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EAN : 9782707178480
240 pages
La Découverte (20/02/2014)
4/5   2 notes
Résumé :
Il aura fallu la révolte du jeune Edward Snowden, informaticien travaillant pour la National Security Agency (NSA) américaine, pour que le monde entier découvre l'étendue de la surveillance menée en secret par les États-Unis: écoutes téléphoniques, interceptions d'e-mails, espionnage d'entreprises et de gouvernements alliés. Depuis juin 2013, Edward Snowden, puis ses relais Glenn Greenwald, journaliste britannique, et Laura Poitras, documentariste américaine, ont ai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Tour d'horizon de l'affaire : antécédents, contexte, nature des révélations, rôle de la NSA, de l'espionnage en France et en Grande-Bretagne par comparaison, du 11 septembre, réactions sévères de l'administration Obama, devenir de Snowden, mais aussi du journaliste qui a relayé ses informations, conséquences partielles (en 2014) sur le net et la politique internationale...

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La sollicitation des grands acteurs des télécommunications par la NSA n'est pas neuve : AT&T, déjà, l'était dans les années 70. Ellberg, qui l'avait révélé et a été à l'origine par la traque qu'il a subie de l'administration et du gouvernement étasunien de l'époque est ainsi devenu le modèle du "lanceur d'alerte".

Dans les années 90, c'est le système Echelon, révélé par le journaliste écossais Duncan Campbell, qui provoque un scandale équivalent. Lui aussi sera poursuivi, mais par les services britanniques.

Durant les années Obama, la traque des lanceurs d'alerte s'est accéléré : sept procédures auront été lancées avant 2014, dont celle contre Snowden - toutes ne portant pas cependant sur des affaires liées à de l'espionnage en ligne. La révélation du système Prism, qui sollicite Google, Facebook, Microsoft, Apple, Verizon, Cisco et toutes les sociétés opérant aux États-Unis à fournir leurs données, y compris si elles se trouvent en dehors du pays, révélé par Snowden, n'est donc pas une idée nouvelle : c'est simplement la poursuite de ce qu'aucun des scandales précédents n'a pu empêcher d'arriver. L'idée est cependant poussée plus loin : des salles sont prévues dans les centres informatiques pour dérouter les communications directement vers les locaux de la NSA. Il est également cité un exemple d'une entreprise qui a refusé ce système : elle a été écartée des appels d'offre auxquels elle répondait, son dirigeant a été mise en procès, condamné à régler des sommes gigantesques, puis mis en prison.

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L'espionnage des dirigeants, y compris alliés, n'est pas non plus une chose nouvelle : à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Truman avait organisé une grande conférence à San Francisco et s'était arrangé pour enregistrer les conversations de tous les dirigeants qui avaient accepté l'invitation et avaient fait le voyage.

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L'écoute des communications n'est pas non plus nouvelle : les États-Unis le font, en France, nous avons (eu ?) les écoutes téléphoniques, mais tous les pays, plus ou moins, "écoutent aux portes" pour reprendre la condamnation (non suivie d'effet ni d'intention) de Pompidou.

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L'espionnage n'est pas non plus une spécificité étasunienne : la DGSE aurait elle aussi été amenée par le passé à solliciter France Telecom pour obtenir des données clients. Et elle aussi écouterait le web mondial. Il semble néanmoins que l'échelle des moyens et les facilités d'obtention de ces informations en contournant la loi - quand elle existe, les lois en Grande-Bretagne semblant encore plus tolérantes à l'écart des abus concernant les écoutes et l'espionnage qu'aux États-Unis - soient sans commune mesure avec n'importe quel pays du monde, France y compris : il y avait (en 2014) 5 fois plus de collaborateurs au GCHQ et 40 fois plus à la NSA qu'à la DGSE française.

Néanmoins, la timidité des réactions françaises, mais aussi allemandes, occidentales en générale, à l'annonce des révélations Snowden s'expliquerait très simplement : tous les pays s'espionnent les uns les autres et tous sont inféodés au système d'espionnage le plus performant du monde : celui de la NSA. Les Five Eyes (UK, Australie, Nouvelle-Zélande, Canada et USA) l'étant simplement un peu plus que les neufs alliés proches (Danemark, Suède, France, Allemagne, Italie, Espagne, et quelques autres).

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La fabrication de logiciels espion et de cryptage n'est pas non plus nouvelle : la société Bull serait très avancée en la matière. (ça ne fait jamais qu'une société française dans l'océan de technologie us...).

