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EAN : 9782714311368
181 pages
José Corti (08/01/2015)
4.5/5   9 notes
Résumé :
L’histoire nous apprend que Hendrickje Stoffels (1626-1663), entrée au service de Rembrandt après la mort de Saskia et l’internement de Geertjhe, devint la maîtresse du peintre. Elle fut sa dernière compagne, son modèle de prédilection et la nourrice de son fils, Titus. Tous les biographes la présentent comme une femme entièrement dévouée à son maître dont elle fut le principal soutien dans les années noires qui suivirent sa faillite et la liquidation de ses biens.... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Hendrickje la servante va naître au désir. Elle va prendre vie sous le pinceau de Rembrandt qui, lui, renaît à son contact alors qu'il traverse la période la plus sombre de sa vie.
p 61 Elle penche son visage vers son propre reflet d'absence et elle se trouve alors tellement présente à elle-même que le sourire de sa profondeur monte irrésistiblement jusqu'à sa face qu'il éclaire d'intelligence, de connaissance, de complicité avec l'être et le destin. le Maître ne la regarde pas mais il entend son silence et il traduit ce qu'elle sent à mesure qu'elle le sent.

Les jeux d'ombre et de lumière habitent tout le livre comme ils jaillissent sous le pinceau du Maître quand il traduit la lumineuse opalescence de la chair de Hendrickje, quand le peintre va, face à la blancheur de la toile, dans son atelier où « l'heure est à l'ombre, à celle qui reflue du plus profond de l'être et qui va chercher sa confirmation jusque la lumière dorée dont la femme est pétrie », engendrer le « fascinant alliage de richesse charnelle et de ténèbre spirituelle » qui le relie à Hendrickje.

Un livre qui réunit tous les thèmes qui habitent l'oeuvre de Claude Louis-Combet, l'érotisme, les mythes et le féminin qui apparaissent dans les tableaux de Rembrandt avec Danaé, Pasiphaé et Bethsabée, la profondeur des luttes intérieures et le labyrinthe de leurs secrets.

Quelle beauté dans cette écriture qui se fait peinture pour atteindre tous les registres de l'âme humaine !!! En montant du plus intime, du plus caché, l'auteur parvient à dessiner et peindre à l'aide de mots, le chatoiement lumineux d'un corps et le sourire discret qui apparaît sur le visage aux yeux baissés de Hendrijcke quand elle pose et devient Bethsabée. C'est magique.
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Louis-Combet Claude – "Bethsabée, au clair comme à l'obscur (mythobiographie d'Hendrickje Stoffels)" – Corti, 2015 (ISBN 978-2-7143-1136-8)

Ce qui frappe en tout premier lieu lors de la lecture de cet ouvrage, c'est bien la qualité esthétique extra-ordinaire de l'écriture, qui atteste immédiatement de l'aptitude de l'auteur à se mesurer à cette oeuvre essentielle, fondamentale qu'est la "Bethsabée" de Rembrandt.
Dans une toute autre approche, certes, Claude Louis-Combet me fait ainsi penser au Proust rendant littérairement l'oeuvre d'un imaginaire Elstir ou encore à Patrick Grainville fouillant le rapport entre le maître peintre et la chair humaine du modèle dans son "Atelier du peintre". J'éprouve une profonde admiration pour ces écrivains qui parviennent ainsi à rendre compte par l'écriture (discursive par nature) d'un art aussi différent par l'immédiateté (apparente) de son moyen d'expression.
Ces écrivains ne se lancent dans un tel défis qu'après avoir travaillé longuement leur écriture à travers d'autres ouvrages, et Claude Louis-Combet ne fait pas exception à cette règle, puisqu'il a déjà beaucoup publié.

