecture qui est toutefois empoisonnée par l'argumentation élégamment éloquente que fait l'auteur à propos de la mort de l'Europe ainsi que du sens de la littérature européenne.
Pour prendre le passage le plus directement explicite à ce sujet, Kundera écrit dans son lexique à propos de l'Europe:
"Au Moyen Âge, l'unité européenne reposait sur la religion commune. À l'époque des Temps modernes, elle céda la place à la culture (art, littérature, philosophie) qui devint la réalisation des valeurs suprêmes par lesquelles les Européens se reconnaissaient, se définissaient, s'identifiaient. Or, aujourd'hui, la culture cède à son tour la place. Mais à quoi et à qui? Quel est le domaine où se réaliseront des valeurs suprêmes susceptibles d'unir l'Europe? Les exploits techniques? le marché? La politique avec l'idéal de démocratie, avec le principe de tolérance? Mais cette tolérance, si elle ne protège plus aucune création riche ni aucune pensée forte, ne devient-elle pas vide et inutile? Ou bien peut-on comprendre la démission de la culture comme une sorte de délivrance à laquelle il faut s'abandonner avec euphorie? Je n'en sais rien. Je crois seulement savoir que la culture a déjà cédé la place. Ainsi l'image de l'industrie européenne s'éloigne dans le passé. Européen: celui qui a la nostalgie de l'Europe."(150-151)
Ha! C'est si vrai! Elle est si triste notre actualité! Si médiocre! Ce grouillement continuel où s'étale l'inculture et la mécréance sans queue ni tête, sans cause ni fin, par simple frénésie désespérée d'une vitalité bestiale. Je suis tellement européen, tellement nostalgique de l'Europe!
Et c'est aussi tellement formidable de trouver parfois quelques autres âmes qui soient aussi (mélancoliquement ou non) éprises des splendeurs passéistes! La douleur c'est quelque chose de bien réel, avec son poids bien à elle, sa quantité propre, sa mesure exacte et lorsqu'on la partage, elle se réparti sur plusieurs supports jusqu'à devenir supportable, maîtrisable et enfin, guérissable. La présence d'un autre qui soit différent de l'actualité, n'est-ce pas déjà l'ouverture d'un futur à l'horizon de l'Europe? Qu'en pensez-vous?
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C'est un texte dense sur la vision du roman et du romancier de Milan Kundera.
Je ne connais pas son oeuvre. J'ai lu sa biographie sur Internet. D'origine tchèque, il a été naturalisé français au débuts des années 80. Il a obtenu plusieurs prix dont le prix de Jérusalem évoqué en fin de recueil.
Pour Milan Kundera, l'écriture est liée à l'histoire du monde. C'est une aventure, un rêve, un infini, une continuité, malgré la censure. le romancier écrit sur le moi , par l'action puis, dans la vie intérieure. Il y a la forme, le fond et la norme. Milan Kundera précise ses propos en convoquant d'autres écrivains tels que Cervantès, Kafka, Gombrowicz et Dostoïevski.
Le texte est divisé en sept chapitres dont deux sont consacrés à des entretiens avec Christian Salmon, écrivain et chercheur français. Lors de ces entretiens, Milan Kundera fait surgir son amour de la musique. Pour lui, le roman est sa propre musique. Il n'y a pas de frontière.
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Ce recueil d'essais de Milan Kundera est à la portée du lecteur indifférent à la théorie littéraire, mais curieux de voir comment un romancier envisage sa propre pratique, et surtout comment il lit les autres auteurs. Rien n'est plus précieux que les lectures de Kundera, que ses critiques informées, vues de l'intérieur du métier de romancier, à la façon dont Proust écrivait les textes de son "Contre Sainte-Beuve".
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Je suis parfaitement incapable de résumer ou de tirer les substantifiques moëlles de ce texte. Ou plutôt de ces textes, qui composent avec brio cet Art du roman.
Qui me réconcilie avec Kundera.
Alors, je vais me contenter d'indiquer quelques éléments qui ont résonné pour moi. Ou comment je les ai tronqués avec une subjectivité propre (ou impropre ou sale ou...).
L'Europe devrait être fier d'être insaisissable, complexe, mouvant et pourtant une entité.
Le rire est si riche.
Israël est le coeur de l'Europe.
l'identité est une pure blague.
L'anonymat ou le pseudonymat éviterait bien des écueils et des egos et des recherches biographiques qui tuent le roman.
Le roman c'est tout sauf de l'autobiographie.
Arrêtez d'écrire pour écrire. Pollution.
Relire Kafka.
Jacques le Fataliste est un énorme livre. (Tellement.)
Le roman, en réalité c'est pure créativité et jamais mort. Il est mort souvent, paraît-il. Ce qui n'a aucun sens.
Non mais sérieusement, vous continuez à lire cette critique ?
Allez vous-en ! Moi j'm'arrête : je dois commander La vie et les opinions de Tristram Shandy.
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Dans un essai en sept parties (comme la plupart de ses romans), Kundera se propose d'expliquer sa propre vision de l'univers romanesque.
Dans une première partie, Kundera revisite les sources - ses sources - du roman européen et montre que tout commence avec le Don Quichotte de Cervantès puis l'évolution continue, passant par Richardson ou Sterne, et bien sûr ses maîtres ès ambiguïtés, Kafka ou Broch. Après l'aventure exploitée et interrogée par Cervantès, l'étude les sentiments intérieurs initiée par Richardson, viennent les questions sur l'homme dans L Histoire avec Balzac, l'exploration du quotidien avec Flaubert, le sondage de "l'insaisissable du temps passé "avec Proust puis du temps présent avec Joyce...

