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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
C'est une vie ordinaire, simple, qu'on pourrait qualifier de bien banale, celle de Joseph. Ne comptez pas sur moi pour vous décrire ici un héros au sens romanesque, mais Joseph a quelque chose qui nous est attachant, il ressemble tout simplement à quelqu'un qu'on a l'impression de connaître, un membre de notre famille, un père, un grand-père, un oncle, un voisin peut-être, une silhouette qui est familière pour ceux d'entre nous qui habitons à la campagne.
Joseph est ouvrier paysan, un journalier, nous sommes dans un village reculé du Cantal. Nous apprenons à le connaître par ce récit généreux, touchant, simple et lumineux.
Ne comptez pas sur Joseph pour vous ouvrir son coeur, ce taiseux. Alors, il nous faut compter sur Marie-Hélène Lafon pour nous amener à mieux connaître cet homme qui ne fait pas de bruit dans sa vie.
Son écriture se déploie dans un seul élan, d'une seule traite, nous entraîne dans cette ferme où c'est peut-être là que Joseph va finir son métier d'ouvrier paysan, puisqu'il approche de la retraite...
On le sait bon ouvrier, il l'a toujours été, on sait que sa vie n'a pas toujours été rose, on le découvre comme cela avec les mots touchants, pudiques, attentionnés de Marie-Hélène Lafon.
Son écriture, toujours juste, est d'ailleurs voisine de l'âme de cet homme... Qu'importe les trébuchements de celui-ci, il aime les bêtes, sait leur parler, être patient avec elles, qu'importe s'il mourra seul... Quelqu'un a dit : « le bruit ne fait pas de bien, et le bien ne fait pas de bruit. » Cette formule pourrait s'appliquer à Joseph.
Dans les gestes quotidiens de Joseph, viennent des souvenirs, viennent des personnes aussi simples et discrètes que Joseph, vivantes tout d'un coup, des histoires de familles et c'est la grâce de l'écriture de Marie-Hélène Lafon de nous les rendre vivants, chaleureux, si proches de nous, comme si nous appartenions à cette terre rurale, cette terre qui se vide désormais de ses populations...
Derrière la silhouette d'un seul homme, entre ici un monde grouillant, une véritable fourmilière avec des histoires qui emplissent les yeux, cognent au ventre, la mémoire de Joseph est si époustouflante qu'elle nous offre ici, comme dans le tableau d'un peintre, une magnifique chronique rurale, pas si ordinaire que cela...
Joseph se souvient, ou plutôt Marie-Hélène Lafon nous transmet la mémoire de Joseph encore intacte, comme si elle était là, tout près de lui, à capter son souffle, ses respirations, ses souvenirs, ses mots, ses regrets, ses blessures peut-être, mais comme Joseph est taiseux, il dira peu de choses à ce sujet... Peu de choses, juste ce qu'il faut pour dire qu'il n'a pas toujours été heureux et qu'il aurait peut-être pu ne pas finir sa vie seul...
Alors Joseph pense souvent à sa mère comme nous, lorsqu'on se sent démuni, ou au bord de la nuit, ou au bord du vide... Il pense alors aux fleurs et on le comprend...
Derrière Joseph il y a un vaste paysage rural de montagne qui se vide depuis des lustres. Je ne vais pas vous chanter la chanson de Ferrat, - quoique si vous me tendez une guitare et que vous insistez je la connais presque par coeur, mais oui ici c'est à peu près cela... Marie-Hélène Lafon qui connaît bien ce pays du Cantal puisqu'elle vient de là-bas, nous dit cela aussi, à travers le paysage de Joseph, celui de son âme, de ses gestes d'ouvrier agricole qu'il connaît par coeur et qui cependant tremblent un peu le soir au bord du vertige de la nuit...
