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EAN : 9782413005292
72 pages
Delcourt (28/10/2020)
3.89/5   105 notes
Résumé :
A l'automne de sa vie, le Baron de Münchhausen se retrouve confronté au livre fraîchement publié qui raconte ses aventures.
Un livre qui, certes, lui amène une popularité et une certaine notoriété bien au-delà de la région où il réside mais qui le confronte à la mort en faisant de lui un héros de papier et non plus un conteur ! Notre baron se décide à rétablir la vérité, et quelle vérité !
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Vous vous en êtes sorti en vous tirant par les cheveux ?!
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Ce tome contient une histoire complète, indépendante de toute autre. La première édition de cet ouvrage date de 2020. Il s'agit de l'adaptation libre en bande dessinée de la vie de Karl Friedrich Hiéronymus, baron de Münchhausen (1720-1797). L'adaptation a été réalisée par Jean-Luc Masbou, pour le scénario et les dessins. La bande dessinée compte 64 planches en couleurs. le tome se termine avec 3 pages d'étude graphique des personnages, ainsi que les croquis préparatoires de chaque page, rassemblés sur 2 pages, et ceux de la couverture sur une autre page.

Il existe trois sortes de fabulateurs : ceux qui racontent leur vie de façon romanesque, ceux qui inventent des univers de toutes pièce, et ceux qui affirment avoir accompli des choses impossibles. le baron de Münchhausen était tout cela à la fois : menteur, conteur, poète. Karl Friedrich Hieronymus Freiherr von Münchhausen vint au monde le onze mai dix-sept cent vingt, dans le château de Bodenwerder, dans la région du Weserbergland. Il est vraisemblable qu'il attrapa très tôt le goût du mensonge, certainement pour se donner de l'importance. Il fut un page du prince de Brunswick, puis un mercenaire dans l'armée russe, à mener la guerre contre les turcs avec le grade de capitaine de cavalerie. Il racontait ses histoires de taverne en campement, et celles-ci commençaient à se répandre dans les salons. Finalement, lassé de la vie militaire, il revint vivre chez lui, retrouva sa femme Jacobine. Il partagea ses journées entre la chasse, l'entretien de son domaine et les bons repas.

Pendant ce temps-là, ses aventures avaient été imprimées outre-Manche, puis traduites en français, et enfin en allemand en 1786. En mai 1787, Engelbert Bodmann, un colporteur, arrive à Bodenverder avec sa camelote. Parmi les marchandises qu'il propose aux habitants, se trouve un livre : Les fabuleuses aventures sur terre et sur mer du baron de Münchhausen. Les villageois sont interloqués : ils n'imaginaient pas que leur baron soit l'objet d'un livre. le colporteur a du mal à y croire : le baron dont il a lu les aventures une dizaine de fois, serait donc un être humain réel. Tout le monde s'installe en terrasse, à la table de l'aubergiste avec une bonne bière. le colporteur indique qu'il aimerait bien rencontrer le baron. Hélas, celui-ci ne vient plus à l'auberge, car il a promis à sa femme, de ne plus rentrer saoul. Gustav décide d'aller le trouver au château pour le faire changer d'avis. Il s'y rend à pied, et trouve le jeune Hans dans la cour du château à regarder une canne avec ses cannetons. Celui-ci lui indique que le baron est parti à la chasse le matin, mails qu'il a oublié ses balles de plomb. Gustav prend le sac de balles de plomb et part dans les bois à la recherche du baron. Il le découvre à l'abri d'un bosquet, avec son fusil dans les mains, prêt à tirer sur un magnifique cerf. Il fait feu et l'atteint en pleine tête, mais avec des noyaux de cerise en guise de balle.