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Qu'est-ce qui fait alors la spécificité de l'affaire Snowden ?
D'abord l'ampleur de l'écoute :
- collecte massive de toutes les données disponibles, d'autant plus nombreuses et "faciles" à collecter que l'informatique s'est largement répandue : on capte les mails, les communications téléphoniques, les pages web visitées, mais on écoute aussi les câbles océaniques, les communications wifi, les communications satellites, etc ;
- la largeur des technologies utilisées : la NSA aurait la capacité, si besoin, de visualiser à distance l'affichage sur l'écran d'un ordinateur et quelles touches sont enfoncées (plus besoin de décrypter) ;
- l'utilisation qui est faite des données : ce n'est pas vraiment qu'on veut savoir quelles pages web vous consultez et ce que vous dites à vos amis (ce qui n'intéresse que Facebook et cie), mais on déjoue en écoutant les stratégies commerciales des concurrents (on comprend ici pourquoi il est si difficile de vendre des équipements, des sous-marins par exemple ?), on déjoue aussi les diplomaties antagonistes, même si ce sont celles d'alliés ;
- plus loin encore, c'est la profondeur de l'infiltration de la NSA : c'est tout le web qui serait modifié pour permettre les écoutes de la NSA : les normes de cryptages ISO, les logiciels de cryptage vendu par les sociétés commerciales, les systèmes de cryptage des géants du web seraient truffés de failles volontairement insérées par la NSA et connues d'elle seule (et peut-être des sociétés complices) pour lui permettre d'écouter sans avoir à décrypter les messages : beaucoup de société pensent que leur messages sont cryptés, que nenni, la NSA possède la clé... (ici, il est indiqué que, au lendemain de la guerre, les Français utilisaient une machine américaine dont les messages n'étaient cryptés qu'en apparence - et on pense évidemment ici aux Britanniques qui ont vendu Enigma aux anciennes colonies en prétextant n'avoir jamais réussi à briser le code et dont on sait que).

C'est finalement ce dernier point qui marque véritablement l'arnaque : le web est "corrompu" par la NSA qui n'a pas fait qu'écouter, mais a cartographié, centralisé et "organisé" le décryptage" des informations du web : qui peut dire avec assurance que ces clés "secrètes" ne sont pas connues ici et là et que les messages censés assurer la sécurité sont véritablement cryptés et illisibles par ceux qui pourraient les utiliser à mauvais escient ?... Tout le web serait ainsi corrompu par ces agissements d'une puissance individuelle contre les autres qui n'est pas sans rappeler le principe de l'attentat : une violence infligée aux autres sans aucune autre justification que sa volonté arbitraire.

Et puis, enfin, ce qui choque est l'absence totale de responsabilité de ces agissements : tandis que les lanceurs d'alerte sont mis sous pression, mis en détention provisoire, assujettis à des amendes, à des peines de prison et à répondre, finalement, de leur vie de l'action qu'ils ont eu de publier ou à diffuser des informations - sans avoir rien commis d'illégal en dehors de cela -, jamais personne, a contrario, depuis soixante-dix ans, n'est jamais là pour répondre des actes qui ont mené à ces publications : les administrations changent, les responsables et les directeurs se succèdent, les gouvernements passent... C'est toujours la faute du précédent et le nouveau, bien sûr, fait la promesse que tous ces agissements sont du passé et ne se reproduiront plus...

On retrouve aussi dans ce goût pour l'espionnage un peu plus qu'une "pratique" ancienne ou une "facilité" technologique, à savoir un mode de pensée : on oppose le consensus par confrontation, qui serait favorisé dans les démocraties européenne, allemande en premier lieu, puisque Kant avait théorisé la "publicité", au consensus par recoupement, plébiscité par Rawls aux États-Unis il y a quelques décennies. le premier consiste à se mettre d'accord à coup d'arguments positifs, le second à constater un accord qui se serait établi pour ainsi dire de lui-même, sans qu'on y ait vraiment réfléchi : qui ne voit dans le goût de l'espionnage, de l'écoute indiscrète, de la mise en place de stratégies secrètes, un contournement de la confrontation pour favoriser la mise au clair d'évidence malgré soi, avant la verbalisation, avant même la conscience de ceux qui sont "audités" ?

On en vient alors à mettre en évidence la dangerosité ultime d'un tel système d'écoute : la manipulation des groupes de population, l'évitement de la démocratie et de l'espace public, la disparition de la conscience.

