Recette habituelle de roman "pour filles" : jeune femme égocentrique, égoïste, qui parle toujours d'elle-même et de ses petits problèmes idiots (dans le sens qu'il est très facile de les régler et que les solutions sont évidentes pour tous sauf pour elle!), qui a l'homme idéal pour elle déjà à ses côtés sans le voir, qui aura besoin de se jeter dans les bras d'une demi-douzaine de gars avant de s'en rendre compte, qui se boit trop dans les bars, qui a un emploi de merde en attendant d'avoir le courage de ses ambitions et qui finit par s'en sortir. Après 40 pages, on sait déjà tout ça (c'est tellement convenu!). le roman accorde une grande place à l'emploi merdique de journaliste de faits divers (l'auteure ne lésine pas sur les détails superflus et inintéressants - à moins d'être attiré par ce travail! - ce qui n'ajoute rien à la qualité de l'oeuvre. Beaucoup de pages sont également consacrées au passé de l'héroïne (tentative d'ajouter de la profondeur au personnage, j'imagine), ce qui est tout à fait inutile puisqu'on ne s'intéresse pas à cette femme futile, névrosée et commune.
Commenter  J’apprécie         10
10 h 58. Je vais être en retard. Une fois de plus. Au volant d'une Mini Cooper aux couleurs de la station de télévision Réseau Nouvelles, j'essaie de rester courtoise dans ma conduite malgré les secondes qui s'envolent. Me rendre en deux minutes à l'hôtel Saint-Louis au centre-ville. Mission impossible. Aux feux rouges, je lis la convocation de presse sur mon téléphone intelligent. Je n'ai pas eu le temps de la consulter entre mes deux affectations, parce qu'il n'y a pas eu de temps entre mes deux affectations.
*** 3 h 40 ce matin. La sonnerie de mon cellulaire a dû crier trois fois « Hey sexy !... Hey sexy ! » pour me tirer d'un sommeil profond.
Les yeux fermés, je décroche.
— Max, c'est moi.
« Moi », c'est Pierre Campagnat. Affectateur1 et chef de pupitre de la salle de nouvelles. On l'appelle tous Campagne.
— Ça va ? me demande-t-il.
Je n'ai pas eu de journée de congé depuis quatorze jours, ou plutôt vingt-huit parce que j'ai fait des doubles chaque jour ces deux dernières semaines, et ce matin il me réveille après à peine trois heures de sommeil.
— Il y a un incendie sur la 24e Avenue près de Gaumont, poursuit-il. Des locataires manquent à l'appel. Il y a peut-être des morts. Des enfants. Je veux un direct à cinq heures. Je compte sur toi.
Clac. Il a raccroché.
Non. Je ne m'effondre pas. Je penserai à mon intense besoin de sommeil et d'insouciance plus tard. Je m'arrache au nid chaud et enveloppant de mon lit. Il faut garder la tête froide. Si la vie est bonne pour moi, elle me libérera à temps pour que je puisse assister au concert de mon meilleur ami, Charles. Un cinq à sept-bénéfice servant à financer l'achat de paniers de Noël pour les familles dans le besoin. Je lui ai proposé de filmer sa prestation et l'encan qui aura lieu tout de suite après.
Ça fait trois semaines que je n'ai pas vu Charles. J'ai manqué son dernier spectacle au piano-bar du Centre des Arts à cause d'un point de presse-surprise annonçant l'échange du gardien de but vedette de notre équipe nationale. Je suis en manque. Il est mon âme sœur, ma bouée. Je m'ennuie de nos soirées à pelleter des nuages. À réinventer le sort du monde. À réécrire l'histoire de nos vies.
Charles prend un verre avec des amis musiciens, près d’une petite scène au fond du bar. J’ai manqué sa prestation et l’encan organisé pour aider les familles démunies. Comme je n’ai pas eu l’entrevue avec le premier ministre, j’ai organisé un direct avec le chef de l’opposition et une table ronde avec un spécialiste en politique fédérale, un spécialiste en communications et un représentant des électeurs. Pour humaniser le débat. Le bar chaleureux est bondé de gens hétéroclites. Ils complètent de façon ingénieuse le décor vintage surchargé. Je suis essoufflée. Abîmée. Envie d’une douche. Mais prendre un verre va m’apporter un aussi grand réconfort. Sinon plus.
Charles m’aperçoit. Se dirige vers moi.
— Max ! T’es là. Je suis content !
On se fait la bise. Il me serre dans ses bras.
— Je m’excuse tellement, Charles, lui dis-je, à moitié écrasée par sa puissante étreinte. Je voulais absolument être là pour l’encan ! Et pour t’entendre chanter… Ça fait trop longtemps. J’ai même pas ma caméra…
Entrevue - Elisabeth Locas