Ça fait un petit bout de temps que je n'ai plus eu à chroniquer un livre que je n'ai pas aimé, j'espère donc que je n'ai pas trop perdu la main. Et en même temps, il y a tellement de choses dérangeantes dans ce recueil que je vais forcément occulter certains points. Par oubli, parce que je ne prends pas de notes pendant ma lecture, ou par flemme, parce que les sujets que j'ai choisi d'aborder vont déjà bien me vider (Et en vrai, j'aime pas tellement ça, critiquer, mais j'ai reçu ce livre en Masse Critique et mon avis est donc réclamé).
On va commencer par le moins pire si ça vous va – et en même temps, si ça ne vous va pas, c'est pareil, parce que c'est moi qui fais la loi, ici. Oui, ben autant se mettre dans une ambiance malaisante dès le début. Allez, go.
Le point qui m'a le plus plu, donc, c'est l'écriture, la patte globale d'une partie des nouvelles. Malgré certains points qui m'ont fait lâcher le livre à plusieurs reprises, le style passe à peu près. Il n'est pas de ceux qui vous tiennent en haleine toute la nuit, ni de ceux, plus rares encore, dont vous ne vous remettez jamais tout à fait (on en a toustes, faites pas genre), mais j'ai esquissé l'un ou l'autre sourire par moment, et il est même arrivé que je trouve une phrase ou un paragraphe vraiment agréable et bien trouvé.
Parmi ces points pas glop (ça se dit encore pas glop ? J'ai l'impression que c'est presque une boomerie, non ?) on peut citer des dialogues sans incises, sans intérêt et interminables à base d'infos qui auraient pu être communiquées par le narrateur mais qui, en l'état, alourdissent le texte et l'allongent inutilement. Mais aussi un vocabulaire pas toujours adapté à ce que la nouvelle a mis en place juste avant (« ils baisent » au milieu d'un texte qui se voulait jusque-là plein de métaphores à base de danse et de musique, ça tache). Et puis des longueurs, des détours qui n'apportent rien à l'ensemble.
Certaines idées sont vraiment chouettes, cela dit, mais souvent traitées de façon pas optimales, précisément à cause de points cités plus haut. Entre autres, mais on y vient.
Certaines nouvelles sont un peu gores, elles font mine de critiquer la société dans laquelle on vit, les gens qui la composent. Elles révèlent, soit disant, le pire en chacun et chacune d'entre nous et, en vrai, à quinze ans, je crois que j'aurais aimé ce bouquin. Pour le côté noir et pseudo-subversif. Pour les morts à chaque nouvelle, ou presque. Pour l'humour gras qu'on retrouve ici ou là. Sauf qu'aujourd'hui j'ai plus du double de cet âge, et la magie ne fonctionne plus.
Peut-être parce que ça manque de subtilité. Peut-être parce que je suis plus SJW que réac (vous vous souvenez des SJW ? Cette ébauche mal branlée des grands méchants Wokes, aussitôt avortée qu'éjaculée dans une chaussette arc-en-ciel. Oui, ben moi aussi, je peux écrire des trucs vulgaires sans raison, c'est pas encore réservé à une élite.)
Avant de continuer, j'ai bien envie de dresser un compte-rendu rapide. Juste histoire de tout mettre à plat et qu'on soit bien d'accord au sujet de ce dont on parle.
Alors, sur 42 nouvelles et 49 personnages que l'on peut considérer comme principaux, ceux-ci s'avèrent être 34 fois des hommes, 15 fois des femmes et 4 fois autre-chose (je ne parle pas de non-binarité, ici, mais plutôt d'animaux, d'extra-terrestres, etc).
(Je vous rappelle aussi que je ne prends pas de notes pendant ma lecture – parce que je suis stupide. Non mais vous pouvez le dire, hein, je suis d'accord à 100 % avec ça – et que j'ai dû tout me retaper en accéléré pour vous sortir cette donnée. Nous ne sommes donc pas à l'abri d'une ou deux petites erreurs, tenez-en compte pour la suite.)
C'est un détail ? L'auteur est un homme et se sent mieux avec des héros qui lui ressemblent ? OK, je vois que j'ai affaire à un public difficile. Alors reprenons.
Ces héros, dans la grande majorité des cas, on ne sait rien de ce à quoi ils ressemblent. La couleur de leurs yeux, de leurs cheveux, de leur peau ? Leur taille, leur corpulence, leur âge ? Aucune info, si ce n'est vestimentaire dans une partie des cas, mais on devine assez rapidement qu'il s'agit d'hommes blancs de 25 à 50 ans avec un physique dans les normes de la société.
Comment on le sait ? Parce que ceux, parmi les personnages secondaires, qui n'entrent pas dans ces standards sont moqués voir humiliés précisément dans le but de montrer qu'ils sont différents.
OK, c'est toujours pas hyper grave (enfin... c'est à dire que si, un peu, quand même, mais faisons comme si ce n'était pas le cas). Ce que je veux dire, c'est que les nouvelles sont courtes et que savoir que
Pierre-Yves ou Marc-Antonin a les cheveux blonds ou une tache de naissance sur le cul ne changera rien à la trame. le truc, c'est que les femmes qui les entourent, elles, sont systématiquement décrites, au moins un peu. Souvent ça passe par la taille de leurs seins et de leur fesses, leurs formes parfaites et les regards libidineux posés sur elles en toutes circonstances. Mais on n'a pas (ou vraiment très peu) de persos féminins sur lesquels on ne sache rien niveau physique. (Je parle des persos qui ont au moins une ou deux lignes de textes, parce que, dans les faits, il me semble me souvenir d'une vendeuse ou autre secrétaire sans aucune importance qui n'ont pas été décrites.)