Pour Kundera, "le roman est l'oeuvre de l'Europe". Il a survécu à tous les mouvements avec son esprit de complexité - "les choses sont plus compliquées que tu ne le penses" dit-il au lecteur - et de continuité car "chaque roman est une réponse aux oeuvres précédentes."

La deuxième partie reprend un entretien avec Christian Salmon dans lequel Kundera développe son approche de l'univers kafkaïen, explique comment le roman peut s'insérer dans L Histoire humaine avec quelques principes, citant au passage ses propres oeuvres.

Suit une analyse issue des notes que Kundera avait prises lors de sa lecture éclairée des Somnambules de Broch et qui exploite plusieurs "possibilités" dans la composition d'un roman.

Un second entretien sur "l'art de la composition" montre comment le roman peut aussi avoir des analogies avec la musique.

La cinquième partie est consacrée à Kafka et notamment au fameux K. Dans le Procès où "le châtiment cherche sa faute" à l'opposé du Raskolnikov de Dostoievski dans Crime et Châtiment, où "la faute cherche le châtiment." K. ne se révolte pas contre une autorité mais cherche plutôt son existence. C'est là toute l'ambiguité de Kafka, son univers particulier, c'est "l'horrible du comique".

La sixième partie moins évidente à lire provient de l'interrogation de l'auteur sur les diverses traductions de ses oeuvres et propose 71 mots-clés.

Enfin l'ouvrage finit sur le discours prononcé par l'auteur lors de sa remise du Prix Jérusalem, qui, de façon plus succincte encore, explicite ses choix romanesques, qu' il conclut par cette phrase superbe :

"J'étais en train d'oublier que Dieu rit quand il me voit penser."

