AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Jacques-Alain Miller (Éditeur scientifique)
EAN : 9782020495240
467 pages
Seuil (30/11/-1)
4.6/5   5 notes
Résumé :

Alcibiade a voulu subordonner Socrate à l'objet de son désir à lui, Alcibiade, qui est agalma, le bon objet. Comment ne pas reconnaître, nous analystes, ce dont il s'agit ? C'est dit en clair c'est le bon objet que Socrate a dans le ventre. Socrate n'est plus là que l'enveloppe de ce qui est l'objet du désir. C'est pour bien marquer qu'il n'est que cette enveloppe, qu'Alcibiade a voulu manifester que Socrate est, par rapport à lui, le serf du désir, que S... >Voir plus
Que lire après Le séminaire, livre VIII : Le transfertVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Encore un séminaire qui déchire sa race, et pourtant, ça parle d'amour. de fait, ça aurait pu être très con. Ça ne l'est pas.


Déjà, c'est un séminaire qui s'adresse normalement aux analystes puisqu'il est question du phénomène du transfert. La question c'est : quel doit être le désir de l'analyste au cours de la cure ? Après tout, l'analyste est d'abord un être humain et il se peut qu'il éprouve des sentiments quand on lui adresse la parole, à l'occasion. Après tout, ce n'est pas de sa faute si l'autre patient là, en face de lui, croit trouver son destin en venant le baratiner, tout ça parce qu'il voit l'analyste comme un genre de grand manitou–le sujet supposé savoir. Ça peut être flippant. Alors Jacques organise ce séminaire pour rassurer l'analyste qui, à l'occasion, peut voir l'angoisse surgir devant cette tripotée de petits chiots mendiants le sens de leur vie. Mais alors attention parce que lorsqu'on parle d'amour, certains s'emballent et dénoncent la petite trique du voisin, tout ça parce qu'ils veulent cacher la grosse poutre qui leur perfore le kilt. Alors, Jacques introduit la question en faisant un détour par le « Banquet » de Platon, histoire d'éclaircir les choses. Et sa lecture de Platon, à Lacan, ce n'est pas pour rire que je dis ça, mais c'est bandant.


Jacques nous rappelle d'abord qu'il fut un temps où Platon était bien vivant, et les personnages dans le « Banquet » sans doute aussi, au moins parce qu'ils étaient inspirés de types faits de denrées périssables comme du cervelas. Alcibiade raconte comment il s'est démené, au temps où il était aimé par Socrate, pour que celui-ci en vienne à le baiser. Aristophane a le hoquet –mais s'est-on interrogés de savoir pourquoi, sur plusieurs lignes, Platon nous parle de ce foutu hoquet, lui qui nous avait habitués à nous assommer avec des considérations hautement philosophiques sur sa république et tout le bordel ? Peut-être parce que s'il a le hoquet, l'Aristo, c'est parce qu'il s'est tordu la panse de rire pendant tout le discours de Pausanias. Et s'il rit, c'est pour une raison cruciale. Une affaire au moins aussi politique que le politique dans la république. Mais passons au personnage suivant. Alcibiade, lui, c'est le pleurnicheur, celui qui n'en a jamais assez. Il se livre à une confession publique de fort mauvais goût pour expliquer comment qu'il souffre à cause de Socrate, pas assez gentil à son goût. Et là, il faut faire intervenir une observation importante mise au jour par Jacques : dans toute relation d'amour, il y a l'aimant, et il y a l'aimé. L'aimant, il veut se faire aimer, ça c'est sûr, et il croit que se cache dans l'aimé un trésor, ce qu'il cherche depuis toujours, l'agalma. L'aimé, c'est quand même le plus noble, s'il aime quand même l'aimant, il sait qu'il n'a rien de clinquant à découvrir en grattant sous sa sale peau de phoque. Il sait aussi que l'agalma que l'autre croit voir en lui, c'est une belle arnaque. Mais lisez un peu la mythologie et revenez-en au mythe d'Achille : ce que les dieux trouvent le plus sublime, c'est de voir l'aimé se comporter à l'égard de l'aimant comme si l'aimant était l'aimé. Magnifique ! c'est un sacrifice de soi supérieur, et on imagine la joie qui inondera le petit être de l'aimant (se croyant aimé) dans une telle situation.


