Au passage des grelots, dans le cercle des Malraux

Alain Malraux est le neveu d'André Malraux. Il a été élevé par lui, sa mère ayant épousé son beau-frère après la mort en déportation pour fait de résistance de son mari, Roland, le frère de Malraux. Si dans Les marronniers de Boulogne Alain a raconté son enfance à l'ombre du grand homme, ici le sujet n'est plus seulement familial, mais plutôt une chronique (souvent mondaine) de la France des années 30 aux années 80 à travers le portrait de résistants, de musiciens, d'hommes politiques, d'écrivains qu'Alain a côtoyés grâce à sa proximité d'André Malraux.

Ainsi, outre que l'on apprend de multiples anecdotes personnelles, dans un langage châtié (un peu trop) et un ton tantôt laudatif tantôt railleur, Alain Malraux nous gratifie des faits gestes traits physiques et de caractères de personnages connus et moins connus. L'exercice n'a assurément pas la force que j'avais trouvée au témoignage livré dans Les marronniers de Boulogne, mais loin d’être désagréable, il se lit avec un certain plaisir.
Merci à Babelio et aux Éditions Larousse pour cette perambulation dans le cercle des Malraux.

Au passage des grelots. Le titre est curieux. Mais à bien y réfléchir…

Grelot, petite boule métallique contenant une bille et qu'on agite pour attirer l'attention, nous dit le dictionnaire. On pense alors à la sonnaille aigrelette de la troïka glissant sur la neige et avertissant de son passage. Ou encore à celle plus théâtrale du bouffon qui veut quant à lui mobiliser l'assistance à ses pitreries. Alain Malraux a certainement voulu attirer notre attention avec pareil titre à son ouvrage. À moins que ce ne soient ses souvenirs qui se signalent ainsi en son esprit. Autant de fantômes hantant sa mémoire et impatients d'éclater à la lumière d'un monde oublieux.

Alain Malraux est le neveu de celui qui a institutionnalisé la culture en créant son ministère : André Malraux, le père des maisons éponymes, ministre de Charles de Gaulle. Couple d'hommes politiques aussi dissemblables que fidèles l'un à l'autre. Le mariage, réussi celui-là, de la carpe et du lapin, pour la grandeur d'un pays.

Alain Malraux neveu et devenu le fils d'André, ainsi que ce dernier se faisait un devoir de le considérer, l'ayant recueilli après la disparition de son père Roland - demi-frère d'André - soustrait à jamais à la connaissance de son fils car déporté pour fait de résistance avant même sa naissance. Connaissance d'un père qu'Alain ne fera donc que par la bienveillance de sa mère, Madeleine, qu'André a adoptée également en l'épousant.

Voilà que je me rends compte, en faisant ce panégyrique familial, être tombé dans le travers que je voulais reprocher à cet ouvrage avec ses phrases aux multiples appositions et imbrications qui, si elles témoignent d'une grande maîtrise de la langue, en rendent la lecture exigeante d'attention. Une complexité syntaxique qui rend le fil de la pensée aussi difficile à suivre que le ouistiti sautant de branche en branche et d'un arbre à l'autre, généalogiques ceux-là. Une écriture qui donne le tournis aux humbles à évoquer ceux qui ont évolué dans la sphère Malraux, à laquelle Alain a été associé très jeune. Dans la proximité des plus grands, peut-être pas toujours par la notoriété, mais plus grands surtout par le souvenir qu'ils ont gravé dans l'histoire de cette famille, si ce n'est dans l'histoire tout court. Il est vrai aussi que la notoriété est essentiellement proportionnelle à l'ouverture au monde de celui qui la mesure. Alors forcément …


Famille habitée par les arts et les lettres que celle des Malraux. Famille frottée à l'abnégation de ceux qui grandissent notre espèce par le dévouement qu'ils ont eu pour une cause humaine. Mais famille aussi endurcie par le malheur qui ne l'a pas épargnée. Alors famille de grands, hauts et durs, parmi les grands de ce monde. Aussi n'est-il pas étonnant de découvrir dans pareil ouvrage des personnages au caractère bien trempé, des figures comme on dit, des hors-du-commun-des-mortels, à qui Alain Malraux dédiera un chapitre à chacun, tel qu'il a organisé son ouvrage. Un ouvrage au carrefour de destinées qui se sont croisées dans la galaxie des Malraux. Autant d'étoiles qui se sont éteintes et dont on perçoit encore le scintillement.

