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sur 379 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Le naufrage des civilisations de Amin Maalouf m'a pris de court, j'avais une bonne idée de l'histoire du Proche-Orient que l'auteur nomme le Levantin. J'avais une vision Occidentale de ces peuples et de leurs aspirations, l'auteur nous parle de deux dates qui ont changé la donne soit 5 juin 1967 et l'année 1979. Avant cette défaite Arabe en 1967 (guerre des six jours) pour les arabes en général la religion était en second plan, la liberté, la démocratie et les valeurs laïque prenant le discours comme une lumière chassant les ténèbres tel un vent de fierté venant d'Égypte, les Frères Musulmans et leur liturgie étaient un sujet de moquerie car les femmes et les hommes de cette époque sans renier leur histoire ne voulais pas de ce retour en arrière. Voir Nasser et le peuple en vidéo (YouTube) se moquer des religieux et surtout des Frères Musulmans a quelque chose de nostalgique quand on sait maintenant que l'Arabie Saoudite et les Frères Musulmans sont les principaux commanditaires du port du voile par les femmes en Occident fournissant temps argent et antennes jetant sur nos sociétés l'opprobre du mécréant. La défaite de 1967, l'élection de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan (fin de l'intervention de l'état dans le monde des affaires, victoire de l'égoïsme selon les principes d'Adam Smith) et la révolution Islamique en Iran ont allumé un feu qui se propage encore de nos jours et peut-être éteindre la liberté sur cette planète. L'auteur est un témoin de son temps qui nous parle de tous ces rendez-vous manqués avec eux-mêmes et le monde. Un livre qui se lit comme un recueil de poèmes comme une histoire d'amour ou les amants ont pris de chemins autres que la raison. Ce que l'auteur nous dit à sa façon c'est ce qui est arrivé en Égypte, au Liban, en Syrie, en Iran et en Afghanistan peut arriver chez nous à tout moment.