Bref, alors qu'Alcibiade raconte plein d'horreurs sur Socrate, vidant son sac pour mieux chier le lendemain, Socrate attend et finit par répondre : tout ça, tu ne l'as pas dit en t'adressant à moi, tu l'as dit pour draguer Agathon qui nous écoute, là, bien gentiment. Ceci dit, sans rancune, ni rien. Socrate n'en est plus au niveau des chicaneries de maternelle. Socrate n'a plus besoin d'aimer ni d'être aimé, il est presque ce saint que nous décrit plus loin Jacques, ce saint qui rayonne d'une telle plénitude (ou qui le croit, en tout cas) qu'il n'a plus besoin de s'embarrasser d'un jules. Sur le mode de l'avoir, Socrate a tout –what else ? Et sur le plan de l'être ? Alors, Socrate est le passeur.


Charon, nocher des Enfers, te faisait filer les mecs d'un bord du fleuve à l'autre, traversée non anodine, le genre de trucs qui ne se vit qu'une fois, alors il vaut mieux être là au moment où ça se produit. Socrate a fait filer Alcibiade du bord de l'angoisse au bord du désir. C'est ça le problème des fous : ils se trompent, ils se trompent tout le temps. Ils croient qu'ils veulent baiser une biche et une fois qu'elle est baisée, ils se rendent compte que c'était une loutre. Alors, ils virent la loutre, ils repartent à la chasse, ils retrouvent une belle biche piquetée d'harmonieuses taches blanches, ils la ramènent chez eux pour boire un verre et putain ! celle-ci se transforme en musaraigne. Certains peuvent aimer les musaraignes mais enfin, celui qui croit chercher une biche, il n'est généralement pas très heureux de se retrouver avec autre chose dans son lit après avoir vidé ses génitoires. C'est que le désir, ma foi, on l'a bien escamoté, caché derrière tout un tas de défenses qui ont surtout pour but de masquer un genre de vide narcissique.


Jacques ne va pas nous apprendre comment bien vivre avec sa meuf jusqu'à la fin, d'autant plus que la durée de vie est longue, et la durée de l'amour lui est inversement proportionnelle. Il va plutôt donner des petits conseils à ses copains analystes, mais n'importe qui peut en prendre de la graine. Ainsi donc, il faut devenir Socrate, celui qui s'en est allé loin de tous les désirs –les vrais, les faux, les menteurs, les hystériques et les obsessionnels-, l'être humain de quasi-marbre qui ne tombera pas dans le piège qui tue toutes les relations : donner à l'autre ce qu'on imagine qu'il attend de nous, pure illusion qu'il recevra comme un paquet d'excréments et lui, déçu, vous crachant à la gueule quand vous attendez des remerciements. Dans son rôle d'analyste, l'individu doit se montrer riche parce qu' « on ne peut aimer qu'à se faire comme n'ayant pas, même si l'on a » et « l'amour comme réponse implique le domaine du non-avoir ». C'est Platon qui a dit ça avec son personnage de Pénia (la misère), celle qui peut concevoir l'amour, et l'idée de se faire engrosser un soir de fête. le riche, lui, aurait pu refuser. C'est ça, sa richesse : celle de refuser, et d'être plein quand même. Mais si vous pensez que c'est drôle de voir les autres baiser dans un coin de buisson et n'en avoir soi-même pas envie… heureusement, on a inventé les saints depuis.


Oui, ce n'est pas toujours drôle d'être riche, Jacques en avertit ses petits confrères. Voire, ça implique une forme de deuil, et ce deuil est essentiel pour quiconque joue un instant le rôle de l'analyste. Voici l'apprentissage à faire : « Il n'y a pas d'objet qui ait plus de prix qu'un autre - c'est ici le deuil autour de quoi est centré le désir de l'analyste ». Et de faire à nouveau référence au Banquet : « Voyez, au terme du Banquet, sur qui va se porter l'éloge de Socrate - sur le con des cons, le plus con de tous, et même le seul con intégral ». Mais ce con, c'était celui qu'Alcibiade désirait, et cela en valait bien la peine.