Une simple adaptation des aventures du baron de Münchhausen ? Pas du tout. Déjà, les pages sont réalisées par Jean-Luc Masbou, l'illustrateur de la série de Cape et de Crocs (1995-2016, 12 tomes) avec Alain Ayrolles. le lecteur est donc assuré de dessins délicieux, et c'est le cas : une narration visuelle riche en décors, avec des personnages immédiatement sympathiques, une mise en couleurs claires et gaies. C'est un vrai plaisir de lecture dès la première page. En outre, l'artiste ménage de nombreuses surprises, que ce soit les 2 strips réalisés par des invités en page 1, avec un clin d'oeil à Denis Bajram et à Jean-Michel Folon (1934-2005), ou encore les différentes formes d'illustration. Lorsque le Baron raconte une de ses aventures, l'artiste change de mode graphique. Ça commence dès l'évocation de sa vie : dessins avec des traits encrés très fins et des aplats de couleurs. Ça continue avec l'histoire qu'il raconte à Gustav : des cases évoquant une toile de Jouy, d'un joli rose cuisse de nymphe. Pour l'histoire suivante où il garde les ruches du sultan et doit mener les abeilles au champ, l'artiste prend le parti de représenter les personnages comme des pantins. Il ne s'agit pas d'une coquetterie esthétique pour épater la galerie, mais bien de donner une indication de la saveur de la narration du conteur extraordinaire qu'est le baron. Ce thème revient à plusieurs reprises : ce n'est pas la même chose entre lire ses histoires, ou l'entendre les raconter et de jouir de sa faconde.

Une simple adaptation des aventures du baron de Münchhausen ? Pas du tout car l'auteur situe son récit après les dernières aventures du baron. Il commence par retracer la genèse du livre narrant ses aventures : en 1785, Rudolf Erich Raspe (1736-1794) publie ces récits en anglais. Puis, un an plus tard, le livre est traduit en allemand par Gottfried August Bürger (1747-1794) qui les réécrit pour un livre plus poétique et satirique. Mais il n'est pas fait mention de la version française, traduite par Théophile Gautier (1836-1904), avec des illustrations de Gustave Doré (1832-1883), car elle date de 1854, bien après le décès du baron. du coup, cette histoire reprend bien une douzaine de ses aventures : un lièvre à huit pattes, aller récupérer sa hache sur la Lune, un général à moustache à qui il manque le sommet du crâne, le cheval du baron coupé en deux, et bien sûr pour finir une version du boulet chevauché par le baron, mais dans une version inédite. Ces récits sont faits par le baron en personne, et interviennent dans le fil du récit qui se déroule en mai 1787, bien après qu'il se soit rangé de sa vie militaire. de fait, le lecteur bénéficie à la fois de certaines de ses aventures, et à la fois d'une prise de recul sur le succès de ses affabulations.

Pendant ces passages au temps présent du récit (mai 1787), Jean-Luc Masbou reprend son mode de dessin classique, et c'est délicieux. Cela incite le lecteur à prendre son temps pour savourer chaque case. La bonhommie des personnages est irrésistible, d'autant plus que l'artiste exagère un soupçon l'expression de leur visage. Ils sont craquants à tous faire les yeux ronds quand le colporteur les informe de l'existence du livre sur les aventures du baron. L'aubergiste Bruder est souriant sans arrière-pensée, donnant une envie irrépressible d'aller manger une tourte chez lui, avec une bonne chope de bière. Gustav est rondouillard avec le crâne dégarni et il inspire une grande confiance, dès le premier coup d'oeil. Les cheveux du baron grisonnent et il est très élancé. Il a un visage très expressif, souvent lunaire, parfois une peu agacé quand il s'adresse à son épouse qui a une tendance affirmée à le faire redescendre sur terre, et à ne pas s'en laisser conter. Celle-ci arbore un air tout le temps un peu pincé, et réprobateur. le dessinateur soigne tout autant les tenues vestimentaires, établissant une distinction clairement visible entre celles des roturiers et des serviteurs, celles des bourgeois, et celles de la baronne et du baron.