C'est un texte d'une tonalité juste, âpre, écrit à l'os. Sensible aussi. On sent les odeurs de la ferme, l'odeur de l'étable, du crottin des vaches, là où j'avais tendance à plonger les pieds dedans quand je courais enfant dans les champs, l'odeur du café le matin, l'odeur des géraniums, des foins coupés, l'odeur de la campagne...
On voudrait prendre l'homme dans nos bras, mais on se dit que cela ne passerait pas, que le bougre nous écarterait d'un revers de la main et qu'il aurait raison ou se retournerait, gêné, esquivant notre geste inapproprié. Alors, on reste là un peu pataud comme lui et l'on se retire sur la pointe des pieds, dans la lumière des mots de Marie-Hélène Lafon.
C'est alors que je me suis souvenu que justement, lorsque j'étais enfant, les vacances c'était à la ferme. Nous n'avions pas encore de voiture, alors comme nous étions deux familles voisines dans le même besoin, deux couples et dix enfants, nous avions loué pour la circonstance les services d'un déménageur et son camion, qui nous avait emmené en bord de mer chez une famille paysanne pendant quatre semaines... J'ai une image comme cela qui me vient, celle d'être à l'arrière de ce camion, toutes bâches ouvertes, adossé aux bagages et de regarder le paysage se déployer, deviner l'océan au loin et tout ce qui allait avec... Plus tard, je me souviens que l'odeur de la mer et du goémon venait parfois selon les vents jusqu'à la ferme. C'était une odeur particulière qui se mêlait aux odeurs de la ferme, pour ne faire brusquement qu'une seule odeur, celle de la terre et de la mer, mélangée, unique. Parfois on aurait dit que ces odeurs avaient toujours existé ensemble. Je me souviens que les seules toilettes étaient dehors, derrière la grange, qu'il s'agissait d'une planche avec un trou bien rond au milieu, et en-dessous, il y avait ce vide que je trouvais, du haut de mes six ans, immense comme le gouffre de Padirac. Je me souviens qu'il fallait crier " Y' a du monde ! " quand on entendait des pas contourner l'angle de la grange... Mais le vieux Joseph, le père des patrons de la ferme, qui était sourd comme un pot, n'entendait jamais... Je me souviens que le patron de la ferme s'appelait justement aussi Joseph comme son père, ce dernier avait l'habitude de faire la sieste après le repas de midi dans la fameuse grange où nous avions justement pris la manie de jouer à cache-cache au même endroit et au même moment... le jaja du coin l'aidait sans doute à rejoindre les bras de Morphée... Quand on le réveillait, il nous faisait peur avec sa grande moustache. Comme il ne parlait que le breton et qu'il chiquait sans cesse, on ne le comprenait pas et on avait encore plus peur de lui avec ses dents noircies par la chique qu'il avait un malin plaisir à recracher devant nous... Alors, on s'envolait comme une volée de moineaux... Plus tard, à l'âge de seize ans, le premier festival rock en plein air auquel j'ai assisté se tenait sur cette commune. Avec un ami, nous sommes allés au culot tenter de chercher un hébergement dans cette ferme. La patronne, - elle s'appelait Angélique, ne m'a pas reconnu tout de suite, mais elle se souvenait bien de ma famille. Elle a eu un immense sourire. Son mari, Joseph, qui était dans les parages, nous a serré la main chaleureusement et waouh! je me souviens encore de sa poigne, tiens... Elle nous a offert le café dans des bols grands comme ça et nous a désigné la fameuse grange en nous invitant à déposer nos affaires. Plus tard dans la nuit, nous avons dormi sur un tas de foin, presque le même, celui où le vieux Joseph qui