L'argument de la protection des populations "malgré elles" contre un ennemi "invisible" trahit sa malignité : l'ennemi est dans la place : c'est la capacité des individus de choisir librement et des populations de se mettre d'accord consciemment sur leurs modes de fonctionnement et d'organisation sociale.

Pour résumer, ce que fait la NSA par sa culture du secret, c'est de retirer la conversation de l'espace public pour la mettre dans un cercle privé : ce qui est le moteur principal de toute dictature, de toute tyrannie, de tout absolutisme.

Au-delà de l'écoute en elle-même, il ne doit pourtant pas bien être compliqué de différencier d'un point de vue légal les utilisations qui sont faites des données collectées : infractions aux lois du commerce (qui dépendent de l'OMC), infractions aux droits humains (qui dépendent de l'ONU), infractions aux droits des peuples (qui dépendent de l'ONU, du TPI ?), infractions aux accords diplomatiques (qui dépendent du droit international), etc. Tout l'attirail juridique semble déjà en place : pourquoi alors les révélations Snowden, devant l'ampleur des infractions causées par la NSA n'ont mené qu'à des réactions si ridicules (protestations de groupes d'association...) ? Aucun État, aucune association, n'a eu la capacité, la possibilité, l'envie, l'intention, les velléités, de porter les plaintes devant une institution ou une autre ? Il est vrai que les États-Unis ne reconnaissent pas, comme la Grande-Bretagne, les juridictions internationales... On comprend pourquoi - et on comprend aussi le rôle éminent d'une institution telle que l'Union européenne, qui n'évite certes pas les actions de ses États membres de se produire, mais qui est considérée aussi par eux en retour, comme légitime pour les juger... Peut-être que les populations aux États-Unis et en Grande-Bretagne commenceront à saisir l'importance des juridictions internationales pour se protéger contre leur propre État - comme les populations européennes l'ont intégré ? Pour l'instant, comme en Russie, personne ne bronche de l'intérieur - petite différence cependant, contre la Russie, les sanctions sont innombrables - contre les États-Unis, rien.
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Très bien écrit, cet ouvrage historique et politique se lit comme un roman. Au delà des ouvrages "scandales" que l'on peut voir éclore, Antoine Lefébure donne une approche objective et détaillée. Un bon polar, avec la différence qu'il s'agit de la réalité.
Très détaillé, l'auteur revient sur l'histoire du lanceur d'alerte qui a changé le monde en 2013.

