Psy malgré moi, tome 1

28 août

Mon père, qui est très débrouillard, a empilé une bonne partie de nos meubles sur le toit de la voiture. Quand je vois notre reflet dans les vitrines des boutiques de l’avenue Mont-Royal, j’ai l’impression qu’on roule avec la tour Eiffel sur le capot. Tous les passants et les automobilistes se retournent sur notre passage. Fred, mon petit frère de trois ans, et moi tenons la seule courroie qui maintient nos objets en équilibre sur le toit ! Papa nous a dit d’espérer qu’on ne se fasse pas prendre par la police, parce qu’on n’a pas le droit de déménager comme ça. Alors, pendant que ma famille fait la gueule, moi, j’espère.

Ma mère, le visage gris, baboune en mangeant sa énième barre Mars. Elle se serait fait une fondue au chocolat si ça avait été possible. Ma mère passe sa vie claquemurée dans son monde rempli de petits fours, de lasagnes, de canapés et de barres Mars. En résumé, elle mange ses émotions pour fuir le mauvais souvenir. En fait, toute ma famille est dans sa bulle pour fuir le mauvais souvenir.

Fred murmure en continu des bips-bips. Il pense de cette manière entrer en communication avec des extraterrestres. S’il n’arrête pas, c’est avec ma main qu’il va entrer en communication. Il m’énerve ! Papa, lui, fixe la route en faisant des calculs mentaux pour l’antenne cosmique qu’il est en train de concevoir. De temps en temps, il lâche un « oui » sonore. Ma mère lui jette alors son regard de saint-bernard dépressif, lève les yeux au ciel et retourne à sa mastication. Côté ambiance familiale, on repassera !

Moi aussi, si je pouvais, je me réfugierais dans mon monde. Mais dès que je ferme les yeux, je revois les mêmes images : Nadia qui tombe dans les pommes pendant qu’on se dispute pour une niaiserie, les gros tuyaux reliés au moniteur cardiaque et le trou dans la terre. Rendue là, je m’ébroue. Pas question de me laisser envahir par des idées noires. Je me dépêche de penser au fait qu’on change d’univers pour le mieux. On quitte la campagne. Ciao, notre bungalow à Saint-Marc-sur-Richelieu. Adieu, les maringouins qui nous font ressembler à des passoires. Fini les kilomètres de vélo pour aller acheter du lait au dépanneur.

Bienvenue à Montréal avec ses cinémas pleins de nouveautés, ses boutiques qui vendent des vêtements à la mode. Je pense aussi aux nouveaux amis que je me ferai. Peut-être qu’un beau gars, sosie de Justin Timberlake, m’attend à la polyvalente Saint-Antoine ? Moi, j’espère. Je suis un monstre d’espoir. Il n’y a pas plus positive que moi à l’est de Papineau. Après la pluie, le gazon pousse !

Après plusieurs minutes de panique aiguë, je remarque le mémo sur le mur, à côté de la porte : Le directeur attend tous les élèves à l’amphithéâtre pour le discours de bienvenue. Vite, à l’amphi ! Je cours comme une débile, sans savoir où je vais. Je dévale les cinq étages, je traverse la cafétéria déserte. Je vais voir dans le hall d’entrée, reviens sur mes pas. C’est alors que j’aperçois trois filles devant la pastorale, qui fument des cigarettes en cachette. On dirait trois clones blondes, hyper maquillées, portant des minijupes au ras du pompon et des talons hauts.

— Salut ! Je suis nouvelle, et perdue ! Pouvez-vous me dire où est l’amphithéâtre, s'il vous plaît ?

Les trois filles me jettent un regard dédaigneux. Elles continuent leur conversation remplie de rouge à lèvres.

— Excusez-moi, je suis vraiment perdue… Pouvez-vous m’aider ?

La plus grande des trois me regarde. Après un long silence, elle me répond, un sourire en coin…

— Tu vois la porte là-bas, eh ben, c’est là.

Je la remercie et je cours vers la porte que je trouve très petite pour une porte d’amphithéâtre. À mon ancienne poly, un immense panneau annonçait l’amphi, mais ici rien, pas d’indication. Peut-être que les écoles en ville sont ainsi faites ? J’ouvre. C’est très sombre. Je grimpe quelques marches et j’avance à tâtons. Je touche du velours, ça doit être les rideaux. J’approche sûrement, d’autant plus que j’entends une voix, et je tire sur le rideau de velours et… oh, oh ! J’aboutis sur la scène, en face de centaines d’étudiants qui me regardent comme si j’étais une extraterrestre, et en plein milieu du discours du directeur. J’aurais dû me méfier de la grande blonde.

— Il faut être bien armé pour le futur, car la vie est parfois un dur combat… Euh… Tiens, une jeune fille perdue ! lance le directeur.

Tout le monde éclate de rire. Je ne sais plus où me mettre, je trébuche dans le fil du micro et je m’étale sur le sol. Ayoye ! Le directeur m’aide à me relever et fait une blague que je ne comprends pas tellement j’ai honte. Je veux me mettre des timbres dans les cheveux et m’expédier à Tombouctou !

— Tu vois la porte là-bas, eh ben, c’est là.

Je la remercie et je cours vers la porte que je trouve très petite pour une porte d’amphithéâtre. À mon ancienne poly, un immense panneau annonçait l’amphi, mais ici rien, pas d’indication. Peut-être que les écoles en ville sont ainsi faites ? J’ouvre. C’est très sombre. Je grimpe quelques marches et j’avance à tâtons. Je touche du velours, ça doit être les rideaux. J’approche sûrement, d’autant plus que j’entends une voix, et je tire sur le rideau de velours et… oh, oh ! J’aboutis sur la scène, en face de centaines d’étudiants qui me regardent comme si j’étais une extraterrestre, et en plein milieu du discours du directeur. J’aurais dû me méfier de la grande blonde.

— Il faut être bien armé pour le futur, car la vie est parfois un dur combat… Euh… Tiens, une jeune fille perdue ! lance le directeur.

Tout le monde éclate de rire. Je ne sais plus où me mettre, je trébuche dans le fil du micro et je m’étale sur le sol. Ayoye ! Le directeur m’aide à me relever et fait une blague que je ne comprends pas tellement j’ai honte. Je veux me mettre des timbres dans les cheveux et m’expédier à Tombouctou !