https://www.youtube.com/watch?v=D-DZUnh8-Ro&fbclid=IwAR2Voa_V--56GsLhQy8hzLYT1Gt1H6EuWyVuM3ONVhseNnzL9BL0qaabXFQ
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Amin Maalouf a 73 ans. Il peut se permettre de faire le bilan du monde qu'il a traversé. Et il le fait très bien, en historien. Il part de sa propre expérience avec son enfance en Égypte et au Liban, alors pays très cosmopolites à la culture flamboyante. Il décrit très bien ce qui amena la situation à se dégrader par la survenue d'événements à peu près concomitants à la fin des années 70. La date charnière serait 1979. Deux bouleversements majeurs constitués d'une part, par l'arrivée au pouvoir à Londres de Margaret Thatcher et ses mesures néolibérales et l'autre à Téhéran avec l'arrivée de l'Ayatollah Khomeiny et la fondation de la république islamique. Ce qu'il appelle l'année du « grand retournement ». Mais bien sûr, d'autres facteurs géopolitiques que Amin Maalouf analyse très bien nous portera jusqu'à la situation présente, assez catastrophique. On peut ajouter les dérives technologiques, sécuritaires – il cite souvent Orwell – et le réchauffement climatique. Ce livre est un constat, celui d'un homme vieillissant qui se rend compte des erreurs collectives passées, et qui ne laisse pas beaucoup d'espoir à l'humanité. Assez pessimiste – réaliste – ce livre se lit aisément et apporte une pierre de plus à la conclusion actuelle d'une majorité d'intellectuels sur la situation désastreuse, sur tous les plans, de la planète.
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Je ne connaissais pas Amin Maalouf sous la version essayiste, et je dois dire "mea culpa", car ce livre outre à nous faire réfléchir, nous interroger, est d'une précision historique chirurgicale. Beaucoup d'événements que l'on connait, ou du moins en grandes lignes, nous les revivons grâce à sa plume ensorceleuse avec toutes ses petits détails et ces tragédies qui auront bien entendu des conséquences sur le monde d'aujourd'hui. Les alliances, les complots, les assassinats, les guerres, les politiques , un chaudron où l'Histoire d'un Game of Throne fait pâle figure à côté. Je ne vais pas vous décrire ce que l'auteur a réellement vécu, tout d'abord en tant que journaliste, ou bien entant qu'intellectuel qui relie les causes et les effets avec brio. Non cela, je vous laisse le découvrir par vous même, car qui suis-je pour donner raison ou tort à ces réflexions, chacun pourra y puiser à sa guise. Mais il y a une vérité que j'ai vécu moi aussi, que j'aimerai partager avec vous , comme le dit si bien l'auteur:""ce que je regrette, c'est la disparition d'un certain état d'esprit qui a existé du temps des empires, et qui considérait comme normal et légitime que des peuples vivent au sein d'une même entité politique sans avoir forcément la même religion, la même langue, ni la même trajectoire historique".
L'enfance de l'auteur au Liban, nous révèle exactement cette idée de tolérance que nos sociétés ont bien oublié.
La richesse de ce livre est dans le détail, le raisonnement et dans les sentiments humains qui traversent cette odyssée à travers notre histoire humaine. Nous sommes en plein naufrage, mais nous n'avons pas encore coulé.
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Encore une fois, et plus que jamais, Amin Maalouf assume sa place de conscience morale de notre époque. Cet essai, avant d'être une sonnette d'alarme prédisant les multiples menaces de naufrage qu'encourt l'humanité avec ses civilisations plurielles, est d'abord un livre d'Histoire du XXe siècle, ou plus exactement des cent dernières années. Il possède une thèse qu'il démontre avec brio : c'est bien la fin du monde levantin, et de ce creuset d'humanisme qu'il a incarné et alimenté, qui nous a précipité dans la tempête ; non que le système politique (ottoman ou en général impérial) fût idéal, mais parce que la situation anthropologique qu'il avait permis contenait des antidotes contre des forces mortifères qui se sont déchaînées depuis. Moi qui ai vécu dans et travaillé sur la levantinité ne peux qu'ajouter un attachement sentimental à mon adhésion intellectuelle à cette approche historico-politique.
Cependant, je reconnais que de l'extérieur l'on puisse se demander – critique qui a déjà été adressée à Maalouf – si ce n'est pas sa propre position, voire sa propre identité, qui lui dicte sa lecture ; si la démonstration et donc ses prédictions sobrement alarmistes ne se voient pas fragilisées par la centralité qu'il accorde, notamment, à l'histoire du monde arabe en particulier depuis Nasser. Je pense en particulier, comme l'auteur qui s'entoure de précautions, à ces deux phrases de la conclusion :
« Je demeure convaincu [...] que si le Levant pluriel avait pu survivre et prospérer et s'épanouir, l'humanité dans son ensemble, toutes civilisations confondues, aurait su éviter la dérive que nous observons de nos jours. C'est à partir de ma terre natale que les ténèbres ont commencé à se répandre sur le monde. » (p. 328)
En effet, le livre s'organise autour de quatre longs chapitres, dont les deux premiers se centrent sur le monde arabo-musulman. le Ier « Un paradis en flammes » traite des conséquences longues du démembrement de l'Empire ottoman sur la disparition du cosmopolitisme pacifique et humaniste, en particulier en Égypte et ensuite au Liban : une période dont l'auteur n'a pas été témoin mais récepteur du récit familial ; II « Des peuples en perdition » traite de l'avènement de la « haine de soi » chez les Arabo-musulman : il est question à la fois des guerres arabo-israéliennes, avec une centralité tout-à-fait particulière pour celle dite des « Six Jours » de juin 1967, et aussi du débat politique d'arrière-plan qui, parmi les musulmans à l'instar de tout le monde, se caractérisait par la dialectique pour ou contre le marxisme et le tiers-mondisme ; III « L'année du grand retournement », indique comme date emblème l'année 1979 : l'année de la révolution conservatrice de Thatcher et Reagan mais aussi celle de l'ayatollah Khomeiny en Iran, sans oublier (à un an près) celle du Parti communiste chinois de Deng Xiaoping ; année également de l'enterrement du projet du « compromis historique » en Italie suite au meurtre d'Aldo Moro, et du début de la chute de l'Union soviétique par son invasion catastrophique de l'Afghanistan, ayant produit l'apparition du jihadisme moderne globalisé qui a pour acte de naissance l'assaut de la grande mosquée de la Mecque (novembre 79) ; IV « Un monde en décomposition » se limite donc à relater certaines parmi les répercussions de ces événements qui, dans leur synchronicité, ont ouvert l'approche historique sur un angle mondial : conséquences de l'étrange renouveau de la croyance en la mystérieuse « main invisible » en économie, fragmentation des nations et nouvelles solidarités tribales et claniques, diffusion planétaire, par le changement du paradigme économique, de la corruption, de la fraude et de la rapacité, incapacité américaine de succéder à la bipolarité et méfiance mondiale envers toute tentative de gouvernance supra-nationale, tentations orwelliennes de renoncement à la liberté au profit de la sécurité, inaptitude à gérer les défis environnementaux et ceux des nouvelles technologies...
Pour ma part, même si l'on réfutait la thèse du livre, même si l'on contestait la position de l'observateur – journaliste avant de devenir auteur –, même si l'on doutait de ses conclusions au nom du principe « post hoc non est propter hoc », il resterait une analyse historique impeccable, possédant suffisamment de hauteur pour assurer la stature de l'Académicien (successeur de Claude Lévi-Strauss) que Maalouf incarne admirablement. Merci pour ce livre.