s'en était allé depuis quelques temps de l'autre côté du paysage, faisait autrefois sa sieste... Je me souviens que nous avons eu un fou rire idiot quand les portes de la grange se sont ouvertes dès six heures du matin et que nous avons vu Joseph entrer fier et droit comme un if sur son tracteur comme si de rien n'était, venir déposer des balles de foin à nos pieds puis repartir... Je me souviens presque davantage de cette scène que d'avoir vu quelques heures plus tôt Murray Head devant mes yeux ébahis chanter "Say it ain't so Joe". Presque...
Voilà à quoi me fait penser ce soir le prénom de Joseph...
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Je vais finir par l'avoir mon rond de serviette chez la Lafon…
Après une excursion au Wyoming, deux petites journées chez les descendants des Arvernes. Truyère, puys, Riom et planèzes moins glamour que geysers, Bighorn, Cheyenne et Snake river ? Question de goût et surtout de budget. Mais, nous, au village aussi, on a des cow-boys. En l'occurrence, Joseph… Il ne posera jamais pour une pub de clopes, de toute façon, ce folklore appartient à un autre temps. Un taiseux, un drôle de gars, ce Joseph, tout à la fois attachant et inquiétant… Comme à son habitude, MHL nous décrit son passé, sa vie sentimentale, son métier… Elle mène sa tâche avec une précision d'artisan. Joseph prend forme devant nous. Joseph, permet à l'auteure d'aborder des problématiques liées à cette France périphérique en général et à son agriculture menacée en particulier : la solitude, l'alcool, la violence, la transmission, l'exode. Tout sauf un rapport d'énarque, ce qui l'intéresse d'abord, la Lafon, c'est l'humain. La discrète écrivaine a sûrement d'autres projets, mais, en lisant ses livres, on en vient à penser qu'autour d'une table de ministres et de conseillers spéciaux, son point de vue sur la France agricole serait bien plus éclairant que les compte-rendus d'experts.
Un livre de MHL ne se raconte pas… de même qu'il est périlleux de se lancer dans le récit d'une fin de semaine dans le Cantal tant le sensible prime sur le sensass. Surtout si vos interlocuteurs se vantent d'être « swag ».
Un livre de MHL ça se déguste dans le calme, éventuellement dérangé par la seule présence d'un chat sur les genoux. le séjour ne dure pas longtemps mais le souvenir vous accompagne longtemps. La sagesse, c'est fou comme ça se diffuse comme une Avèze : elle vous envahit le cervelet, vous met en questionnement, vous renvoie à vos racines pour, finalement, vous rappeler la fierté d'avoir su conserver encore un peu de paille dans ses bottes…
Je reviendrai chez Marie-Hélène dans un grand bus bleu D Auvergne
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Après la découverte et la lecture de Nos vies, j'ai eu envie de poursuivre avec Joseph.
Marie-Hélène Lafon sait remarquablement et avec beaucoup de pudeur parler de vies simples, presque inaperçues.
Ce récit nous parle de Joseph, un ouvrier agricole, frère d'un jumeau: Michel. Joseph ne sait pas comment on vit avec les hommes, il préfère les bêtes, les vaches qu'il traie chaque jour, de ferme en ferme où il se loue depuis des années.
Joseph porte en lui un secret qui le ronge dont il arrivera difficilement à en parler à une psychologue. A la différence de son frère, l'amour ne lui pas réussit, Sylvie n'était pas la femme qu'il lui fallait. Elle l'a berné, l'a trompé.
Joseph s'enfonce dans l'alcool, hérédité douloureuse du père, du grand père.
Joseph est un homme attachant mais qui n'a pas eu de chance, n'a pas tiré son épingle du jeu comme on dit.