C'est également un délice que de prendre le temps de regarder les décors, ou plutôt les environnements. le lecteur ouvre grand les yeux pour ne rien perdre des pavés des rues de Bodenwerder, des poutres apparentes en façade des maisons, des tuiles sur les toits, de la grande table en bois de l'auberge, de son enseigne avec un trou de boulet de canon, de la forme du dossier des chaises en bois. Plus loin, il regarde la porte d'entrée en pierre du domaine du château, les tourelles, la grande bâtisse principale, les escaliers menant au jardin et les rambardes en pierre. Plus loin encore, il établit la comparaison avec l'architecture du château du vicomte von Hertzberg et son jardin à la française, sans oublier les lieux exotiques où se déroulent les aventures du baron. Il prend tout autant plaisir à se promener dans les bois aux alentours du château pour retrouver le baron en train de s'adonner à la chasse avec son chien, et avec un succès très relatif. L'artiste associe les formes détourées par un trait très léger, avec une mise en couleurs riche et naturaliste, pour des paysages riants où le lecteur espère bien pouvoir se promener un jour.

Bien évidemment, le lecteur comprend avec l'introduction que le thème principal est celui de l'affabulation, de l'histoire imaginaire. Mais ce thème ne prend pas le pas sur l'histoire : il ne l'écrase pas, elle ne devient pas un simple artifice sans substance. Bien sûr il se produit une mise en abîme puisque c'est l'histoire d'un conteur hors pair, qui redécouvre ses histoires dans un livre qui les regroupent, et cette histoire est elle-même racontée par le conteur qu'est le bédéaste. Mais la forme de la narration n'a rien de nombriliste, ni d'intellectuelle. le plaisir de lecture reste au premier degré, libre au lecteur d'envisager ce second degré s'il le souhaite. S'il y est sensible, il se rend également compte que le baron évoque d'autres thèmes en passant. Il parle avec sa femme de son choix d'abandonner la guerre, pour arrêter de tuer, de la futilité d'assommer ses invités en étalant ses possessions, ou encore de ce qu'un individu peut souhaiter laisser à la postérité.

Juste une adaptation des aventures du baron de Münchhausen ? Que nenni ! Un album aux magnifiques dessins, une narration très agréable à l'oeil, jouant gentiment sur la forme pour souligner l'importance de la qualité de la narration dans une histoire. Une évocation de certaines des aventures du baron, avec une verve et une faconde au goût inoubliable. Un récit avec des réflexions justes et touchantes. Une belle histoire qui célèbre les affabulateurs.
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" Celui dont il est question dans ce livre est tout cela à la fois ! Menteur, conteur, poète...considéré longtemps comme un personnage imaginaire, tant ses aventures étaient incroyables, il a pourtant réellement existé ! ... Il s'agit du baron de Münchhausen."

Eh oui, selon Wikipédia, le baron de Munchhausen a bien existé. Cet officier, mercenaire à la solde des russes, est devenu un héros des plus populaires de la littérature allemande par les récits fantastiques de ses exploits.

Jean-Luc Masbou lui rend hommage à travers cette BD et il le fait très bien !

J'ai adoré la fantaisie qui se dégage de ce récit, tout en couleurs chatoyantes et mené tambours battants !
Je me suis beaucoup amusée de l'imagination débordante du baron, personnage infiniment sympathique et des réactions distrayantes et diverses de son auditoire.
D'autant plus que le graphisme met parfaitement bien en valeur toute cette fantaisie.
C'est beau à voir et amusant à lire. Que demande le peuple ?
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Le Baron de Munchhausen, personnage légendaire s'il en est.
On pourrait croire qu'il a été créé pour la bande dessinée, et pourtant il a bel et bien existé.
Ses aventures ont enrichies l'imaginaire populaire à tel point qu'il ne pouvait que devenir un héros de la littérature.
Franchement, il y a tout dans la vie de ce noble farfelu.
Jean-Luc Masbou, qui nous offre ce magnifique album, ne s'y est pas trompé d'ailleurs.
Il l'a représenté tel qu'on se l'imagine.
Physiquement, évidemment, mais aussi dans l'esprit.
Personnage haut en couleur, survolté, excentrique, affabulateur et pourtant adulé.
Dans l'histoire que nous conte ici l'auteur, notre Baron s'est retiré en son château. À la suite d'une promesse faite à son épouse, finies les soirées de beuverie à la taverne du village à narrer ses aventures rocambolesques à un auditoire conquis.
Mais voilà qu'un jour débarque un colporteur.
Dans ses bagages, un livre.
Stupéfaction dans le village, ce livre raconte les pérégrinations du fameux Baron.
Désormais tout le monde n'a qu'un objectif, le faire revenir à la taverne.
L'album est à l'image du héros, décalé par moments, classique à d'autres.
Un petit plaisir loufoque dans le monde de brutes qui nous entoure.
Je trouve le pari de Masbou plutôt réussi et l'album mérite vraiment qu'on s'y attarde, il est d'ailleurs encore temps de le mettre sous le sapin, c'est un beau cadeau, assurément.
Seul bémol, si Munchhausen a la grosse tête, le livre, lui, c'est dans son format qu'il prend de la place.





