Cher Babelio,
Chère
Clare Mackintosh,
Chers Pierre et Nathan qui m'avez proposé ce nouveau livre de la romancière galloise,
Otage, en avant-première, ainsi que la possibilité de la rencontrer pour de vrai à Paris, dans vos locaux,
Chère Hélène Almaric qui dirige la collection Blacklab aux éditions Marabout,
Chère
Françoise Smith, fidèle traductrice de l'auteure depuis son second roman,
Chère maman qui m'a enseigné la ponctualité,
Chers compatriotes, concitoyens et concitoyennes,
J'ai bien conscience de vous rendre mon humble copie avec un bon mois de retard et de faire figure de cancre parmi les trente membres sélectionnés pour cette lecture et ce rendez-vous, mais sans vouloir me dédouaner, je bénéficie de quelques circonstances atténuantes.
Tout d'abord je ne lis pas à la vitesse de l'éclair comme Flash. En cinq jours, délai entre la réception du roman et ma venue en train dans la capitale, je n'avais lu qu'un tiers du livre. Il me plaisait bien cela dit.
En janvier, quand le coronavirus existait encore, Clare n'a malheureusement pas pu se déplacer. Ou alors elle a eu peur de prendre l'avion. La rencontre s'est alors muée en rencontre virtuelle, une visioconférence où nos questions écrites étaient tirées au sort pour continuer à débattre à distance du roman. J'en avais préparées trois et seule une a été sélectionnée alors j'ai fait du boudin. D'autres auraient valu le détour, comme l'explication du prologue.
J'ai annulé mon voyage en TGV et j'ai pu récupérer l'intégralité de ma mise.
Et même si je suis bien conscient que vous vous en fichez plus encore que de l'an 40, j'ai été dérangé à deux reprises pendant que je regardais et écoutais Clare s'exprimer en français avec son accent anglo-saxon tout à fait charmant. La première fois ma sonnette a retenti à trois reprises ( ce qui n'arrive jamais ! ) mais personne n'a daigné me répondre lorsque j'ai été voir ce qu'on me voulait. Retour à la visioconférence sur mon smartphone quand soudain la coiffeuse qui tient son fonds de commerce au rez-de-chaussée m'appelle ( ce qui n'arrive jamais non plus ). Et me voilà contraint d'abandonner quelques instants l'auteure de
Te laisser partir.
- Bonjour monsieur Antyryia, je ne vous dérange pas ?
- Euh si, à vrai dire vous ne pouviez pas plus mal tomber, si on pouvait accélérer un peu d'ailleurs ... ( Je suis un garçon charmant et poli, je n'ai rien dit de tout ça, mais ça m'a brûlé les lèvres ).
- C'est vous que j'ai dérangé avec mes sonneries intempestives il y a un instant ?
Je lui confirme et j'apprends qu'en réalité elle recherchait celle de son locataire vivant dans l'appartement 1. le syndicat de copropriété était passé par là et avait remis de l'ordre dans les étiquettes des habitants de l'immeuble, reprenant tout par ordre numérique. Heureux résident du sixième et dernier appartement, mon nom se trouvait selon leur implacable logique en bas à droite. Sauf qu'il ne suffit pas de ce tour de passe-passe pour réorganiser chaque sonnette et que la mienne correspondait donc désormais à celle d'un autre locataire.
Après cet aparté, retour sur Zoom pour retrouver Clare, les lecteurs et les animateurs.
Et même si j'ai passé un très bon moment virtuel avec cette auteure que j'apprécie beaucoup ( notamment pour ses livres
Je te vois et
le choix de revivre ), j'ai amèrement regretté que toute l'intrigue soit divulguée. Nous étions pourtant plusieurs à n'avoir lu qu'une petite moitié, une première partie pleine de suspense, très psychologique, où chaque pièce de l'échiquier est placée une à une en prévision d'une seconde qui laisse davantage la place à l'action et qui révèle progressivement tout ce qui n'était alors, au mieux, que suggéré. Et qui effectivement, au niveau de sa thématique, est bien plus riche.
Conclusion : du haut de ma page 144, alors que toute révélation devait être évitée, il n'y a quasiment eu que ça. Certaines, il est vrai, incontournables pour parler d'
Otage en profondeur, et énormément de détails également dont je me serais réellement bien passé, jusqu'à une allusion à l'ultime épilogue du roman, qui ont forcément porté préjudice à mon plaisir de lecture. Il me restait quand même à voir comment tout cela allait s'articuler mais l'enthousiasme de la découverte était en grande partie retombé et c'est devenu beaucoup plus difficile d'être objectif en émettant un avis sur un roman à suspense dont une bonne moitié des paquets cadeaux restants à ouvrir avait déjà été déballé pour vous.