Ce qui m'amène à la deuxième caractéristique garantissant la solidité de cette entreprise hors du commun : l'auteur sait parfaitement ce qu'il vise, il poursuit un objectif qu'il appelle une "mythobiographie" et qu'il expose clairement dans son ouvrage, plus spécialement à deux reprises (pp. 84-90 puis 150-153 - voir citations)

En effet, Hendrickje Stoffel appartient à cette population de très humble extraction qui ne laisse habituellement aucune trace dans les Grands Travaux des Eminents z'Historiens (surtout dans la tradition universitaire franchouillarde) : il semble d'ailleurs qu'Hendrickje ne savait ni lire ni écrire.
Inversement, la vie de Rembrandt est très connue, un ouvrage aussi épais que laborieux comme celui de Gary Schwartz (intitulé sobrement "Rembrandt" et publié chez Flammarion en 2006, voir recension) en fait le tour quasiment minute par minute, sans fournir pour autant la moindre explication spirituelle essentielle.
Fort justement, fort simplement, pour étayer sa mythobiographie, l'auteur s'appuie sur la mine que constituent toutes les représentations (dessins, eaux fortes, peintures etc) de sa compagne produites par Rembrandt : la mythobiographie n'est pas si "mytho" que son appellation ne le laisserait supposer...

Enfin, pour fonder son projet, l'auteur s'appuie sur sa propre perception de ce tableau fondateur que fut pour lui (et pour tant d'autres) la représentation magistrale de la Bethsabée. Il y a là une part d'interprétation subjective que je ne partage pas, faisant d'Hendrickje la "servante" du "Maître" – deux termes employés à de multiples reprises, qui – même s'ils ne s'appliquent ici qu'au domaine artistique du modèle posant pour le peintre – me semblent inappropriés. Pour ma part, plus je regarde ce tableau, plus je suis persuadé qu'il repose sur un profond respect de l'Homme-Rembrandt envers sa Compagne-Hendrickje.

Cette divergence avec l'auteur ne m'interdit pas d'identifier un point d'accord autrement plus fondamental : tout comme Claude Louis-Combet, je suis persuadé que cette oeuvre ne pouvait apparaître sous le pinceau de Rembrandt qu'à travers le vécu de la fusion entre les liens spirituels et charnels qui – les nombreuses autres représentations en attestent – furent consubstantiels à la relation entre cette femme-là et cette homme-là et firent éclore ce nu d'une grande pudeur, d'une intériorité spirituelle probablement sans égal dans toute l'histoire de la peinture occidentale.

Je termine par un point que l'auteur n'aborde pas du tout : cette représentation d'Hendrickje en la Bethsabée biblique repose sur une relation femme-homme qui n'existe plus de nos jours.
- D'abord parce qu'elle présuppose une culture spirituelle (fondée ici sur la Bible, mais peu importe, le Livre Saint ne sert ici que de support à une réflexion spirituelle profonde, traversant toute l'oeuvre de Rembrandt) qui est bafouée et même combattue dans notre société centrée sur un matérialisme consumériste immédiat.
- Ensuite parce qu'elle suppose du Respect et de la Pudeur au sens le plus fort de ces termes – deux notions "ringardisées" aujourd'hui, la plus grande partie de gent féminine s'ingéniant le plus souvent à exhiber son anatomie dans une démarche marchande plutôt vile visant à une "réussite" sociale et professionnelle tout à fait intéressée.
- Enfin parce que l'ensemble de notre société se vautre dans une pornographie plus ou moins déguisée contribuant à une marchandisation du corps humain (féminin ou masculin) et rendant impossible le regard que Rembrandt avait pour Hendrickje.