Cit.


« Je ne doute pas qu'il se trouve, sous tous les cieux, d'innombrables personnes de bonne volonté qui veulent sincèrement comprendre l'Autre, coexister avec lui, en surmontant leurs préjugés et leurs craintes. Ce qu'on ne rencontre presque jamais, en revanche, et que je n'ai connu moi-même que dans la cité levantine où je suis né, c'est ce côtoiement permanent et intime entre des populations chrétiennes ou juives imprégnées de civilisation arabe, et des populations musulmanes résolument tournées vers l'Occident, sa culture, son mode de vie, ses valeurs.
Cette variété si rare de coexistence entre les religions et entre les cultures était le fruit d'une sagesse instinctive et pragmatique plutôt que d'une doctrine universaliste explicite. Mais je suis persuadé qu'elle aurait mérité d'avoir un grand rayonnement. Il m'arrive même de penser qu'elle aurait pu agir comme un antidote aux poisons de ce siècle. » (p. 78)

« Je me suis souvent demandé s'il n'y avait pas eu, dans l'histoire du communisme, dès l'origine, un énorme sous-entendu, partagé de manière consciente ou inconsciente par les fondateurs, par les adeptes, comme par les détracteurs, et qu'on pourrait formuler comme suit : ce n'est pas seulement aux prolétaires que Marx a promis, en quelque sorte, le salut, mais également aux minoritaires, à tous ceux qui ne pouvaient s'identifier pleinement à la nation qui était censée être la leur. C'est ainsi, en tout cas, que beaucoup de gens ont compris son message. » (p. 98)

« Désormais, c'est le conservatisme qui se proclamerait révolutionnaire, tandis que les tenants du "progressisme" et de la gauche n'auraient plus d'autre but que la conservation des acquis. » (p. 170)

« J'ai dit que les régimes communistes avaient déconsidéré pour longtemps les idées universelles qu'ils étaient censés promouvoir. Je me dois d'ajouter que les puissances occidentales ont, elles aussi, abondamment discrédité leurs propres valeurs. Non parce qu'elles ont combattu avec acharnement leurs adversaires marxistes ou tiers-mondistes – cela, on pourrait difficilement le leur reprocher ; mais parce qu'elles ont instrumentalisé avec cynisme les principes universels les plus nobles, au service de leurs ambitions et de leurs avidités ; et, plus que cela encore, parce qu'elles se sont constamment alliées, particulièrement dans le monde arabe, aux forces les plus rétrogrades, les plus obscurantistes, celles-là mêmes qui allaient un jour leur déclarer la plus pernicieuse des guerres.
Le spectacle affligeant que la planète présente en ce siècle est le produit de toutes ces faillites morales, et de toutes ces trahisons. » (p. 206-207)

« Un monde apeuré, où la surveillance quotidienne de nos faits et gestes serait dictée par notre désir réel et légitime d'être protégés à chaque instant, n'est-il pas, finalement, plus inquiétant encore qu'un monde où cette surveillance serait imposée de force par un tyran paranoïaque et mégalomane ? » (p. 308)
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Une nouvelle fois je suis conquise par le récit d'Amin Maalouf.

A travers un texte émouvant, parfois biographique, emprunt de sincérité, Amin Maalouf nous livre sa réflexion sur le monde d'aujourd'hui en s'appuyant sur les évènements des 80 dernières années.

De l'Egypte au Liban, de la Syrie à l'Afghanistan, l'évolution du proche orient et plus généralement du monde arabe est expliquée avec pédagogie et objectivité.

