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EAN : 9782374280011
Atelier de l'Agneau (15/01/2017)
5/5   2 notes
Résumé :
Un recueil de poésies inspiré par les événements du printemps 2016 en France : l'état d'urgence, le mouvement contre la loi travail, la violence sociale, le déclin des croyances, la soif de justice qui se heurte à la réalité.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Merci aux éditions de l'Atelier de l'agneau qui m'ont envoyé ce livre dans le cadre de Masse critique.
À peine reçu, je lis des passages de ce recueil à haute voix… Oui, la poésie ça se déclame… et bon sang ! Comme celle-ci est sonore ! Comme elle sonne et résonne ! La dédicace personnalisée de l'auteur me promet du rythme et me prévient que ce sera joyeux et amer à la fois… Rien qu'avec le titre, cette association de violence et de douceur, Matraque Chantilly, et le sous-titre Journal STOP, je m'y attendais…
Une matraque est un instrument contondant, fait d'un cylindre de caoutchouc avec souvent une armature de fer, utilisé pour assommer quelqu'un : c'est l'arme de répression par excellence, celle des matons ou des C.R.S. Un coup de matraque, cela fait mal, cela laisse des traces de contusion, des hématomes… Dans l'imaginaire collectif, c'est souvent associé aux bavures policières, à des réactions exagérées, disproportionnées par rapport à la réalité ou à la gravité des faits.
La chantilly, c'est le nom d'une crème fraîche et froide, fouettée en mousse, sucrée et parfumée à la vanille. C'est la crème chantilly qui habille les desserts : on peut ainsi en mettre de manière plus ou moins abondante, selon sa gourmandise…
Et un journal relate les évènements de la vie quotidienne, ici ceux du printemps 2016 en France. Mais attention ! C'est le journal d'un poète… Il ne faut pas espérer tout comprendre.

J'abandonne vite le calligramme du début car ce n'en est pas un, en fait : il est illisible en tant que mots. Mais il représente un nuage de chantilly découpé dans le texte de ce que je vais lire, n'est-ce-pas ?
Immédiatement, cette poésie urbaine qui se scande comme des slogans de manifestations ou plus littérairement, en marquant l'alternance des longues et des brèves et en insistant sur les temps forts, me prend aux tripes. Immédiatement, je sens que cela va fonctionner…
Quand on écrit un journal, c'est pour ne pas oublier… Que faut-il retenir de ce printemps 2016 ? Que nous en dit Marius Loris ? L'état d'urgence, certes, mais pas que… le printemps, c'est aussi le temps de l'amour, du renouveau, malgré la violence, les mouvements sociaux et les désillusions politiques et sociales. Au printemps, on revient se promener dans les rues pour le plaisir, même si on descend aussi dans la rue pour manifester son désaccord face à la loi travail, même si les forces de police pratiquent la répression à outrance. le printemps, c'est l'espoir à nouveau, mais pas pour tout le monde : il vaut mieux être blanc-blanc, « blanc bec de ma face », plutôt que marron foncé ou noir clair, « vieux franco marocain » par exemple. Ce printemps 2016 valorise et stigmatise, ensoleille un espace public restructuré par une dérive sécuritaire, « saloperie de l'espace qui s'échappe qui ne veut nous appartient pas »..
Ce printemps appelle le souvenir des printemps passés : « jeunesses qui déboulent le boulevard Voltaire de triste souvenir le 8 février 1962 des communistes morts étouffés matraqués dans leur mare c'était la guerre d'Algérie les bidules et les plasticages de l'OAS ». Ce printemps fédère toutes les justes causes, « toutes luttes égales », même si « les intérêts sont opposés comment faire commun comment faire un noeud bien dur dans tout ça si les intérêts objectifs n'existent pas »…
La vie rencontre la mort, la rectitude des rues ressemble à celle des allées des cimetières, les appartements comme les concessions sont à louer, la ville s'oppose à la campagne, les souvenirs du passé viennent interroger la vie présente, « à croire que les êtres bons sont morts depuis la fin de l'enfance ».
Le corps qui « prend le dessus sur la raison » est omniprésent avec des métaphores autour des fluides expulsés : « morve déployée », conscience aspirée par « l'anus de la ville », finir « de démouler un bronze » en apprenant la mort d'un être cher, « contraction avant le pet de l'âme vers les cieux », « traumatisme de la gangrène qui continue sa lente pulvérisation hexagonale », « relations fécales du travail »…