Un livre incontournable pour toutes celles et ceux qui savent encore combien l'oeuvre de Rembrandt-Hendrickje nourrit la vie de tous les jours.
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Claude-Louis Combet : Bethsabée, au clair comme à l'obscur (2015)
Le livre est présenté comme une « mythobiographie » d'Hendrickje Stoffels, servante, modèle et maitresse de Rembrandt après la mort de Saskia. L'auteur est inspiré par le regard intérieur, la concentration et la nudité de Bethsabée lisant la lettre du roi David dans le fameux tableau du Louvre dont il avait la reproduction dans sa chambre d'adolescent. La plongée du « rêveur », de « l'enfant gris » dans le tableau puis dans la pensée du peintre et du modèle est prodigieuse. Une énorme rêverie mystique, métaphysique, érotique et poétique s'attachait aux formes du corps féminin mais avec le souci jamais démenti de rejoindre l'être par delà les prestiges de la nudité. La prose est riche et facile. La fusion mystique, charnelle et ontologique est longtemps fascinante. Puis le texte devient redondant et laisse une impression d'enfermement et de chagrin, renforcée par les deuils des dernières pages.
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Que dire de plus après la très belle critique de Nadedja. Magnifique livre dans lequel , "À travers la figure de Bethsabée et le destin de Rembrandt, Claude Louis-Combet offre un cantique à la gloire de l'art et du corps féminin".
Considéré comme l'un des plus grands peintres hollandais, Rembrandt n'en connut pas moins la douleur avec la perte de son épouse et la mort de ses enfants. Il mourut lui-même dans le plus grand dénuement. Sans argent, il fut néanmoins inhumé dans l'église de Westerkerk. Une plaque commémorative y fut apposée en 1906. Toutefois,il ne reste plus aucune trace de cette tombe de nos jours.
Quant à Hendrickje, l'Eglise considérant scandaleuse son union avec Rembrandt et ayant réprouvé le "tableau maudit" que fut Parsifaé, dans lequel elle figura, elle fut appelée à comparaître devant le Tribunal ecclésiastique.
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Fabuleux !
C'est avec ce roman "mythobiographique" (comme le qualifie l'auteur) que j'aborde Claude Louis-Combet, un auteur dont j'ignorais l'existence (comment avais-je pu l'ignorer ?!)
C'est l'histoire (?), reconstituée de l'intérieur, entre Rembrandt et Hendrickje Stoffels, sa servante devenue sa compagne, son modèle.
Comment peut-on entrer ainsi dans l'esprit, les préoccupations de ces deux personnages qui n'ont laissé aucun journal intime ? le romancier possède une imagination fabuleuse pour nous faire accéder aux désirs, aux rêves, aux interrogations du peintre et de sa compagne. C'est d'autant plus impressionnant que la langue est d'une maîtrise dans ses circonvolutions, dans son rythme de vague qu'elle me laisse pantois d'admiration.
La plus forte lecture, pour l'heure, de cette année.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
p 74 … elle avait sombré dans son rêve de prédilection : rêve de marée montante, de grand large et de grandes largesses, de plénitude d’être et fertilité de femme. Elle voyait son corps au-dedans comme une vaste prairie de fleurs et d’écume à la surface des flots, mobile comme eux, soulevée et affaissée, rythmiquement, comme si les eaux antérieures respiraient au fond, par-delà toutes racines, dans la ténèbre de la terre féconde, avec des mouvements et une rumeur de poitrine, en quoi elle reconnaissait indistinctement le souffle de l’amant, endormi à ses côtés, et le brassage marin du ciel et de la campagne en fleurs, à Noorstrand, les nuits de printemps
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Dans le petit atelier, clos, silencieux, pénombreux comme un cabinet d'intimités, Hendrickje goûtait, sans jamais se lasser le sentiment d'un temps hors de la vie, immobile et infini. Le Maître ignorait toute précipitation. Il avait les gestes lents même lorsque, cessant d'appuyer sa touche, il effleurait la toile et amenait les couleurs à la transparence, à de sourdes émanations de lumière dont la ténuité faisait vibrer et palpiter l'espace nocturne du tableau tout entier. C'était un travail d'extrême délicatesse et d'extrême patience qui ne pouvait se dérouler que dans la longueur d'une méditation contemplative. P 8