Je ne voudrais pas en citant quelques uns d'entre eux courir le risque de leur donner plus d'importance qu'aux autres, mais on apprécie tout en fonction de sa propre culture. J'ai bien sûr été content d'y trouver Romain Gary, Françoise Sagan, Jacques Chirac, mais surtout d'y découvrir certaines femmes surpassant nombre de leurs congénères masculins par leurs qualités humaines et la force de caractère décuplée dont elles ont dû faire preuve pour s'imposer dans un monde misogyne, le droit de vote à peine acquis pour elles. Alors oui, je me suis pris d'admiration pour une Brigitte Friang ou une Nadia Boulanger à la lecture de pareil ouvrage. Et pourquoi pas une Florence Malraux. Mais avec cette dernière, on sent bien que le lien familial a quelque peu émoussé l'objectivité de l'auteur. Témoignage d'amour familial en tout cas.

Merci à Alain Malraux de réveiller les assoupis en agitant ces grelots pour nous appeler au scintillement de ces étoiles. Parce qu'aujourd'hui, à scruter le trou noir de la déchéance dans lequel ont sombré ceux qui sont censés nous montrer le chemin, on a envie de fermer les yeux et les oreilles.

Et merci à Babelio et aux éditions Larousse de m'avoir adressé cet ouvrage dans le cadre de l'opération Masse critique.

Chronique personnelle d'une époque, de figures côtoyées, fréquentées intimement, ce livre d'Alain Malraux, neveu et fils adoptif d'André Malraux, offre souvenirs, anecdotes et témoignages.

Le sous-titre « Dans le cercle des Malraux » et la photo André Malraux-Jacqueline Kennedy peuvent donner à penser que l'on évolue dans l'entourage immédiat d'André Malraux.

Certes ce dernier y est présent mais les souvenirs sont essentiellement liés au vécu de l'auteur, à ses ressentis, ses admirations et ses perceptions.
Chaque portrait les contient et chacun y réagira selon sa propre sensibilité.
L'on y peut être emu, agacé, indifférent, admiratif ou simplement lecteur empathique de ce qu'a connu celui qui livre ses souvenirs.
La notoriété due au nom ouvre les portes à des mondes fermés au tout venant, mondes où la beauté et l'humanité se rencontrent comme la laideur et la mesquinerie.

Quelques phrases donnent un ton de « mise au point » et sur la personne et sur un moment de la vie politique de l'époque.
Acerbes, elles déterminent la position de l'auteur.

Le style m'a dérangée à plusieurs reprises : phrases longues, trop longues qui embrouillent, métaphores ou comparaisons alambiquées, vocabulaire châtié puis soudain un mot ou expression plus populaire…
Cela heurte la lecture et agace par un manque de simplicité (à bon escient) stylistique.

Quel contenu?

Les moments de celui qui se souvient, quelques précisions sociétales et d'Histoire, quelques beaux hommages mettant en lumière des noms oubliés ou peu connus du grand public, quelques moments d'émotion quand l'être évoqué s'y dévoile avec ses forces, ses faiblesses et sa tragédie mais aussi des jugements, voire des mépris, qui n'appartiennent qu'à l'auteur.

Des vies… le regard de l'auteur… et une lecture dont on se demande, en fin de compte, ce qu'elle a pu réellement nous apporter.


Merci à Babelio et aux Editions Larousse pour cette lecture.

