UNE ETUDE EN FRUSTATION
Prière d'insérer : Un jour où, comme à l'accoutumée, il mène glander les porcs à travers la chênaie, un jeune paysan voit un carrosse s'arrêter dans le chemin. Une fille très parée en descend et trousse haut ses jupes sous les yeux stupéfaits de l'enfant caché dans les fougères. Cette apparition éblouissante, la chair blanche et les dentelles, le pouvoir qu'ont les puissants de jouir avec arrogance du luxe et de la beauté, il va désirer les faire siens. Arraché à sa condition, il restera pendant vingt ans au service du peintre Claude le Lorrain. Mais la peinture n'aura pas su le faire prince et combler ses espérances. C'est, pour finir, au coeur des bois qu'il se taille son royaume, un royaume sans illusions, simple et noir, fait de jouissances immédiates et d'un dépit triomphant qui fait résonner dans l'ultime phrase du livre ses accents diaboliques : "Maudissez le monde, il vous le rend bien".
Un récit très court où tout l'art d'écrire de
Pierre Michon semble se condenser en un texte d'une puissance stylistique inouïe. Entendre par inouï une maîtrise parfaite de l'articulation des phrases, un goût sûr dans le choix des mots les plus appropriés, un savoir-faire grammatical particulièrement adapté à l'expression du récit.
"Maudissez le monde, il vous le rend bien". Que dire de plus ? Cela vous dit tout sur ce que le mot frustration recouvre....
A lire !