Voilà donc un ouvrage aux multiples facettes dans lequel Kundera fait à la fois preuve de culture et de pédagogie. A la lecture, on n'a qu'une envie : relire Kafka et lire les romans de l'auteur et notamment ceux du début.
Et, pour les plus hardis, pourquoi pas, composer un roman!
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En partant de sa propre expérience d'écrivain, Milan Kundera nous livre dans « L'art du roman » sa conception de l'univers romanesque. En sept parties (chiffre cher à l'auteur), l'auteur dévoile ses analyses par rapport à ses habitudes d'écrivain : retour sur les sources du roman, extraits d'entretiens avec Christian Salmon, retour sur son analyse du roman « Les somnambules » de Broch et réflexions autour de l'univers kafkaïen avec lequel il se découvre des points communs (sur les effets du communisme entre autre)… L'ensemble est très riche et adopte également un ton pédagogique.
En bref, c'est intéressant et agréable à lire alors autant ne pas s'en priver !
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Pour l'avoir lu et annoté en 1987, j'avais conservé de cet essai un excellent souvenir. La chute du mur de Berlin était encore inimaginable, mais l'Europe centrale exerçait déjà une forte attraction sur nous autres, de ce côté-ci du mur. Plus de trois décennies plus tard, mon impression générale est moins forte, mais je retrouve avec plaisir dans ce livre des pépites qui m'avaient souvent éclairé et autrefois enchanté.

Ce recueil de sept textes issus de conférences ou d'articles tente de définir, comme son titre l'indique, l'art du roman. Il justifie le recours au roman comme la nécessité de nous protéger contre "l'oubli de l'être". Sans romans, nous vivrions sans réfléchir à notre condition "d'être au monde".

La fin du XXe siècle, époque de l'extension irrépressible de la mondialisation (terme dont l'usage ne se répandra qu'à partir de 1995 et d'internet), fait que "nous sommes de plus en plus déterminés de l'extérieur", de sorte que nous nous ressemblons de plus en plus les uns aux autres. Ainsi "dans l'euphorie de leur vie uniforme, les gens ne voient plus l'uniforme qu'ils portent".

Dans le chapitre consacré à l'art de la composition, Milan Kundera, fait un rapprochement entre l'écriture d'un roman et celle d'une pièce musicale (polyphonie, couleur, rythme, variations, ...). Il y avance la définition suivante : "Le roman est une méditation sur l'existence vue au travers de personnages imaginaires" et "là où le roman se contente de raconter une histoire, il devient plat". Hélas, combien de fois n'avons-nous pas rencontré cette assertion ?

Les références à Kafka sont nombreuses. L'une d'elles garde toute son acuité : "Les États totalitaires [...] ont mis en évidence les rapports étroits entre les romans de Kafka et la vie réelle. Mais si en Occident on ne sait pas voir ce lien, [...] c'est parce que l'on perd ici, fatalement, le sens du réel."

Tout lecteur de roman trouvera dans cet essai de nombreuses justifications si jamais il avait à se défendre de sa saine addiction et, en prime, matière à réflexion sur l'objet même de ses lectures.
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On pourrait résumer par : "Kundera Backstage".

« le monde des théories n'est pas le mien. Ces réflexions sont celles d'un praticien. » (premier essai)

Ces quelques essais sur l'art romanesque sont autant de fenêtres sur l'art de Kundera, sur sa conception de l'écriture, de l'Europe, de la guerre, de la vie et de comment tout cela peut influencer le travail d'un auteur... et d'un lecteur.
Car l'on comprend au vu des nombreuses références classiques et contemporaines, que Milan Kundera est certes producteur mais avant tout un amoureux des livres et des mots.
On en apprend beaucoup sur sa motivation et sur ce qu'il cherche à transmettre à travers ses livres.

Une bonne lecture pour découvrir le travail de Kundera.
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Le roman recit devenement fictif racontant l'aventure d'un ou de plusieurs personnage.ainsi,ils'evalue en fonction desservices quil rend a lhomme.ce pendant il semble y avoir une certaine contradiction par rapport aux services qu'un romandoit rendre.si les uns pensent qu'il doit etre un passe temps aussi bien pourlelecteur que pourl'ecrivain.d'autre par contre le considere comme une lecon de morale afin d'eveiller la conscience des generations presentes et future.c'est dans cette optique meme k je me pose la question si le roman n'est pas uniquement une lecon de conduite pour la generation presente
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