Un petit récit poignant qui nous parle aussi de la vie à la campagne, de la dure réalité agricole, de la vie d'un homme :Joseph.

Merci à ceux qui m'ont conseillé ce titre, il est certain que ma découverte du monde et de l'écriture de Marie-Hélène Lafon va se poursuivre
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Joseph est le portrait tout en sensibilité d'un ouvrier agricole, un métier en voie de disparition.

Je ne connaissais pas Marie-Hélène Lafon avant de lire ce petit livre. C'est mon libraire qui m'a vanté cet ouvrage, et je l'en remercie. L'écriture est dense, le récit se déploie sans aucun chapitre, comme une sorte de monologue ou de réflexion qui m'a tout de suite conquise. Car le ton est juste, modeste même, et terriblement touchant.

Joseph, le discret, n'a jamais « fait maison », il a travaillé toute sa vie dans les fermes des autres. Maintenant que la retraite approche, il a décidé de « se finir » dans une ferme du Cantal, dont le patron est un vieux comme lui et dont la patronne est honnête, même si le fils n'est pas toujours facile. Les souvenirs l'assaillent de plus en plus souvent, et voilà qu'il se laisse aller à penser au passé. Son frère Michel, le préféré, qui a quitté l'agriculture pour ouvrir un café à la ville. Sa mère qui « a tourné le dos au pays » pour aller s'installer chez Michel et sa femme à la naissance de leurs jumelles, et qui est restée là-bas jusqu'à sa mort. Et Sylvie, la seule femme pour qui il a eu le béguin, mais qui l'a trompé et traîné plus bas que terre. C'est d'ailleurs à cause d'elle qu'il a eu son problème avec l'alcool, qui lui a mangé quinze ans de sa vie… Et puis toutes les familles pour lesquelles il a travaillé, avec de bonnes surprises et des mauvaises aussi, qu'il préfèrerait oublier.

Marie-Hélène Lafon capture un monde rural en pleine mutation, avec d'un côté Joseph l'ouvrier agricole et ses vieux patrons, et de l'autre, le fils qui a repris la ferme et rompt avec les habitudes de ses parents : il veut tester de nouvelles méthodes, il est souvent sur son ordinateur, laisse sa chambre en désordre, il « fréquente » et sort le soir. Sûrement que, plus tard, sa « copine » conservera un travail à l'extérieur, car il faut un complément de revenu. Il ne gardera certainement pas d'ouvrier car c'est devenu difficile d'employer, avec toutes ces charges à payer ; et les machines modernes font le travail de plusieurs hommes. On ressent la désaffection des campagnes, la solitude est partout palpable. Chez Joseph, bien sûr, mais aussi chez les agriculteurs, surtout ceux qui se retrouvent seuls au décès de leurs parents. le pré, sans l'amour…

Joseph m'a émue, car c'est une histoire simple qui rend hommage aux personnes humbles et témoigne d'une époque. Nous ne sommes pas en Normandie, mais l'esprit De Maupassant n'est pas loin.
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Découragé par l'aspect compact de ce récit, j'ai choisi de le découvrir dans sa version audio. Marie-Christine Barrault interprète parfaitement ce texte. Tout sonne juste : sa diction, ses intonations et son rythme. Quant au récit, il m'a aussi frappé par sa subtilité. Joseph est un ouvrier agricole âgé de cinquante-huit ans qui travaille dans une ferme du Cantal. Il est l'un des derniers représentants d'une époque qui s'achève dans nos campagnes. Dans sa ferme, le patron et la patronne s'entêtent à produire du Saint Nectaire mais les ventes de fromage couvrent à peine les charges de leur ouvrier. Lorsqu'il reprendra l'exploitation, le fils la modernisera et arrêtera cette production peu rentable. Son épouse elle, devra travailler à l'extérieur, cela garantira un revenu au foyer. Michel, le frère de Joseph, a quitté ce pays où « rien n'est adapté » pour s'établir comme buraliste. Peu à peu, Joseph livre ses blessures intimes. Sa mère le « quitte » pour rejoindre le ménage de son frère en Normandie. Il a peu de contacts avec cette famille. Une rencontre, un soir de bal, va le faire sombrer dans un « trou » d'une quinzaine d'années. le voilà noyé dans l'alcool et la solitude… Marie-Hélène Lafon m'a impressionné par sa maîtrise de la langue. Cinq parties, pas de paragraphes, mais les phrases ont une ponctuation très travaillée qui offre un rythme précis. le lecteur suit un flot de souvenirs et de digressions qui s'agrègent pour recomposer une existence. le roman frappe par son réalisme. Les personnages et le monde rural sont brillamment retranscrits. Marie-Hélène Lafon parvient à livrer le portait d'un homme simple particulièrement touchant.
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Joseph, il est là, dans son silence, taiseux comme beaucoup de nos campagnes. Respectueux de ses patrons, de son travail, se contentant de peu, il regarde la vie des uns et des autres, et puis soudain, il nous emmène faire un balade dans ses souvenirs, dans sa vie d'antan. Sylvie, son jumeau, sa mère, et son addiction. C'est tout un tableau qui se découvre, au fil des pages, et soudain, le Joseph du début et le Joseph de la fin semble si différent. Joseph, ce court roman barque la lumière sur le cheminement d'une vie, les aléas de cette dernière qui tisse la toile d'un destin.
C'est aussi une atmosphère paysanne, les difficultés d'un métier, la vie d'un village, c'est un arrêt sur image d'une France que beaucoup ignore, mais quand on a les pieds au coeur de notre campagne, on lit et on sait qu'il y a ou eu beaucoup de Joseph.
Un chouette roman qui sert le coeur mais qui fait du bien aussi de respirer l'air du Cantal.
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J'aime les livres de Marie-Hélène Lafon à la folie et je retarde toujours un peu le moment d'en découvrir un que je n'ai encore jamais ouvert.
J'aime l'idée qu'un de ses romans est là, qui m'attend encore et la beauté et le plaisir avec lui.
"Joseph" me faisait envie depuis longtemps et m'attendait au pied du sapin. J'ai un peu attendu et puis le moment est venu. Quant il aurait fallu le gouter, le savourer, moi je l'ai dévoré. Je crois même l'avoir préféré à mes préférés: "L'annonce", "Les Pays" et "Histoire du Fils"...