Marius Loris invente-t-il un nouveau langage ? Ses performances sont immédiates, rythmées et sonores dans l'urgence, donc efficaces… le style est télégraphique, comme codé, les articles et déterminants souvent absents. Il s'agit « d'écrire des choses sèches et mal dégrossies », de « recourir à la sélection, au triage des informations par un système de sablier mental » pour mettre en lumière la répression policière et les formes de résistance qui peuvent s'y opposer ; pour cela, il faut une langue qui se démarque des courants dominants : « deux conversations avec des phrases c'est déjà beaucoup dans ce cataclysme contemporain où langage bouillie main Stream post-moderne à la crème chantilly ». Il faut aussi une nouvelle respiration, matérialisée par le signe « STOP ».
Cette parole est difficile, laborieuse, épuisante car les mots du poète se perdent, se changent en « cris d'oiseaux » ridicules face aux mensonges exponentiels du langage politique, au « langage prostitué du pouvoir et de l'argent » et à « l'encre pourrie » des journalistes. Mais, une fois posé le triste constat du caractère réducteur des discours conventionnels, Marius Loris joue la provocation, s'interroge et nous invective sur le rôle de la littérature « qui parle d'elle-même se scrute le nombril » avec « ses babillages stériles » qui « érode les certitudes » et « décrédibilise la parole », ses « milliards de livres écrits (pour combien d'inutiles) » qui ne nous ont rien appris. le poète est frustré : « n'avoir que des mots pour sa colère c'est puéril et désespérant ». Mais les mots sont les armes des poètes, même s'« il faudra des siècles de mots colériques, de colère comprimée dans la parole pour en finir avec l'époque la plus laide de l'histoire humaine ». C'est la fin du lyrisme ; Marius Loris troque la lyre d'Orphée contre un marteau-piqueur, outil de destruction, ou un trébuchet, engin de guerre moyenâgeux qui servait à envoyer des projectiles sur les murailles ; il célèbre la « poésie de l'émeute ». le poète la joue cependant modeste, se décrit comme « un plumitif de plus qui croit croasse son bréviaire » et reconnaît que c'est dur de vivre de sa plume : « on n'en dort plus on ne vit plus que de l'aumône de ceux qui vous lisent une fois par an (merci à eux) ».

Le poète questionne aussi le sens de l'Histoire avec un grand H. Là encore, il est plutôt pessimiste ; selon lui, « l'Histoire aime les perdants et les perdants aiment perdre » et « il n'y aura jamais d'apaisement avec l'Histoire de France ». Comment alors échapper à cette violence historique, à ses dévastations ? « Il faut savoir en rire pour tenir le corps dans la tempête, plier sans rompre oui, le grand rire cassé qui trépigne dans l'au-delà des évidences ».
Marius Loris pose la problématique de la « violence légitime », « espère [les criminels contre l'humanité] dans la terreur de la mort et de la folie, guettés par les fantômes borgnes de l'Histoire ».

Le recueil finit-il sur une note optimiste ? Pas vraiment… La loi travail est passée avec le 49.3, souvenez-vous : « les rêves et les idées meurent comme les hommes, et les espérances peuvent elles aussi mourir »…
Le poète, cependant, célèbre l'homme, l'amitié, la fraternité et le compagnonnage et se retrouve dans l'amour partagé avec B : « vous vous croyez innocent quand vous dites j'aime cette femme et vous voulez conformez vos actes à votre amour, mais en fait vous commencez la Révolution STOP Je commence la Révolution dans les bras de B et je réalise que je me dois à elle, je me dois à l'amour ou alors il n'y a aucune loi sur terre et rien n'est vrai STOP je l'aimerai encore toute la nuit et le lendemain et le lendemain encore … STOP ».

Je ne connais pas les influences de Marius Loris… Je ne connais que mes propres références poétiques. Pour intellectualiser ma chronique, je me permets de faire un rapprochement avec Émile Verhaeren, notamment avec « le Port », « La Révolte » et « Les Idées », poèmes issus des Villes tentaculaires. Je vois aussi des passerelles possibles avec Apollinaire, par exemple avec « Zone », dans le recueil Alcools, où le poète évoque les sujets qui le préoccupent dans une poésie urbaine, avec des ambiguïtés sémantiques, des ruptures, une prise de liberté avec la ponctuation et une forme de cubisme littéraire. Je retrouve aussi Rimbaud avec ses poèmes en prose d'Illuminations, dans une relation dynamique au monde et une certaine compréhension du rapport à l'altérité, mais hermétique et hallucinatoire parfois.

Mais tout cela n'est que subjectivité et interprétation… STOP !
Je recommande Matraque chantilly Journal STOP. C'est une lecture difficile, une poésie compliquée mais très belle, brute mais sincère, douloureuse comme une plaie non cicatrisée…
À découvrir, à déclamer, à méditer… À lire et à relire.
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L'auteur nous donne à lire le journal qu'il a tenu du 15 mars au 23 juin 2016 ; quand on vit au coeur de l'effervescence parisienne des manifs de contestation de la loi travail, au rythme d'une population qui craint les attentats autant qu'elle souffre de la situation d'état d'urgence, on a forcément pas mal de choses à dire. Mais encore faut-il être capable de coucher sur papier les particules de cette singulière ambiance, et avec les bons mots, s'il vous plaît.

Marius Loris y parvient fort bien, d'une manière toute personnelle et très imagée ; lorsqu'il arpente les rues de la capitale sous un ciel changeant et dans une atmosphère électrique, rien n'échappe à son regard et à sa plume : petits commerces, visages remarquables à défaut d'être remarqués, grévistes furieux encadrés de très très près par la police...