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Quand elle posait, nue, dans l’atelier, assise sur un monceau de tapis et draperies, Hendrickje n’en revenait pas d’exposer son ventre immense au regard du Maître et de tous les hôtes de la nuit, cachés dans les recoins, qu’elle ne pouvait distinguer, mais qui l’observaient et dont le désir rendait l’ombre sensible comme la corde d’une vielle.
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De son pinceau délicat et fort, tout à la fois, il créait le corps désiré de la fille du Soleil, il lui dressait les seins, l'un dans la pénombre, l'autre dans les commencements de la lumière, il lui courbait les reins, il lui faisait offrande, comme d'une promesse d'éternité de vie, d'un vaste flanc, apte à loger en lui non seulement le membre du Taureau, mais toute l'énergie d'Eros qui renouvelle sans fin la Nature et les Äges.
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"De cette relation qui ne s'épuisait pas dans les anecdotes de la biographie mais paraissait bien relever de la métaphysique de l'amour, une interrogation se dégageait, avec insistance : quelle qualité d'être appartenait en propre à Hendrickje jusqu'à l'associer aussi intimement et nécessairement à la création de Rembrandt [...] Naturellement, une telle affirmation, même sous sa forme de questionnement, soutient un caractère purement subjectif. L'homme du texte n'en a cure. Il poursuit son rêve éveillé et sa rêverie mémorielle. Il songe, hors du temps et sans s'encombrer de l'artifice des preuves..." (p. 89)
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Video de Claude Louis-Combet (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Claude Louis-Combet
Otto Rank (1884-1939), la volonté créatrice : Une vie, une œuvre (1997 / France Culture). Diffusion sur France Culture le 3 avril 1997. Par Bénédicte Niogret. Réalisation : Jean-Claude Loiseau. Avec Pierre Bitoun, Claude-Louis Combet, Alain de Mijolla, Aimé Agnel et Judith Dupont. Avec la voix d’Anaïs Nin. Textes dit par Jean-Luc Debattice. Otto Rank, né Otto Rosenfeld le 22 avril 1884 à Vienne et mort le 31 octobre 1939 à New York, est un psychologue et psychanalyste autrichien. D'abord membre du premier cercle freudien, secrétaire de la Société psychanalytique de Vienne et membre du « comité secret », l'évolution de ses recherches lui vaut d'être exclu de l'Association psychanalytique internationale en 1930. Il est considéré comme un dissident du mouvement international. Otto Rank est originaire de Vienne, issu d'une famille de la moyenne bourgeoisie juive. Fils de l’artisan d’art Simon Rosenfeld, il est contraint, dans un premier temps, de travailler lui-même comme artisan et de renoncer aux études supérieures. Il prend le nom de Rank à l'âge de dix-neuf ans, en référence au bon Dr Rank de la pièce d'Ibsen, "La Maison de poupée". Il lit à vingt ans "L'Interprétation des rêves" de Freud et écrit un essai que le psychanalyste Alfred Adler transmet à Freud. Il devient dès lors un psychanalyste du premier cercle et, en 1906, devient le premier secrétaire de la Société psychanalytique de Vienne et à ce titre, l'auteur des transcriptions des minutes de la société viennoise (conférences et d'échanges), de 1906 à 1918. En 1924, il publie "Le Traumatisme de la naissance", s'intéresse à ce qui se trouve avant le complexe d'Œdipe et propose une vision différente de celle de la psychanalyse d'orientation freudienne. Sigmund Freud l'analyse brièvement jusqu'à fin décembre 1924 puis le rejette ; Rank se trouve exclu des cercles psychanalytiques freudiens. En 1926, Rank s'installe à Paris, devenant l'analyste d'Henry Miller et d'Anaïs Nin, avec qui il a une courte liaison. Il voyage en Amérique, où il rencontre un certain succès. Il est invité notamment à la société de Rochester pour la Protection de l'enfance en danger où travaille alors Carl Rogers. Il est exclu de l'Association psychanalytique internationale le 10 mai 1930. En octobre 1939, il meurt à New York à l'âge de 55 ans, des suites d'une septicémie.
Sources : France Culture et Wikipédia
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