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Le Baron dont il est question, est celui de Munchhausen, un tel personnage ne pouvait manquer d'inspirer un artiste comme Jean-Luc Masbou qui nous a déjà régalés avec sa série "De cape et de crocs" chez le même éditeur.

Masbou, donne sa version personnelle du Baron et de ses aventures. Une réécriture superbe d'enthousiasme.
Quant aux graphisme et couleurs, qu'en dire ?
Que cet album grand format, avec un dos toilé s'il vous plait -petit luxe amplement mérité- est tout bonnement magnifique, on notera notamment le somptueux travail effectué au niveau des couleurs.

Vous avez aimé "De Cape et de crocs" ? Cet album ne peut que vous plaire.
Vous ne connaissez pas Masbou ? "Le Baron" est une merveilleuse opportunité de les découvrir ; lui et son univers enchanteur !
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Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou ont travaillé durant 20 ans sur « de Cape et de crocs ». A l'issue de cette série, Ayroles nous a proposé (avec Guarnido) « les Indes fourbes » qui mettait en scène le roi des affabulateurs Don Pablos de Ségovie ; Masbou nous invite, de façon similaire, à nous pencher sur un mythomane très célèbre, le baron de Münchhausen, dans « le Baron » paru aux éditions Delcourt. Il avait été popularisé grâce au cinéma et aux films de Méliès, von Baky et surtout de Terry Gilliam, mais saviez-vous qu'il avait réellement existé ? Grâce à Masbou nous découvrons bien des histoires cocasses et méconnues du célèbre aristocrate ainsi qu'un baron pas si perché que cela ! Cet album où il officie en tant qu'auteur complet lui permet, en outre, de se livrer à une réflexion sur les rapports du réel et de l'imaginaire et sur l'importance des conteurs …

L'histoire proprement dite commence lorsqu'un colporteur arrive dans le petit village de Bodenwerder et propose à la vente parmi ses étoffes, son tabac et son fil à coudre un livre « fraîchement imprimé, luxueusement, pour petits et grands » qui s'intitule : « les fabuleuses aventures sur terre et sur mer du baron de Münchhausen », les villageois en restent cois : leur seigneur local est devenu un personnage de fiction ! le colporteur est tout aussi surpris : lui qui a lu ce livre dix fois rêverait d'entendre le baron lui conter ses aventures en chair et en os … Mais voilà qui va être difficile car cela fait trois ans que le baron n'a plus mis les pieds à l'auberge « du boulet de canon » sans doute à la suite d'une dispute conjugale … Ses anciens commensaux vont s'évertuer à le faire changer d'avis …

L'album est composé d'un prologue avec l'auteur comme narrateur, d'une notice biographique, d'un récit cadre à l'aquarelle et de récits encadrés (les histoires contées par le baron à ses différents interlocuteurs) dans des styles différents. Il se termine par un double épilogue. Malgré les récits enchâssés et la multiplication des narrateurs (auteur, narrateur omniscient, le Baron et le garde-chasse), la narration reste très fluide d'autant que la différence des styles graphiques marque bien le passage de l'un à l'autre.