Un livre reçu lors d'une masse critique. j'avais choisi ce livre car l'année dernière, j'avais lu et apprécié "je pense à votre destin : André Malraux et Josette Clotis - 1933-1944" de Françoise Theillou.
J'avais découvert un pan de l'histoire intime d'André Malraux et sa relation avec Josette Clotis. D'ailleurs, un des textes de cette auteure vient de ressortir et vais le lire très prochainement.
Ce texte m'avais donné envie de relire les textes d'André Malraux, également.
Cette fois, il s'agit d'un texte de son fils adoptif, son neveu qui avait perdu son père lors de la guerre.
Ce texte est constitué de portraits mondains que cet enfant, jeune homme, homme va faire lors de sa vie. Nous découvrons beaucoup de personnages et certains sont connus, moins connus.
Lors de soirées dans des hôtels particuliers du 16e , de "dîners en ville", de balades dans des parcs ou Roland Garros, lors de cours de tennis, Alain Malraux nous brosse des portraits de femmes, d'hommes intellectuels, du monde de la musique, de la littérature, de la politique.
il nous parle aussi de littérature et il a eu une vie entourée de livres (des arrivages quotidiens de service presse des maisons d'éditions), de rencontres avec des auteur(e)s (Colette, Sagan, V Ocampo..).
J'ai lu ce texte avec détachement et ai eu l'impression d'être dans un catalogue mondain (à l'image de la couverture d'ailleurs).
Ai trouvé dans ma PAL "avec une légère intimité" de Céline Malraux qui est un livre objet car il y a des documents insérés dans cet ouvrage. Il s'agit des mémoires de Madeleine, mère d'Alain Malraux. Décidément, une vie romanesque et familiale un peu compliqué chez les Malraux.
Je vais donc continuer mes lectures dans les pas du Grand Homme et vais aussi (re)lire ses textes.

Titre mystérieux invitant à s'attarder sur son contenu, "Au passage des grelots" fait appel à la métaphore du souvenir, la mémoire pouvant s'apparenter au tintement d'une clochette lorsqu'elle est amenée à resurgir subitement dans le présent. Rituel ou sortilège, image ou expression, il semble donc qu'en agitant ce grelot métaphorique, l'auteur cherche à ressusciter les personnages qui on fait le monde culturel du siècle dernier. Leur point commun? André Malraux, illustre homme politique et intellectuel français, du surcroit oncle et père adoptif de l'auteur. Qui, en effet, mieux qu'Alain Malraux pouvait dresser les portraits de ces artistes, politiciens, ou de ces auteurs qui gravitaient "dans le cercle des Malraux" (dixit le sous-titre de l'ouvrage), entre vie publique et intimité?

Car c'est peut-être dans ce jeu des contrastes que réside tout l'intérêt de cette "déambulation carnavalesque", pour citer les mots de l'auteur tel qu'il présente son livre dans sa chaleureuse dédicace personnalisée. Outre la fascinante évocation du bouillonnement culturel du XXème siècle français et d'un Paris en majuscules, outre la restitution de tout un pan du patrimoine à travers ses acteurs, il y a ce mélange de la petite et de la grande histoire. D'Horowitz à Sagan en passant par Romain Gary et sa diaphane Jean Seberg, on découvre ou redécouvre ces personnalités au croisement de la sphère privée et de la scène collective, tandis que le pays ou le monde traverse les grands soubresauts du siècle dernier.

Si, contrairement à l'un de ses précédents ouvrages, celui-là n'est pas exclusivement centré sur la personne d'André Malraux, il en subsiste évidemment quelques bribes qui resurgissent çà et là au détour des portraits de ces amis et fréquentations de la famille. le dernier chapitre, consacré à Florence Malraux ("fille de" mais surtout talentueuse assistante réalisatrice), sonne comme un hommage particulièrement émouvant. L'ouvrage se termine ainsi sur le dernier échange de mails entre l'auteur et sa cousine, quelques temps avant son décès en 2018, particulièrement fort. Malgré le ton parfois un peu académique de ce livre, l'émotion parvient donc jusqu'au lecteur et c'est tout ce qui compte.

En bref : Une galerie de portraits ressuscitant les hautes figures que comptait le cercle des Malraux au cours du XXème siècle. Racontés à travers les yeux d'Alain Malraux, neveu et fils adoptif d'André, ce livre est une immersion dans la France des Arts, de la Culture et du foisonnement intellectuel d'alors, entre sphère intime et sphère publique, entre grande et petite Histoire, entre émotion et devoir de mémoire.
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