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Citations sur L'annonce (74)

On devait se couler dans une vie neuve et prendre garde, se prémunir contre tout.
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On ne gratterait pas les vieilles plaies de solitude et de peur, on n'était pas armé pour ça, pas équipé ; on s'arrangerait autrement.
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Annette regardait la nuit. Elle comprenait que, avant de venir vivre à Fridières, elle ne l'avait pas connue. La nuit de Fridières ne tombait pas, elle montait à l'assaut, elle prenait les maisons, les bêtes et les gens, elle suintait de partout à la fois, s'insinuait, noyait d'encre les contours des choses, des corps, avalait les arbres, les pierres, effaçait les chemins, gommait, broyait. Les phares des voitures et le réverbère de la commune la trouaient à peine, l'effleuraient seulement, en vain. Elle était grasse de présences aveugles qui se signalaient par force craquements, crissements, feulements, la nuit avait des mains et un souffle, elle faisait battre le volet disjoint et la porte mal fermée, elle avait un regard sans fond qui vous prenait dans son étau par les fenêtres, et ne vous lâchait pas, vous les humains réfugiés blottis dans les pièces éclairées des maisons dérisoires
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En juillet à Fridières, Annette avait connu le vrai corps de Paul, un corps en état d’urgence, aiguisé par les travaux immuables et les fenaisons pressantes, un corps d’homme qui court, qui lutte, entre les prés et l’étable, les bras le torse le dos le ventre les cuisses rompus à d’autres étreintes, aux bêtes rétives, aux outils, aux rouleaux de ficelle dure, aux écrous qui résistent dans les rouages chauds des machines.
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En juin le pays était un bouquet, une folie. Les deux tilleuls dans la cour, l'érable au coin du jardin, le lilas sur le mur, tout bruissait frémissait ondulait : c'était gonflé de lumière verte, luisant, vernissé, presque noir dans les coins d'ombre, une gloire inouïe qui, les jours de vent léger, vous saisissait, vous coupait les mots, les engorgeait dans le ventre où ils restaient tapis, insuffisants, inaudibles. Sans les mots on se tenait éberlué dans cette rutilance somptueuse.
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Le papier est bon âne. Ce qu'on lui met sur le dos, il le porte. Proverbe
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Sa vie, dans le Nord, avait été déchirée par tous, connue, empoignée, disséquée, jugée, vilipendée. Eric, dans le Nord, était et resterait le fils d’un déchet, d’un violent dévoré d’alcool, incapable de tenir en place plus de quinze jours, perdu de réputation, un individu que les employés des services sociaux, à bout de ressources, se renvoyaient de bureau en bureau, clamant, haut et fort, exaspérés, vaincus, que le cas relevait de la police ou de la psychiatrie, voire de l’une et de l’autre.
(…)
Rien ne faisait bloc contre Paul, rien ne se dressait devant lui ; le territoire lui était acquis, il avait gagné, s’était niché là, avait fait gîte, et pour elle aussi avait à sa façon préparé le creux chaud. Elle ne devait pas attendre de lui plus que ce qui était déjà considérable et donné.
(…)
On devait se couler dans une vie neuve et prendre garde, se prémunir contre tout. Nicole et les oncles n’eussent pas pardonné, elle le sentait, le moindre faux pas, la curée eût été immédiate, rien ne devait déborder de la masse grumeleuse des peines anciennes et des humiliations incrustées. (…) On finirait au mieux par être toléré à Fridières, on n’y serait pas accueilli, en dépit de Paul et de tout son bon vouloir d’homme pacifique et résolu.
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"Les bruits de la nuit n'appartiennent pas aux vivants."
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Pour les oncles la conduite de la voiture se pratiquait à deux, et Paul ne se souvena1t pas qu'ils eussent jamais dérogé à cet usage, même en pleine force de l'âge. Désormais, et ce depuis onze ans, depuis l'achat de la languide Citroën BX diesel vert sapin métallisé, chaque dimanche en fin de matinée entre onze heures et midi, les oncles dégourdissaient la voiture. On la démarrait, et elle vombrissait longuement dans le garage étroit dont les portes avaient été au préalable ouvertes au plus large ; une marche arrière et quelques manœuvres délicates se rélélant nécessaires pour extraire le précieux véhicule de son étui et de la cour, directives mimées et injonctions vociférées se succédaient, l'un des oncles s'évertuant au volant tandis que l'autre se plantait en sémaphore devant les cages à lapins en toutes circonstances et saisons. Seule la neige empêchait la cérémonie, et encore fallait-il que la couche tombée fût assez sérieuse pour dissuader les coéquipiers intrépides. On n'allait pas loin ; selon un iténéraire immuable, on se rendait aux limites de la propriété afin d'examiner les terres les plus écartées, et, le cas échéant, bêtes et clôtures, d'un regard que la vigilance requise pour la bonne conduite du véhicule, toujours à moins de cinquante kilomètre à l'heure, ne privait qu'en partie de sa coutumière acuité. L'affaire était connue dans le pays, le dimanche entre onze heures et midi les oncles de Fridières dégourdissaient la voiture ; s'ils n'étaient pas passés sur le pont des Chêvres à onze heures et quart et sur la place à onze heures vingt, on pouvait sonner le tocsin, la guerre était déclarée, le canton se trouvait à la dernière extrémité. Un détail, enfin, ravissait les habitués et fortifiait auprès d'eux la solide réputation d'originaux qui auréolait les oncles faussement jumeaux ; non contenrs de se succéder au volant d'un dimache à l'autre, Louis et Pierre n'auraient pour rien au monde renoncé à la compagnie de Lola. Elle trônait, magnanime, la truffe écrasée contre la vitre, à la droite du conducteur tandis que le frère réduit au rôle de passager tenait le milieu de la banquette arrière. Page 64-65
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En juin, le pays était un bouquet, une folie. Les deux tilleuls dans la cour, l'érable au coin du jardin, le lilas sur le mur, tout bruissait, frémissait, ondulait ; c'était gonflé de lumière verte, luisant, vernissé, presque noir dans les coins d'ombre, une gloire inouïe, qui les jours de vent léger, vous saisissait, vous coupait les mots, les engorgeait dans le ventre où ils restaient tapis, insuffisants, inaudibles. Sans les mots on se tenait éberlué dans cette rutilance somptueuse.
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