Joseph n'est plus tout jeune, c'est un ouvrier agricole qui s'est loué de ferme en ferme dans son coin du Cantal. C'est un taiseux, un silencieux sans doute plus à l'aise avec les animaux qu'avec les hommes qu'il ne comprend pas toujours… ou qu'il connaît trop bien. Il ne parle pas beaucoup, mais il regarde, il observe : le passage des saisons, les bêtes, la patronne qui remplit ses grilles de mots croisés, la patron, les voitures qui empruntent les coursières, le ciel. Et puis, il se souvient. L'enfance et puis l'école, les bals, ceux qu'il a aimé et qui sont partis : le père qui buvait un peu trop, le frère jumeau installé en Normandie après le service, la mère qui n'aimait plus la ferme. Et Sylvie. C'est que la vie n'a pas été tendre avec Joseph ou alors c'est qu'il était trop gentil. Ses pensées sont un fil qu'on dévide et qui nous emmène au creux de lui et de sa solitude tranquille. Il y a bien un trou de quinze ou seize ans dans la mémoire du paysan... c'est que c'était trop dur de vivre à ce moment-là et que la bouteille n'était jamais loin... Mais il va bien aujourd'hui et tout doucement, il convoque des images, des bribes de souvenirs, des pensées qu'il nous offre en partage.

« Joseph » est un roman bref mais dense, c'est une respiration. Une seule. Presque une seule phrase qui court sur un peu plus d'une centaine de pages. C'est un fil qu'on attrape et qu'on remonte, on pourrait presque le faire sans respirer mais l'apnée est douce au plongeur qui accepte de se laisser happer par les profondeurs. Il n'y a pas vraiment d'intrigue : c'est le roman d'un homme comme les autres, ni plus ni moins avec ses petits bonheurs et ses chagrins, ses failles et ses douleurs. C'est le roman d'une vie.
Comme toujours et malgré cette forme particulière, la langue de Marie-Hélène Lafon est d'un limpidité d'eau de source, d'une clarté éblouissante sans être trop nue, trop sèche. Il y a beaucoup de poésie dans son écriture, de cette poésie qui jaillit du quotidien pour qui sait la voir. C'est une langue rigoureuse, ciselée aussi : chaque mot est à sa place dans une ordonnance parfaite, virtuose. La langue de Marie-Hélène Lafon se savoure sur le papier ; lue à voix haute, c'est un cadeau.