Ceci constitue l'originalité de cette recréation : alors que « Les aventures du baron de Münchhausen » n'étaient pas reliées entre elles mais formaient une collection de contes sans vraiment d'ordre logique, Masbou va en faire un ensemble bien plus cohérent grâce au fil rouge que constitue l'enjeu de faire venir le Baron à l'auberge pour que le colporteur l'entende de vive voix. On voit donc se succéder le garde-chasse, le capitaine puis le bourgmestre qui viennent supplier le Baron d'accéder à leur requête. Et le Baron va raconter à chacun différentes histoires selon la personnalité de son auditeur : à Gustav le garde, il contera des histoires de chasse, au capitaine, sa campagne de Russie, tandis qu'il confie au petit Hans l'aide jardinier comment il est monté sur la lune grâce à un pois de Turquie ou au cuisinier FriedHold comment il a atterri sur une île composée de fromage aux arbres qui portaient des pains frais.

Le scénario est intéressant parce que, d'une part, Masbou choisit de mettre en relief des histoires moins connues des « aventures du Baron de Münchhausen » que celles qui ont été popularisées et surtout parce qu'il décide, d'autre part, de se focaliser sur le « vrai » Baron qui a eu la particularité d'être « fictionnalisé » de son vivant ainsi que le rappelle la notice biographique présentée en chromos d'Epinal au début.
Le personnage éponyme est le seul à être « fouillé ». Les autres sont expressifs mais assez caricaturaux. On a les bons vivants « gentils » ronds et rougeauds et les personnages plus austères avec un profil d'aigle (Jacobine Münchhausen) mais ce n'est guère gênant car ils sont là pour donner la réplique au Baron et servent de faire-valoir pour en établir un portrait en creux. Ainsi, même s'il a désormais donné son nom à une maladie psychiatrique (le syndrome de Münchhausen), ce dernier apparait très humain, drôle et touchant. Il est proche de ses gens car il s'adresse avec gentillesse au petit aide -jardinier, dîne et discute d'égal à égal avec son cuisinier ou son garde-chasse. Il ne se sent pas à sa place chez le Vicomte matérialiste et snob. Il a du mal également avec sa légende : il ne supporte plus qu'on lui parle du boulet de canon, raconte la séduction de Catherine de Russie (celle de Vénus est aussi brièvement évoquée dans la planche « best of ») mais n'arrive pas du tout à amadouer sa femme ! En lisant ses propres aventures, il regarde ses mains pleines de taches de vieillesse et s'interroge sur ce qu'il est devenu. C'est mélancolique et ça parle au lecteur… Masbou en fait, enfin, l'alter ego de son père dans le prologue : ce dernier était un résistant et aimait raconter des histoires de guerre truculentes comme une sorte d'exutoire à l'horreur vécue et c'est ce que dit le baron à sa femme. Cela permet donc une réflexion sur l'art, sa nécessité, son bien-fondé dans une époque matérialiste et c'est particulièrement bienvenu en cette période troublée dans laquelle certains ont tendance à considérer les artistes comme non essentiels.

Mais ce qui rend vraiment « le Baron » abouti, ce sont les « exercices de style » qui le constituent et forment un régal pour les yeux ! Dès le prologue, pas moins de trois styles différents sont convoqués (voire quatre avec l'hommage à Folon). Mais cette page d'ouverture est l'oeuvre collective de Masbou, Jean-Luc Loyer et Turf : trois dessinateurs comme… les trois auteurs des « Aventures du baron » Münchhausen lui-même puis Raspe puis Bürger !