L'intervention récurrente des pays occidentaux dans la gestion politique de cette zone dictée par des intérêts court termes a contribuée à la déstabilisation d'un ensemble fragile.

Bien entendu, Amin Maalouf est vigilant à ne pas juger avec les yeux d'aujourd'hui les évènement d'hier, mais cette vision d'ensemble des évènements analysés avec recul montre comment chaque décision a conduit inexorablement à la perte d'une identité culturelle et à une quête insatiable de reconnaissance.

Regard plutôt pessimiste sur la situation, Amin Maalouf exhorte le lecteur à garder espoir en appelant au développement d'une conscience universelle.

Cette analyse historique très précise et magnifiquement écrite m'a donné à voir un proche orient différent de celui que je connaissais et une compréhension nouvelle des évènements du siècle dernier.




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UNE LEÇON D'HISTOIRE

Le Prologue : "Ce que réserve l'avenir, seul les dieux le connaissent."

Cavafy. 

Déjà, merci pour Cavafy!

Le Poète n'est pas cité par hasard. le premier Paradis Perdu de Maalouf est l'Egypte cosmopolite d'avant Nasser.  C'est aussi l'Egypte de Cavafy.

En introduction Amin Maalouf écrit :

"C'est dans l'univers levantin que je suis né? Mais il est tellement oublié de nos jours que la plupart de mes contemporains ne doivent plus savoir à quoi je fais allusion

Il est vrai qu'il n'y a jamais eu de nation portant ce nom. Certains livres parlent du Levant, son histoire reste imprécise, et sa géographie, mouvante - tout juste un archipel de cités marchandes, souvent côtières mais pas toujours, allant d'Alexandrie à Beyrouth, Tripoli, Alep ou Smyrne, et de Bagdad à Mossoul, Constantinople, Salonique, jusqu'à Odessa et Sarajevo"

En plus de l'incendie du Caire il y a le naufrage de ce Levant. Levant évoqué dans d'autres lectures qui me sont proches "Nous autres levantins" de Benny Zieffer ou "Istanbul était un conte" de Mario Levi. Et cette coexistence de peuples, de religions de cultures différentes mais voisines, des empires Ottomans et Austro-Hongrois est depuis longtemps passée de mode! 

Vu de Beyrouth, Maalouf nous fait une leçon d'Histoire, aussi passionnante qu'un roman. Une histoire qui n'est pas uniquement levantine, une histoire qui soulève les espoirs de toute une gauche marxiste. Il rappelle qu'avant que l'islamisme politique ne colonise la région (et le monde entier, jusqu'à l'Indonésie) il existait des mouvements laïques, internationalistes, avant les nettoyages ethniques, les minoritaires étaient actifs dans ces mouvements. Pour les qualifier, Maalouf emploie une image qui me plait "pollinisateurs". Une histoire complexe avec des personnages demi-dieux à deux visages, tels Janus, Nasser et Churchill, par exemple. L Histoire que raconte cet essai est détaillée et nuancée, jamais manichéiste. 

Par étapes, par touches successives, on reverra les dates essentielles 1967, la catastrophe pour les Arabes de la région, puis Septembre Noir, les débuts de la guerre civile au Liban. 

1979, l'année du grand retournement

Maalouf est exilé à Paris.  Il assiste en tant que journaliste à La Révolution islamique à Téhéran (février 1979). La même année, en mai, Margaret Thatcher met en place une Révolution Conservatrice. Suivie de peu par Ronald Reagan. L'air du temps n'est plus aux espoirs de la Gauche. L'Islam politique ou la Main invisible du marché vont prendre le pas sur le "progressisme de la gauche".

l'Histoire contemporaine, se déroule avec ce nouvel éclairage, avec la Guerre en Afghanistan(1979), l'élection du Pape polonais, toujours dans la Guerre Froide et l'anticommunisme comme boussole des occidentaux...A la Guerre Froide va succéder l'"affrontement des civilisations". mais aussi, la montée des nationalismes et des égoïsmes; Égoïsmes nationaux, et égoïsmes individuels justifiés par la" main invisible ".

Il aurait pu peut être en être autrement, à la manière de la générosité de Mandela, les Etats Unis auraient pu négocier avec Khomeiny, tendre la main à Gorbatchev.... on ne va pas refaire L Histoire

La dernière partie du livre décrit Un monde en décomposition avec les affirmations identitaires,  la recherche d'états homogènes, comme si l'homogéité était une richesse et non pas un facteur de division.Il met aussi en évidence  la "dérive orwellienne" où Internet et la puissance de l'informatique a construit un Big Brother dont on s'accommode sans trop protester, sans parler du réchauffement de la planète.