Les revendications sociales, les injustices n'empêchent pas la roue du temps de tourner pour tout le monde, vers l'avant ou vers l'arrière, voilée ou pleine. Se battre pour les autres, immortaliser leur combat par la poésie, oui. Utiliser ce dessein altruiste pour n'avoir pas à faire face à sa propre vie : non. Dans Matraque Chantilly - Journal Stop, le poète alterne entre les pages consacrées à la révolte populaire contre les abus des intégrismes, des politiques et des CRS, et celles relatant ses états d'âme : phase de deuil suivant à la perte d'une personne chère, la nostalgie, évocation d'un week-end au vert, agacement de l'artiste confronté à un manque d'inspiration passager..




Comme le titre l'indique, le "journal" Matraque Chantilly est ponctué de STOP. A y regarder de plus près, il semblerait que très souvent ce "STOP" remplace le point final d'une phrase, si bien qu'on croirait que le texte est destiné à être dicté à un opérateur télégraphiste. Ce choix d'écriture donne une impression de tassement des mots et des idées, de vitesse puis d'arrêt brutal, pour mieux repartir _mais pas forcément dans le même sens. En fait, ce journal étendu entre mars et juin 2016 ressemble, de loin, au long cortège d'une manifestation qui avance à petits pas, interrompue puis poussée vers son point de rassemblement, avant d'être bloquée par les forces de l'ordre. Un pas en avant plein de tension, deux pas en arrière malgré les intentions belliqueuses, suivis d'une pause qui nous permet de ne pas louper toutes ces situations incongrues et risibles qui font le charme de la capitale lorsqu'elle s'agite.

N'appréciant guère la poésie, j'ai du passer à côté d'une multitude de prouesses réalisées par l'artiste ; beaucoup de références ont du m'échapper. Il est possible que je vous parle très mal d'un livre qui mérite bien d'être lu. Alors je me contenterai de vous dire que j'ai été touchée, sans trop savoir pourquoi, par pas mal de phrases et d'images contenues dans Matraque Chantilly : journal STOP.

Lien : http://pulco-suivezlepapillo..
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Matraque Chantilly de Marius Loris est un recueil de poèmes vifs et percutants qui retrace sous la forme d'un journal poétique les événements du printemps 2016. Ce jeune poète nous confronte à la réalité, la vraie, celle qui est dérangeante, qui est injuste. Nous prenons en pleine face ce qui doit être dit, dénoncé, revendiqué. Marius Loris nous plonge au coeur de l'effervescence des manifs de ce printemps 2016, et met en évidence tout ce qui ne tourne pas rond. Ce recueil est un véritable arrêt sur image. Les phrases sont ponctuées de STOP. STOP, il faut que cela s'arrête, STOP, réagissons, STOP. Ce recueil invite à revenir sur ces événements et nous donne à penser notre système et notre fonctionnement actuel. Une très belle découverte que j'ai pu réaliser grâce à l'opération masse critique de Babelio en partenariat avec les éditions Atelier de l'agneau. Par ailleurs, cerise sur la chantilly, je remercie l'auteur pour sa très belle surprise en dédicaçant l'exemplaire que j'ai reçu. Une attention que j'ai beaucoup appréciée. Un grand MERCI!
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
STOP je rentre, l’anus de la ville du métro aspire la conscience repartir dans le tourbillon se bousculer aux contrôleurs aux gens, tous anonymes tous seuls dans leurs habits de citadins trop grands pour eux, une journée productive non mais deux conversations avec des phrases c’est déjà beaucoup dans ce cataclysme contemporain où langage bouillie main Stream post-moderne à la crème chantilly STOP

[…]

STOP se saouler avec l’aimée et les amis dans leur mansarde du 18ème oublier la colère la violence des corps une fois juste une heure ou deux avant réveil dur comme sexe béton STOP faire amour fort et avec le plus de tendresse non difficile le corps car encore colère et alcool, on s’aime et c’est seule chose à sauver dans anus du monde où on respire à morve déployée STOP

[…]

STOP l’arrivée à Paris c’est comme un coup plexus uppercut visage comme flashball dans testicule broyée sous le choc ou crochet dans le foie STOP violence des personnes violence des mots violence une nouvelle fois de notre altérité radicale : la police STOP comment traiter en homme ceux qui déshumanisent ? STOP

[…]

STOP il faut aimer et s’aimer assez pour aimer l’autre qui vous aime seulement si vous l’aimez assez et si pas assez s’arrêtera l’amour STOP

[…]

STOP la poésie est fracturée et irréconciliable, il faut faire sécession de ces pratiques-gens-bouche-neurones-langues déconnectées d’une vie qui écrase le commun mais jamais leur présent jouisseur STOP la poésie est le trébuchet, le marteau-piqueur sinon rien, pas une lyre ni une rose ou alors du papier chiotte bonbon jusqu’à l’indigestion STOP
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