Et parfois (souvent ?) elles le sont avec des détails dont on se passerait pourtant très bien. Soit parce qu'ils n'apportent rien à l'histoire (bouh la vilaine grosse qui va servir le temps de deux lignes, mais qui sent le canard wécé et qui fouille dans son nez avec son gros doigt boudiné. Je vous ai dit que les gros·ses étaient systématiquement moqué·e·s ? Non ? Bah, voilà, c'est fait.), soit parce qu'ils sont fucking gênants (Non, je n'avais pas envie de savoir que la belle-fille de 17 ans du perso Machin Truc avait des piercings partout sauf au clito. Déjà parce qu'elle ne fait que de la figuration, que l'info ne sert à rien et que Machin Truc n'a pas de raison d'être au courant sauf s'il a été vérifier. SPOILER :
Est-ce que c'est à ce moment-là que j'ai commencé à avoir des doutes quant à la finalité de cette nouvelle qui allait nous apprendre que Machin Truc est un pédocriminel ? Ben même pas en fait, dès qu'il commence à parler à sa fille de dix ans, alors que la discussion est normale, je l'ai senti mal. Je sais pas si c'est une volonté assumée de l'auteur ou si un truc qu'il n'a pas contrôlé est ressorti à ce moment-là, mais le fait est que dès les premières lignes Machin Truc, j'ai eu du mal à l'encadrer).
Autre problème, lié au premier – je vous avais dit qu'il n'était pas tant que ça pas si problématique. On a peu de persos non-blancs dans les 42 nouvelles (même en perso secondaires, cherchez pas, je vous dis), mais ça pourrait juste être parce que l'auteur est blanc et non-déconstruit sur ces sujets. Ce sont des choses qui arrivent, qui sont courantes même, et assez naturelles quand on habite en occident. Et en vrai, si aucun·e concerné·e ne nous a fait part du souci, il est probable qu'on ne s'en rende jamais compte par soi-même parce qu'on n'est pas confronté·e aux mêmes choses. Ça ne veut pas dire qu'on est une mauvaise personne, juste qu'on est humain et qu'il nous est plus facile de comprendre les choses qui nous concernent directement. Là où ça devient un poil plus chaud, c'est quand la quasi-totalité des 9 personnages (secondaires ou principaux) arabes sont... des terroristes. Et que les deux seules femmes africaines sont victimes de viol et atteintes du sida.
Je vous jure que j'invente rien.
Scènes de viols très imagées, d'ailleurs, et ce, bien que l'héroïne soit âgée de quinze ans. Mais davantage narrées à la façon d'un film porno que d'une abomination. Ce qui me fait me poser plus de questions encore quand plusieurs des autres nouvelles traite de pédocriminalité ou sexualise des gosses dans ses situations randoms, comme s'il était normal qu'un perso homme adulte se dise en voyant une gamine de 11 ans qu'elle est quand même bien jolie et qu'elle fera tourner un paquet de têtes dans quelques années.
Vous, je sais pas, mais moi, ça me met vraiment mal.
Et encore plus en mettant tout bout à bout.
Je passerai très vite sur l'irréalisme de certaines situations.
J'aime l'absurde, le burlesque, les situations improbables, mais encore faut-il que ce style si particulier soit maîtrisé, or ici, ce n'est clairement pas le cas et on peine vraiment à rentrer dans le délire où veut nous traîner l'auteur.
J'aime quand les choses semblent ne pas avoir de sens, puis que la dernière ligne de l'histoire nous révèle mine de rien la pièce qu'il nous manquait pour pouvoir pousser un Ohhh rétrospectif. J'aime aussi quand on est plongé dans un univers farfelu et qu'il faut dealer avec des choses qui nous paraissent étranges mais que les persos trouvent banales (j'ai aimé l'histoire des changements de prix dans la nouvelle 35, par exemple, même si l'explication a un peu tout gâché pour moi). Mais l'absurde est loin d'être simple à maîtriser et il faut traiter l'humour loufoque avec sérieux.
Oserais-je noter que l'auteur a osé le coup du « ce n'était qu'un rêve » sur l'une des meilleures nouvelles... Je croyais que le mémo était passé auprès de tout le monde et qu'on était globalement d'accord pour dire que ce genre de fin c'est caca, mais il semblerait que certains résistent encore.
En un mot comme en cent (ou plutôt en mille) j'ai bien peur d'être passé à côté de ce recueil, à moins que ce ne soit lui qui me soit passé à côté.
Mais je crois aussi que ce sont surtout les thématiques abordées et la façon dont l'auteur a choisi de le faire qui m'ont tenu à l'écart.
C'est dommage parce que parmi ce melting-pot d'idées parfois saugrenues, il y en a quelques-unes qui ont un beau potentiel et que j'aurais pu apprécier si les circonstances avaient été différentes.
En ce qui concerne l'édition, j'ai repéré quatre ou cinq coquilles, c'est pas énorme, pas très grave, et pour les livres auto-édités je ne le note même pas, mais comme il s'agit ici d'un livre édité de façon traditionnelle, je me permets de l'indiquer, même si ça n'a pas du tout influencé ma note.