Et puis au delà de cette espèce de pureté formelle, il y a toutes l'émotion que renferme « Joseph ». le roman est poignant, profondément touchant et son personnage principal est bouleversant de tendresse et de mélancolie, de profondeur.
A travers lui et le récit fragmenté de sa vie à la fois simple et âpre, Marie-Hélène Lafon rend hommage au monde rural et agricole, à ce monde qui a tant et irrémédiablement changé. A ce monde qui sent bon la terre et la sueur mais que les jeunes ont fui parfois, laissant les plus vieux avec leurs souvenirs et leurs bols de café sur la toile cirée, sans savoir la beauté de l'automne derrière un vol d'hirondelles. C'est que le Cantal peut-être beau comme « La Montagne » et Joseph est un moment de grâce.
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Joseph je le connais de puis que je suis petit.
Il habitait une ferme isolée dans les Combrailles avec sa mère. J'aimais son chien Dick un berger qui me donnait ses puces en partage.
C'était aussi mon grand-oncle célibataire et probablement puceau, qui avait une ferme au dessus de St-jean de Maurienne et qui a passsé sa vie à aider ses fréres et belle-soeurs et ses voisins , une belle vie a-t-il dit. Il n'a jamais eu de toilettes dans sa ferme ni au fond du jardin. Quand on venait prendre un lapin pour le civet, un tour par le clapier un coup sur la tête, une fermeture éclair, les boyaux fumants dehors, la fourrure tirée et le lapin dénudé était prêt pour la pollente.
Ton Miche il s'appelait (Michel) et il avait un gros avantage sur Joseph: après deux verres de vin il était saoul, alors il évitait le premier… et son frère n'habitait pas loin et il a vécu avec sa mère jusqu'à la fin.
Mais Joseph et lui, c'est pareil.
Alors il n'y a pas de doute Joseph c'est une histoire de famille, qu'on ne me demande pas d'être objectif.
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Ici, c'est la prose introspective qui fait le livre et non l'histoire car d'histoire, il n'y en a pas ou si peu... Joseph est un paysan du Cantal.
Le roman explore sa vie, son entourage et son travail.
On traverse différentes périodes de l'existence de Joseph dans le désordre de ses souvenirs. Les défis, les joies et les peines qu'il rencontre sont abordées avec une égalité de regard qui est celle de la vie d'un paysan "à l'ancienne", très humble et très modeste ; une vie qui n'a quasiment pas goûté à la modernité apportée par les grandes transformations technologiques et le progrès. Il faut dire qu'entre 1985 et 2001, Joseph a plutôt été en cure pour ses problèmes d'alcoolisme que dans les champs.
L'autrice utilise un langage simple et direct qui reflète le parler quotidien des habitants de la région rurale où se déroule l'histoire. Ce choix contribue à créer une atmosphère immersive et ancre les personnages dans leur réalité tout en créant une vraie proximité avec le lecteur.
A mon sens, la particularité de ce roman mais aussi sa plus grande réussite réside dans le phrasé du récit car on peut dire ce qu'on veut, c'est un véritable challenge d'écrire et de susciter l'émotion à partir d'une matière aussi ténue que la vie de Joseph. Les phrases, bien que simples, sont longues car elles ne comportent pratiquement pas de virgules ni de points. Cette utilisation minimale de la ponctuation crée un rythme particulier qui sollicite une attention soutenue de la part du lecteur mais c'est justement cette attention demandée qui permet d'entrer dans la profondeur et la poésie du roman. Une lecture superficielle de Joseph est impossible.
Les descriptions précises, souvent accompagnées d'images évocatrices, créent la profondeur psychologique des personnages et favorisent cette introspection massive des différents thèmes abordés que sont la répétitivité du quotidien, l'amour, le travail, la solitude et le passage du temps. À travers le personnage si simple de Joseph, l'autrice explore purement et simplement les méandres de la condition humaine. Un roman qui se mérite !
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Joseph - Marie Hélène Lafon

Très beau texte sur la ruralité, la vie simple, les "coutumes", le mode de vie des gens dans les campagnes.
Joseph est un paysan, un ouvrier agricole dans le Cantal de nos jours, il vieillit doucement. Il raconte sa vie au fil des pages. Pas une vie extraordinaire, non , simplement la vie d'un homme de la terre, né à la campagne et ne l'ayant jamais quitté. Il se souvient et songe à sa vie passée. Il y a eu le départ de sa mère, partie vivre avec le frère de Joseph en Normandie. Ensuite se fut Sylvie la femme qu'il a aimé mais qui partit avec un autre et puis l'avant et l'après cures de désintoxication, et bientôt la retraite.

Marie Hélène Lafon nous offre une très belle histoire tout en simplicité, en douceur pas de violence ni de tumulte rien que de choses douces et banales qui font la vie des gens simples

Vraiment un très beau texte à lire
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