Sommes nous sur le" Titanic qui avance en fanfare à sa perte?" 

Je n'ai pas beaucoup de goût pour le catastrophisme, même si je me rends compte de l'urgence, en revanche, j'ai beaucoup aimé la leçon d'Histoire
Lien : http://netsdevoyagescar.blog
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Trois ans après son livre Un fauteuil sur la Seine (Grasset et le Livre de Poche), où il nous racontait les vies et les aventures des personnages qui l'avaient précédé au 29e siège de l'Académie française, Amin Maalouf revient avec un essai d'une rare force, un livre porté depuis des années par un homme qui reste encore aujourd'hui, alors qu'il vient de fêter ses 70 ans, fasciné par les actualités du monde, par ce qu'elles disent de l'homme. Mais cette fascination s'est teinte depuis longtemps d'une inquiétude grandissante devant la tournure des événements. Pour tenter de dénouer les fils des mille et un faits qui constituent l'histoire des cinquante ans qui viennent de s'écouler, il est reparti de ses origines et de son pays, le Liban, ayant l'intime conviction que « c'est à partir de ma terre natale que les ténèbres ont commencé à se répandre sur le monde ». Et c'est ainsi que démarre le Naufrage des civilisations, par l'évocation d'un Liban où les habitants de toute confession se côtoyaient en bonne intelligence, par le rappel d'une Égypte où étaient installés ses grands-parents, une Égypte cosmopolite et cultivée qui n'aura de cesse d'alimenter la nostalgie maternelle. C'est sur ce socle familial qu'il va installer la trame de ses réflexions, mêlant habilement un récit personnel aux soubresauts de la grande Histoire, soubresauts qu'il côtoiera directement à de nombreuses reprises, témoin successif des prémices de la guerre civile libanaise, de la chute de Saigon ou de l'avènement de Khomeini. Amin Maalouf dégage de grands axes : l'avènement de Nasser, peut-être le dernier grand leader de la nation arabe, le terrible affront de la guerre des Six Jours dont aucun participant ne semble s'être véritablement remis, à commencer par les vainqueurs, l'année 1979 et sa double révolution conservatrice (l'arrivée au pouvoir de Thatcher et la révolution iranienne), le retournement qui nous amène aux actuelles sociétés fracturées. Il y ajoute des leçons en forme de rattrapage (oui, Nasser pouvait faire rire une assemblée égyptienne en racontant que le chef des Frères musulmans lui avait demandé de rendre le voile obligatoire), des ravalements de façade (les mauvaises intuitions de Churchill), des saillies de lumière (l'intelligence de Mandela) et une ample réflexion sur aujourd'hui. En un mot, il nous offre un livre nécessaire où l'humain n'a de cesse de se trouver et de se perdre dans l'air du temps.
Lien : https://www.pagedeslibraires..
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écouté, Audiolib que je remercie
L'humanité est au bord du désastre (sauf si un sursaut se fait jour). Comment expliquer cette situation dramatique? Amin Maalouf analyse avec pertinence et minutie les faits qu'il décrit d'un point de vue levantin, libanais surtout. Je n'appréhendais pas les faits de cette manière et ses explications m'éclairent; c'est écrit avec clarté , parait simple et cela rejoint mes préoccupations...Auteur franco-libanais Maalouf a parcouru le monde en tant que journaliste et a une vision large, géopolitique.
Je n'avais pas mesuré l'impact de la guerre des six jours!
Les propos de Nasser sur le voile, bien connus, m'ont encore fait rire. Qui pouvait imaginer le pouvoir à venir des Frères musulmans?
Ce livre me fait l'effet de la réussite d'un puzzle: il me permet de voir la situation actuelle: tout s'imbrique et concourt à mener au désastre.
Ce n'est peut-être pas à lire en ce moment de confinement car ce n'est pas optimiste mais cela donne envie de se battre (comme le colibri! qui hélas meurt à la fin) Un autre monde est peut-être encore possible...Un avis très précis et complet a été écrit, je ne peux faire mieux!
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C'est en témoin soucieux de son époque qu'Amin Maalouf lance un signal. Journaliste, l'oeil grand ouvert, il a observé ce changement d'ère où les grands équilibres mondiaux ont été bouleversés et débouchent sur un risque à l'échelle planétaire : la disparition non pas d'une civilisation, mais de l'ensemble des sociétés complexes évoluées. Nul n'est épargné par ce paradoxe contemporain : développement technologique et scientifique sans précédent d'un côté, désagrégation sociale de l'autre.
L'engrenage mortel