Lien : http://colimasson.blogspot.f..
Commenter  J’apprécie          190
La psychanalyse est-elle une dialectique ? :
Lien : http://didier-moulinier.over..
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (137) Voir plus Ajouter une citation
[le discours de PAUSANIAS ou "psychologie du riche",] c'est sur le plan […] d'une acquisition, d'un profit, d'un acquérir d'une possession, que se produira la rencontre de ce couple, qui va articuler à jamais cet amour dit supérieur [destiné à s'enrichir mutuellement], cet amour qui, même quand nous aurons changé les partenaires, s'appellera pour la suite des siècles l'amour platonique.
[…] La psychologie du riche repose tout entière sur ceci, que ce dont il s'agit dans son rapport avec l'autre, c'est de la valeur.
[…] Ce dont il s’agit, c’est de la possession de l’aimé parce que c’est un bon fonds […].
Commenter  J’apprécie          110
Le deuil consiste à identifier la perte réelle, pièce à pièce, morceau par morceau, signe à signe, élément grand I à élément grand I, jusqu'à épuisement. Quand cela est fait, fini. […]
L'affaire ne commence à devenir sérieuse qu'à partir du pathologique, c’est-à-dire de la mélancolie. L'objet y est, chose curieuse, beaucoup moins saisissable pour être certainement présent, et pour déclencher des effets infiniment plus catastrophiques, puisqu'ils vont jusqu'au tarissement de ce que Freud appelle le sentiment le plus fondamental, celui qui vous attache à la vie.
[…] Quels traits se laissent-ils voir d'un objet si voilé, masqué, obscur ? […] Nous pouvons en identifier quelques-uns à travers ceux qu'il vise comme étant ses propres caractéristiques à lui. […]
Remarquez qu'il ne s'agit jamais de l'image spéculaire. Le mélancolique ne vous dit pas qu'il a mauvaise mine, ou qu'il a une sale gueule, ou qu'il est tordu, mais qu'il est le dernier des derniers, qu'il entraîne des catastrophes pour toute sa parente, etc. Dans ses accusations, il est entièrement dans le domaine du symbolique. Ajoutez-y l'avoir - il est ruiné.
[…] Il s'agit de ce que j'appellerais, non pas le deuil ni la dépression au sujet de la perte d'un objet, mais un remords d'un certain type, déclenché par un dénouement qui est de l'ordre du suicide de l'objet. Un remords donc, à propos d'un objet qui est entré à quelque titre dans le champ du désir, et qui, de son fait, ou de quelque risque qu'il a couru dans l'aventure, a disparu.
Commenter  J’apprécie          30
Du seul fait qu'il y a transfert, nous sommes impliqués dans la position d'être celui qui contient l'agalma. […]
C'est un effet légitime du transfert. Il n'est pas besoin de faire intervenir pour autant le contre-transfert, comme s'il s'agissait de quelque chose qui serait la part propre, et bien plus encore, la part fautive de l'analyste. Seulement, pour le reconnaître, il faut que l'analyste sache certaines choses. Il faut qu'il sache en particulier que le critère de sa position correcte n'est pas qu'il comprenne ou qu'il ne comprenne pas.
Il n'est pas absolument essentiel qu'il comprenne. [Ce n'est pas quand il ne comprend pas, c'est quand l'analyste cherche à comprendre que se produit le contre-transfert.] […] C'est seulement en tant, certes, qu'il sait ce que c'est que le désir, mais qu'il ne sait pas ce que ce sujet, avec lequel il est embarqué dans l'aventure analytique, désire, - qu'il est en position d'en avoir en lui, de ce désir, l'objet. [Et lorsque l'analysant comprend que l'analyste "ne sait pas vraiment, alors il le désire en fin comme désirant, c’est-à-dire qu'enfin il désire le désir.]
Commenter  J’apprécie          40
Et cet autre dont vous vous êtes occupé si mal, est-ce pour en avoir fait, comme on dit, seulement votre objet ? Plût au ciel que, ces autres, vous les eussiez traités comme des objets, dont on apprécie le poids, le goût et la substance. Vous seriez aujourd'hui moins troublés par leur mémoire. Vous leur auriez rendu justice, hommage, amour. Vous les auriez aimés au moins comme vous-mêmes, à ceci près que vous vous aimez mal. Mais ce n'est même pas le sort des mals aimés que nous avons eu en partage. Vous en aurez fait sans doute, comme on dit, des sujets - comme si c'était là la fin du respect qu'ils méritaient, respect comme on dit, de leur dignité, respect dû à vos semblables.
Je crains que cet emploi neutralisé de ce terme, nos semblables, soit bien autre chose que ce dont il s'agit dans la question de l'amour. Ces semblables, je crains que le respect que vous leur donnez aille trop vite au renvoi à leurs lubies de résistance, à leurs idées butées, à leur bêtise de naissance - à leurs oignons, quoi. Qu'ils se débrouillent.
Commenter  J’apprécie          40
Tout mythe se rapporte à l’inexplicable du réel, et il est toujours inexplicable que quoi que ce soit réponde au désir.
Commenter  J’apprécie          270