A l'inverse je vais en dire le moins possible pour que, le cas échéant, vous puissiez profiter à votre aise de chaque petite révélation venant clore les chapitres et vous murmurer d'en entamer un suivant.
Mais avant, je souhaitais faire un parallèle évident avec
Siège 7A, le roman de l'Allemand Sébastien Fitzek, publié deux ans plus tôt.
En effet, dans celui-ci, Mats Krüger part retrouver sa fille, Nele, et prend l'avion Buenos Aires - Berlin. Chemin faisant, le psychiatre sera confronté au pire des dilemmes : Provoquer le crash de l'avion ou sa fille mourra.
Dans
Otage, coïncidence ou pas, le pitch est exactement le même. Cette-fois c'est Mina l'héroïne, hôtesse de l'air ( ou appartenant au personnel navigant commercial faudrait-il apparemment dire désormais ), qui va abandonner provisoirement sa fille adoptive Sophia, et accessoirement, son époux infidèle Adam. Elle a honte de ce besoin d'éloignement mais va s'arranger pour prendre ce vol historique Londres - Sydney sans escale, très médiatisé.
"Tout le monde veut être associé au vol 79. Tout le monde veut entrer dans l'histoire."
Et devinez-quoi ? Un choix crucial s'offre à elle. Provoquer le crash de l'avion ou ne plus jamais revoir son enfant.
"Les instructions suivantes sauveront la vie de votre fille."
Dans les deux romans, les chapitres donnent voix, par alternance, à différents protagonistes. La petite originalité chez
Clare Mackintosh étant d'accorder de courts chapitres à différents passagers de ce vol, chacun ayant sa raison profonde et personnelle de rejoindre la capitale économique australienne.
En tout cas comme quoi c'est vraiment vilain un terroriste et ça sait appuyer là où ça fait mal.
Sur une gâchette le plus souvent.
Tout comme Sébastien Fitzek,
Clare Mackintosh nous pose donc l'ultime question : A quel sacrifice consentir quand la vie de la chair de votre chair, de l'être que vous aimez le plus au monde, est en jeu ? Quand on ne peut attendre aucune aide extérieure et que c'est à nous seul que revient la décision ? Un dilemme d'autant plus cruel que rien ne certifie que votre petit ange s'en sortira vivant et que tout indique que vous en tout cas, vous allez mourir...
En emportant avec vous des passagers innocents, par centaines. Qui n'ont rien demandé, eux non plus.
Pour une cause à laquelle vous n'avez jamais prêté allégeance.
Pas si évident de répondre objectivement, si ?
Et si vous appliquez le slogan du bon patriote "jamais nous ne céderons à la menace terroriste" comment envisager par ailleurs de continuer à vivre ?
En tout cas Mina devra prendre une décision très rapide et n'aura pas le temps de lire ce paragraphe qui l'aurait peut-être davantage aidée à peser le pour et le contre.
En tout cas
Otage prend très rapidement une tournure différente de celle de
Siège 7A et même si on avait déballé certaines de mes surprises, je dois bien avouer ne pas avoir tardé à le terminer. Je connaissais les pions et la façon globale dont ils allaient se relier, mais il faut accorder à
Clare Mackintosh un énorme talent pour le suspense. Qu'il s'agisse par ailleurs de ce qui se passe au sein de l'avion ou au sol, quand on apprend à connaître davantage Adam, le mari déchu, la nouvelle nounou Becca, ou encore l'attachante Sophia, cette fillette qui souffre de troubles de l'attachement liés à son abandon ( "Nous aimer signifie être blessée" ) et qui a des liens extrêmement complexes avec son nouveau père. Elle le rejette, à son plus grand désespoir.
"Elever des enfants est-il censé être aussi dur ? On est à la merci des émotions d'une gamine de cinq ans."
Très intéressante par ailleurs cette analyse sur le trouble psychologique de Sophia, rayon clair obscur qui ajoute beaucoup au charme du roman.
Qui hélas, après des pages et des pages de tension, s'achève avec des chapitres irréalistes, on ne peut plus lisses et dépourvus de tout intérêt.
Etre tendu tout au long de ces pages qui se tournent toutes seules et nous offrir un tel atterrissage ... Dire que j'ai été déçu relève de l'euphémisme.
Mais malgré cette dissonance finale, il s'agit d'un bon thriller à mi-chemin entre action et réflexion, et dans tous les cas d'un très bon divertissement.