Une pente vers la barbarie se dessine et l'humanité a aujourd'hui le choix entre le sursaut ou la plongée mortelle du Titanic vers les bas fonds. En suivant le fil chronologique du dernier quart de siècle (déclin de l'idéologie marxiste et échec du communisme, pulvérisation du nationalisme arabe en 1967, domination d'un capitalisme obscène), Maalouf retrace la montée de sociétés sans idéaux, intolérantes et en cours de fragmentation.

Un monde plus grand et désuni

À travers le prisme de son histoire au Levant, Maalouf tire avec intelligence et finesse des grandes lignes qui nous touchent désormais aujourd'hui. Ce qu'il retient de son passé, c'est une chance manquée, les pays arabes échouant à trouver un modèle intracommunautaire moderne viable et basculant dans une spirale mortifère.

Ce phénomène s'est aujourd'hui diffusé à plus grande échelle. Loin de militer pour un retour à des nations fortes, à des empires pluriethniques comme l'Empire austro-hongrois ou ottoman, Maalouf revendique plutôt la pluralité, le respect des différences, l'acceptation d'un projet commun qui dépasse les frontières étroites des ethnies et des langues.

Les coupables ?

Pour que le monde flirte d'aussi près le gouffre, il a fallu une conjonction de facteurs aggravants et de (ir)responsables : les États-Unis qui n'ont pas su gérer la rançon du succès face à l'échec de l'Union Soviétique. L'Europe qui n'a pas su employer son rôle de vigie historique. Les pays arabes qui ont sombré dans le trou noir du fondamentalisme et de la division.

L'auteur pense qu'il est encore possible de redresser la barre. Mais il y a urgence, car les fléaux modernes sont nombreux : totalitarisme par la technologie, dérèglement climatique, renouveau des potentiels conflits géopolitiques majeurs, robotisation à outrance.

Un texte essentiel, à lire absolument pour une salutaire prise de conscience.

« Les lumières du Levant se sont éteintes. Puis les ténèbres se sont propagées à travers la planète » écrit Amin Maalouf.  Alors où vont les ténèbres ? Pour vous, je ne sais pas. En ce qui me concerne, j'ai bien une petite idée.

T. Sandorf
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L'écriture comme bouée de sauvetage

Le “bateau Monde” prend l'eau de toutes parts et quelques radeaux de médusés assistent, impuissants, au lent naufrage ; tandis que d'autres s'acharnent à détruire l'embarcation, animés par une vicieuse allégresse. Amin Maalouf, avec tout le talent et la perspicacité que nous lui connaissons, désire ne pas s'en tenir là, et il sort sa plume pour se jeter à l'eau : l'écriture est, bien souvent, une excellente bouée de sauvetage.

L'auteur des “Désorientés” (roman passionnant, dont cet essai est une forme de continuation) se livre ici à une réflexion approfondie sur les causes qui ont conduit nos civilisations vers la noyade. Et si, comme le dit Malraux : “La vérité, c'est ce qui est vérifiable”, alors Amin Maalouf remplit pleinement cette tâche en exposant des faits - ainsi que leurs fâcheuses conséquences.

Ce livre est comme une bouteille jetée à la mer, un signal de détresse. Mais il est également porteur d'espoir, par les différents modèles évoqués qui ont permis à des peuples de relever la tête pour ne plus boire la tasse. Car, tant qu'il y aura des phares (ou des sémaphores), nous pourrons éviter les nombreux écueils et maintenir le navire à flot. La manoeuvre est certes difficile, mais elle en vaut la peine. C'est le devoir de toute personne qui pense et qui a les moyens d'agir. Y aura-t-il des capitaines prêts à redresser la barre ? L'avenir nous le dira. Et si, par malheur, les civilisations doivent couler, il nous restera toujours la possibilité de faire la planche ou “d'apprendre à respirer sous l'eau” (pour reprendre la conclusion d'une blague juive concernant un nouveau Déluge).

© Thibault Marconnet
le 22 octobre 2019
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