Videos de Jacques Lacan (91) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacques Lacan
Les enfances, y compris la sienne, sont au coeur de l'oeuvre si ample de Françoise Dolto.
Née en 1908 dans une famille de la grande bourgeoisie parisienne, la petite « Vava » semble avoir un destin tout tracé. On la voudrait rangée, elle dérange. Personne pour répondre à ses questions pressantes.
À huit ans, elle déclare : « Je serai médecin d'éducation. » Bientôt la violence de la guerre, les deuils, la mort de sa soeur aînée ravagent l'équilibre familial. Rejetée par sa mère, Françoise réussit néanmoins à imposer son choix et s'engage dans des études de médecine.
En deuxième année, elle s'effondre. Une psychanalyse scellera son destin.
En 1939, elle soutient sa thèse, "Psychanalyse et pédiatrie", seize cas minutieusement observés et accompagnés de dessins, qui contient déjà en germe son oeuvre future.
Pour elle, tout est langage, et ce depuis la vie prénatale.
Jacques Lacan est impressionné par son aptitude à approcher la névrose et la psychose infantiles.
Théorie et pratique, chez Françoise Dolto, vont de pair, l'une nourrissant l'autre : "Le Cas Dominique" en est la parfaite illustration. Elle ne cessera jamais de partager ses découvertes inaugurales avec son public favori : pédiatres, psychiatres, psychologues, parents et professionnels de l'éducation. Ses écrits répondent à une nécessité personnelle qui lui permet d'élaborer ses concepts fondamentaux, dont l'image inconsciente du corps sera le point d'orgue.
Parallèlement, toujours poussée par un souci de prévention, elle accepte une émission de radio grand public. Son « parler vrai », le grain de sa voix, le charme unique de ses mots font merveille. Elle est ce médecin d'éducation qu'elle rêvait d'être. Elle a changé à jamais le regard que l'on portait sur l'enfance.
Dans cette édition sont réunis les textes d'une pensée toujours vivante, en prise avec l'actualité la plus brûlante. Martine Bacherich, psychanalyste et auteure, en offre un éclairage sensible et inspiré.
"Françoise Dolto. Les voix de l'enfance", dans la collection Quarto : https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Quarto/Les-Voix-de-l-enfance
+ Lire la suite
>Philosophie et théorie>Systèmes, écoles>Systèmes psychanalitiques (329)
autres livres classés : psychanalyseVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (22) Voir plus



Quiz Voir plus

Freud et les autres...

Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?

3
4
5
6

10 questions
436 lecteurs ont répondu
Thèmes : psychologie , psychanalyse , sciences humainesCréer un quiz sur ce livre

{* *}