Nous allons donc Hans Lichtenstein, qui a décidé de revenir, en compagnie de son fils Jonathan, sur les traces de ce qui fut son périple de Berlin jusqu'en Grande Bretagne en 1940, à bord du dernier Kindertransport, alors qu'il était âgé de douze ans, laissant derrière lui une grande partie de sa famille, tel un voyage à l'envers.
Hans n'a jamais voulu évoquer son passé en famille, on sait quelques bribes : Ruth la mère de Hans a survécu à la guerre et vivait à Berlin-Est, donc ne pouvait pas franchir le mur. Les grands-parents maternels de Hans étaient décédés avant les deux ans de Jonathan. C'est à peu près tout.
"Lorsque j'étais petit, mon père n'évoquait jamais ouvertement son enfance, ni ce qui avait trait à ses origines allemandes. C'était presque comme s'il n'avait pas été jeune. Il ne disait rien à propos de don père, de sa mère, de ses grands-parents, pas plus qu'il ne mentionnait des amis, les endroits où il avait joué ou habité, les écoles qu'il avait fréquentées…"
Hans n'a vu Ruth que trois fois, une à Berlin et les deux autres lorsqu'elle est venue leur rendre visite (ce qui n'a laissé un bon souvenir à personne, étant donné son autoritarisme !)
Devant le silence obstiné de son père, Jonathan va sombrer dans l'apathie, le dégoût de vivre, l'anorexie… Face à ce père, médecin apprécié de tous, bouillonnant d'énergie, il se sent à peine de droit d'exister, comme un éternel enfant.
Hans a mis un point d'honneur à réussir sa vie familiale et professionnelle, ne laissant rien filtrer de son enfance dans l'Allemagne nazie, qui se manifeste dans sa haine des voitures allemandes, Volkswagen, Mercedes, qu'il dénigre constamment et pour cause, il s'achètera uniquement des Mini, dans lesquelles il conduira sa famille assez nombreuse (5 enfants) en prenant des risques insensés sur les routes terrorisant les siens.
Malgré cette relation dure et conflictuelle, le père ne tolérant aucun signe de faiblesse, il décide de l'accompagner dans ce voyage à l'envers : retour vers Berlin, en suivant les mêmes lieux que le train a utilisé : le ferry vers le Pays-Bas, le train, en visitant les sites témoins, le musée du peuple juif de Berlin, cimetière juif, la boutique que tenait son père et qui a été détruite lors de la Nuit de Cristal.
Certains souvenirs remontent, même ceux qui semblent les plus insignifiants, telles les pancartes sur le trajet les arrêts en cours de route, sur fond de pâtisseries et de café partagés avec son fils, dans les fameuses Konditorei. Il y a un pèlerinage sur le trajet du Kindertransport (dont il fit partie du dernier convoi) et un retour sur les plaisirs de son enfance. Force est de constater qu'il se souvient de beaucoup de choses alors qu'il n'était âgé que de 12 ans.
Même, si tout cela lui remue les tripes, au propre comme au figuré, il met un point d'honneur à rester stoïque alors que son fils fait des crises de panique, obligé de se coucher à plat-ventre sur le sol et embrasser la terre ou le béton, en apnée… ce voyage n'est pas de tout repos car Hans ne perd pas son habitude d'adresser sans cesse des reproches, des critiques à son fils. Ils vont se découvrir un peu plus, mais ce qui ne s'est pas constitué pendant l'enfance sur le plan affectif, peut-il se rattraper, rien n'est moins sûr.
Une scène difficile : quand Hans veut entrer dans l'immeuble où a habité son père, alors qu'une octogénaire lui dit que « on ne peut pas laisser entrer les gens comme vous » (sic)
J'ai beaucoup aimé ce récit, témoignage d'une histoire que je ne connaissais pas, ces Kindertransport qui ont permis à des enfants d'échapper au pire et d'avoir accès à une autre vie, même si ce qui a été détruit l'est pour toujours, et témoignage aussi d'une relation père-fils qui a eu du mal à se construire, avec tous les non-dits, le poids des disparus.
Jonathan Lichtenstein a une écriture sobre, pas de lace pour le pathos, mais pour la souffrance, oui par contre. Il choisit d'alterner le présent et le passé, les étapes du voyage et les évènements qui ont jalonné la vie de la famille que Hans s'est construite au Pays de Galles.
Je l'ai terminé il y a plus d'une semaine, mais j'ai pris le temps pour rédiger ma chronique, temps nécessaire pour « digérer » ce voyage initiatique, pour ne pas laisser l'émotion me submerger, car certains passages sont très forts. Pour un premier livre, c'est vraiment réussi, car l'auteur sait très bien raconter.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions JC Lattes qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteur.
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