Grâce à Edward Snowden l'existence même la société de surveillance est remise en question.
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Citations et extraits (112) Voir plus Ajouter une citation
Dans le monde entier, suite aux révélations des documents Snowden, les défenseurs de libertés sont évidemment montés au créneau contre la NSA. Dès le 10 juillet 2013, en France, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et la Ligue des droits de l'homme déposaient une plainte [...] donnant lieu , cinq jours plus tard, à l'ouverture d'une enquête préliminaire par le parquet de Paris. [...] Le 5 août, cent cinquante-sept associations défendant la liberté de la presse ou les droits de l'homme publient une lettre ouverte adressée à Barack Obama pour qu'il mette fin aux poursuites pesant sur Edward Snowden. [...] En Grande-Bretagne, le 16 septembre, un groupe d'éminents chercheurs en cryptographie et sécurité informatique s'indigne dans une lettre ouverte publiée sur son site [...] De l'autre côté de l'Atlantique, Charles Seife, ancien agent de la NSA et aujourd'hui professeur de journalisme à la New York University (NYU), publie le 22 août 2013 sur le site Slate une lettre ouverte à ses anciens collègues de l'agence américaine [...] "Que faire, maintenant que l'on sait que l'agence n'a pas tenu parole ?" [...] Le 15 août 2013, Cindy Cohn et Mark M. Jaycox, deux des responsables de l'EFF [Electronic Frontier Foundation], dénoncent l'"effondrement des trois piliers" (exécutif, judiciaire et législatif) sur lesquels reposait la confiance dans le gouvernement [...] ils appellent aussi les citoyens à l'action, notamment via la pétition déjà évoquée "Stop watching us" [...] fin décembre 2013, cette pétition avait réuni quelque 590 000 signatures et ses organisateurs avaient organisé à Washington, le 26 octobre, une grande marche de protestation contre la surveillance de masse pour l'anniversaire de l'adoption par le Congrès du Patriot Act.
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Pour couvrir le monde entier, les cinq membres historiques du réseau [Échelon] se sont vu attribuer des zones d'espionnage. Au Canada, le Communications Security Establishment (CSE) supervise l'interception des télécommunications du nord de l'URSS et d'une partie de l'Europe. En Australie, le Defence Security Directorate (DSD) couvre la parie orientale de l'océan Indien, l'Asie du Sud-Est et une bonne partie du Pacifique Sud, grâce à ses stations de Geraldton et de Pine Gap - une base située en plein désert où le personnel américain envoyé par la NSA noie son ennui dans la bière. La Nouvelle-Zélande s'occupe des régions asiatiques et pacifiques laissées vacantes par son voisin australien. [...] La NSA et le GCHQ [britannique] se partagent le reste du monde. Le GCHQ, qui compte alors près de 15 000 opérateurs et reçoit 500 millions de dollars par an - le journaliste estime qu'il constitue "de loin la plus forte composante du renseignement britannique" -, espionne l'Europe, l'Afrique et l'Union soviétique jusqu'à l'Oural ; la NSA, le reste de l'URSS et l'essentiel du continent américain. On apprend par ailleurs que d'autres États ont rallié l'alliance à titre de "membres tiers" : l'Allemagne, le Japon et même... la République populaire de Chine, qui espionne son voisin russe à travers deux stations sino-américaines secrètes situées dans la province ouighour du Xinjiang. D'autres pays se joindront à l'alliance dans les années 1990, comme la Norvège, le Danemark, la Suède, la Corée du Sud et la Turquie.
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Le 30 août 2013, le prix des lanceurs d’alerte, décerné tous les deux ans depuis 1999 par l'Association internationale des juristes contre les armes nucléaires et la Fédération des scientifiques allemands (et, depuis 2013, par Transparency International), a été attribué à Edward Snowden. À Berlin, son discours [prononcé] a été publié par Zeit Online.
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[Sous Obama] Jeffrey Sterling, un ex-analyste de la CIA inculpé pour avoir donné des informations au journaiste du New York Times James Risen, qui, dans son livre State of War, a révélé une opération secrète de la CIA contre l'Iran - Risen lui-même, refusant de révéler ses sources, est également menacé de prison. L'avocat et traducteur au FBI Shamai Leibowitz a quant à lui plaidé coupable pour avoir révélé des converstions secrètes au sein de l'ambassade d'Iran au blog Tikum Olan, dans l'espoir d'empêcher une agression israélienne envers l'Iran. Le quatrième, Stephen Jin-Woo-Kim, expert en armements au Département d'État, a été poursuivi pour avoir révélé un rapport concernant le développement de l'arme nucléaire nord-coréenne à la chaîne de télévision américaine Fox News. John Kiriakou, ancien agent de la CIA, a été condamné en janvier 2013, sur la base de l'Espionnage Act, à trente mois de prison pour avoir évoqué sur la chaîne ABC les tortures subies par un membre d'Al-Qaïda qu'il avait arrêté au Pakistan. [...] Le prix Joe A. Callaway pour le courage civique lui a été attribué en mars 2013. Le soldat Bradley Manning est le sixième lanceur d'alerte sévèrement puni : pour avoir alimenté le site WikiLeaks de documents secrets, il a été condamné à vingt-cinq ans de prison le 21 août 2013 [?].
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Que risqueraient les patrons d'AT&T [, de Verizon ou de Spriny,] s'ils refusaient de collaborer avec la NSA ? [exemple :] la NSA développe son activité [...] deux contrats peuvent être passés avec QWest [...] pour un montant de plusieurs centaines de millions de dollars [...] les agents de la NSA font une requête qui va beaucoup surprendre le patron de l'entreprise, Joseph Nacchio : ils lui expliquent qu'il doit ouvrir son activité à la surveillance de la NSA [...] Très choqué, il ne tarde pas à refuser [...] Peu de temps après, il apprend qu la NSA n'entend plus qu'il participe à la sous-traitance invoquée [puis] la justice s'intéress[e] à des ventes d'actions réalisées par son P-DG avant que son cours ne baisse. [...] Après enquête, le patron est accusé de s'être enrichi grâce aux informations qu'il détenait. Or le délit d'initié est lourdement condamné aux États-Unis. [...] En avril 2007, l'entrepreneur est condamné à six ans de prison, une amende de 19 millions de dollars et le remboursement de la plus-value de 52 millions de dollars qu'il aurait réalisée. Après quatre ans et cinq mois dans un pénitencier de Pennsylvannie, Joseph Nacchio a été relâché le 21 septembre 2013 avec interdiction de parler à la presse.
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