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Citations sur L'annonce (74)

A Nevers, le lundi 19 novembre, Annette avait vu sans le voir le corps de Paul. Toute son attention avait été happée, dévorée par les mots de Paul. Et par ses mains. Qui parlaient avec lui, soutenaient sa parole, la relançaient ou reposaient à plat sur la table, dans les creux de silence, et frémissaient comme mues de l’intérieur par de sourds tressaillements qui disaient ou tentaient de dire ce que Paul taisait, ce qu’il gardait tapi sous le flot des choses audibles. Ni Annette ni Paul n’iraient extirper ce qui restait, s’incrustait, dessous. On ne gratterait pas les vieilles plaies de solitude et de peur, on n’était pas armé pour ça, pas équipé ; on s’arrangerait autrement.
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Annette s'appliquait pour ne pas penser au Nord. Elle aurait voulu oublier les contours même des choses de là-haut et tout arracher d'elle pour mieux recommencer à Fridières. On devait se couler dans une vie neuve et prendre garde, se prémunir contre tout. Nicole et les oncles n'eussent pas pardonné, elle le sentait, le moindre faux pas, la curée eût été immédiate, rien ne devait déborder de la masse granuleuse des peines anciennes et des humiliations incrustées.
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En juillet, à Fridières, Annette avait connu le vrai corps de Paul, un corps en état d'urgence, aiguisé par les travaux immuables et les fenaisons pressantes, un corps d'homme qui court, qui lutte, entre les prés et l'étable, les bras le torse le dos le ventre les cuisses rompus à d'autres étreintes, aux bêtes rétives, aux outils, aux rouleaux de ficelle dure, aux écrous qui résistent dans le rouage chaud des machines. Elle avait senti au long d'elle le soir dans le lit sourdre de Paul cette tension nourrie des mille obstacles de chaque jour qu'il déposait comme il l'eût fait d'un vêtement usé. Par cet abandon, tandis que la fenêtre restait ouverte sur les fragrances têtues des nuits de juillet, sur leur ardeur crépitantes de bêtes sonores, Annette avait été apprivoisée.
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Paul avait dit, une cuisine sans cloisons, ouverte, américaine ; et cet adjectif, relevé par Nicole sourdement effarée de l'invasion dont était menacé son territoire, fut aussitôt enrolé par les oncles pour désigner, au pluriel, les deux impétrants, les formidables, les Américains qui à l'avenir mangeraient avec Paul, dans une cuisine de même nationalité, tandis qu'eux, les trois, les frustes Gaulois, les Cantalous préhistoriques, n'en mangeraient pas moins, aux mêmes heures et en bas, dans leur cuisine française.
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La nuit de Fridière ne tombait pas, elle montait à l’assaut, elle prenait les maisons les bêtes et les gens, elle suintait de partout à la fois, s’insinuait, noyait d’encre les contours des choses, des corps, avalait les arbres, les pierres, effaçait les chemins, gommait, broyait.
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Il faudrait s'imposer ailleurs. Il faudrait, par exemple, dès le samedi suivant, empoigner sans frémir la combinaison raidie de vieille bouse et historiée de taches diverses que Paul abandonnerait, roulée en boule, sur le paillasson; Paul expliquerait, il dirait qu'il valait mieux ne pas mélanger la combinaison avec le reste, et la laver, par exemple, avec des chiffons du ménage, et la frotter au préalable à la brosse dure avec du savon de Marseille. A la hâte, et presque riant comme gêné la voix sourde, il s'excuserait de ne rien connaître, ou pas grand chose, à ces affaires. Qui relevait de la sœur. A qui, Annette le comprenait, il n'était pas question de demander conseil; et devant qui il importait de ne pas baisser pavillon sur le chapitre crucial du linge.
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Elle aimait le mot agriculteur. C'était un vrai métier, pas une de ces misères à goût de vomi, pas un boulot d'esclave à domicile, de chair d'usine, d'hôtesse de caisse. Il y avait le mot doux dans l'annonce, doux quarante six ans cherche jeune femme aimant campagne.
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Les oncles remuaient d’obscures pensées, souterraines, infusées, anciennes, pas forcément hostiles, que l’on ne connaîtrait pas. On se contenterait de rôder autour d’elles, de les supposer, elles flotteraient en brume diaphane autour de leur corps sec et léger
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ils avaient raconté que leur propre père avait planté le gros prunier de derrière quand ils avaient douze ou treize ans, son âge; ils s’en souvenaient, et d’où venait le prunier, de chez une dame de Lugarde qui avait un vrai verger et à qui leur père avait rendu un service. Ils avaient grandi avec l’arbre; pour finir le prunier ne valait guère mieux qu’eux, ne donnait pas tous les ans et n’en faisait qu’à sa tête. Ils répétaient ça, l’air content, en avançant un peu le menton, presque comme s’ils allaient rire ; mais ils ne riaient pas.
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Rien n'était grave. Hors de vieillir sans douceur. Il s'inventerait une femme pour lui, il chercherait, il trouverait. (p.98)
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