Merci à Babelio et aux Editons Pierre Guillaume de Roux pour la découverte de ce petit bijou !
Un magnifique recueil de nouvelles.
Dans la postface, Michel Lambert est présenté comme l'un des maîtres et théoricien de la "nouvelle instant" : le lecteur découvre un moment d'une vie, pas d'avant, pas d'après, beaucoup de "non-dit, d'ellipse, d'ambiguité". "Michel Lambert écrit comme un bavard condamné au silence" et lui-même compare la nouvelle à un iceberg ; le lecteur ne découvre qu'un tiers, les deux autres tiers connu de l'auteur demeure dans le non-dit.
Les neufs nouvelles de ce recueil sont construites sur ce schéma. Neufs vies qui basculent par le hasard d'une rencontre, ou d'un évènement, ou par la volonté d'un Dieu (auteur) qui s'amuse ! Mais le personnage principal de ces nouvelles qui revient comme un leitmotiv tout au long de ces neufs textes : le ciel. le ciel demeure symbolique de ce dieu qui s'amuse vers lequel les personnages lancent un regard, jettent un oeil, l'admirent, l'ignorent :
"Il leva les yeux au ciel. le ciel gardait sa hauteur, à croire qu'il ne voulait se mêler de rien, peut-être après tout en était-il incapable" (Un rêve)
"Au-dessus d'eux le ciel semblait toujours lointain toujours fermé sur mi-même. Pas un nuage, pas un avion. Aussi seul qu'eux, en définitive" (Un rêve)
"L'Audi a écrasé l'asphalte, on aurait dit, tant elle roulait vite, qu'elle allait s'envoler pour rejoindre l'horizon - alors elle déchirerait la toile du ciel, de la terre et du temps confondus..." (André)
"Bob regardait d'un air mélancolique le ciel qui se donnait aux premières lueurs du jour" (Marche triomphale)
"Le ciel perdait çà et là ses accents triomphants" (Les bruits de l'ascenseur)
"Le ciel. Il n'y avait plus de ciel" (Le nuage)
"Instinctivement Hugo leva les yeux au ciel. Mais il n'y avait plus de ciel. Rien qu'un nuage" (Le nuage)
Michel Lambert avec beaucoup d'empathie et de tendresse décrit des hommes et des femmes englués dans leur passé, se retrouvant face aux conséquences de milliers d'actes, de décisions, de paroles. C'est magnifiquement écrit. Je me précipite pour lire les autres recueils de Michel Lambert.
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Un recueil de nouvelles: "neuf nouvelles en forme de déambulations sur le thème des retrouvailles" nous dit le quatrième de couverture...
Des récits surprenants, des retrouvailles parfois laissées en point de suspension... Michel Lambert sait nous raconter de petites tranches de vie, d'une écriture ciselée qui fait mouche et m'a ravi.
A lire pour se laisser surprendre, entrainer...
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Michel Lambert écrit comme un bavard condamné au silence, qui roule en boucle des pensées élégantes, terriblement justes.
Lire la critique sur le site : Telerama
Mais c'est plutôt là où quelque chose dérape que l'œuvre prend réellement sa dimension. Il faut y rechercher le désaccord, l'ambiguïté des sens- les significations bien sûr mais surtout et avant tout les sensations. L'étonnement, c'est ce moment où le regard et les autres sens achoppent. Il y a quelque chose qui cloche, immanquablement. Presque une discordance.
- extrait de la Postface de Nausicaa Dewez
La nouvelle contemporaine n'a ni commencement ni fin, en ce sens qu'on ne sait rien du passé des personnages ni de leur devenir. L'enjeu lui-même n'est pas défini, il est souvent de l'ordre du secret. De surcroit, il ne se passe pas grand-chose, parfois rien, du moins en apparence. Peu d'événements donc, le personnage principal, la manière dont il évolue, constituant l'événement dominant. Tout se joue en un temps réduit, quelques minutes, quelques heures, une fraction de seconde.
- extrait de la Postface de Nausicaa Dewez
Il aurait tant voulu trouver les mots justes, ceux qui consolent rien que parce qu'ils sont justes. Mais il ne les trouva pas. Comme il ne les avait pas trouvés avec Estelle, comme il redoutait de ne pas les trouver avec Quentin, comme vraisemblablement il ne les trouverait avec personne. Déjà avec lui-même, il n'y réussissait pas.
(p. 169)
Il songea aussi aux autres passants, à ceux qui n'étaient pas déguisés, mais qui l'étaient quand même, tout le monde l'était, en cadre pressé, en mère de famille modèle, en maîtresse discrète.
En type qui tue le temps.
Et qui a peur.
Bien que ce fût la matinée, des lumières apparaissaient aux fenêtres des bureaux, des bistrots, des boutiques qui venaient d'ouvrir. Mais en lui, j'en étais sûr, pas la moindre lueur. Sans doute aurait-il mieux faire de se soulager une fois pour toutes, deux doigts dans la bouche pour régurgiter ce qu'il n'avait jamais osé avouer à personne.