Le reste de l'oeuvre est assuré par Masbou seul cependant et c'est un véritable tour de force ! La mise en page est inventive et s'affranchit souvent des cases et même de la planche (nombreuses pleines pages). Les styles graphiques se multiplient à la fois pour le dessin et pour le lettrage et l'on saluera le remarquable travail de Nadège Gaudin sur ce dernier. le récit cadre (le Baron et les villageois en 1787) est exécuté dans le style « de Cape et de crocs » à l'aquarelle, les récits encadrés varient. On a ainsi une technique semblable aux Images d'Epinal pour la notice biographique, d'autres qui rappellent les motifs de la toile de Jouy pour les histoires de chasse, la campagne de Russie semble sortie d'un livre de conte illustré par Bilibine (le dessinateur reprend même ses frises cadres), les aventures contées au cuisinier le sont à la sanguine et l'on en a également d'autres mises en scène sous forme de petit théâtre de marionnettes, d‘ ombres chinoises et même de collages rococos avec motifs floraux pour la page pot-pourri de ses exploits les plus célèbres!


« le Baron » est un très bel objet-livre : grand format, dos toilé, titre gaufré et doré, beau papier épais, cahier graphique final (avec des recherches de personnages, reproduction du storyboard en intégralité et des essais de couverture) ; on dirait une édition collector ! Et l'intérieur est à l'avenant : on en prend plein les yeux tant le graphisme est superbe et varié. L'on s'amuse beaucoup grâce aux savoureuses mises en abyme et au scénario jubilatoire et l'on éprouve un tantinet de mélancolie devant la fuite du temps et le vieillissement du héros. Enfin on apprécie la profondeur de cet album puisque Masbou fait de son protagoniste un double de lui-même et des artistes qui font ce métier « pour être lus, aimés, connus, enchanter les gens ». A travers ce personnage il rend hommage à l'art et aux auteurs qui émerveillent et nous permettent de garder notre âme d'enfant. Un album parfait pour (re) donner ses lettres de noblesse au 9eme art !
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critiques presse (5)
Bedeo
22 février 2021
Les fanfaronnades du baron n’auraient pu rêver plus bel écrin que cet album : il se dégage une noblesse comique qui avait déjà fait le charme de la BD De Cape et de Crocs, et qui continue donc d’enchanter toute la littérature.
Lire la critique sur le site : Bedeo
Sceneario
04 décembre 2020
Le Baron est une oeuvre, un chef d'oeuvre signé Masbou que je vous invite à lire, à relire, à rerelire, tout simplement.
Une magnifique histoire qui fait du bien, tout simplement.
Lire la critique sur le site : Sceneario
BoDoi
24 novembre 2020
Une BD à mettre dans les mains de tous les rêveurs. Et qui ne rêve pas ?
Lire la critique sur le site : BoDoi
LigneClaire
17 novembre 2020
On se saisit avec plaisir de l’album aux images au léger teint rétro, au dessin charmant et qui rend toute la poésie des aventures du baron.
Lire la critique sur le site : LigneClaire
Elbakin.net
12 novembre 2020
Cette nouvelle adaptation du baron de Münchhausen, toujours aussi délirante, est une vraie réussite qui offrira un bon moment de lecture pour les grands comme pour les petits qui acceptent de suspendre temporairement leur incrédulité de lecteur.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
Citations et extraits (27) Voir plus Ajouter une citation
Parmi les fabulateurs, il en est de trois sortes. Il y a ceux qui racontent leur vie de façon romanesque, vous faisant partager leurs aventures, tel mon père qui agrémentait les repas de famille et les soirées, d'histoires tragicomiques de résistance, d'embuscades, de rafles et de bataille du rail. À tel point que j'en imaginais presque que si les anglas lui avaient fourni assez de matériel et d'armes, il aurait libéré la France à lui tout seul. Il y a ceux dont je fais partie qui inventent de toutes pièces des univers, des vies, ou qui sur les bases du réel, partent à l'aventure, un crayon à la main ou une caméra sur l'épaule. Par passion, ils imaginent, s'intéressent, enquêtent, restituent, enjolivant parfois et partagent avec l'espoir un peu utopique, d'en faire leur métier et d'en vivre. Il y a enfin ceux qui affirment dur comme fer avoir accompli ce que leurs auditeurs savent pertinemment n'être qu'une fiction, et qui, à la frontière entre inquiéter et amuser, vous avouent être capables d'entendre les ultrasons des chauves-souris, ou pouvoir, sous forme astrale, voyager en une nuit jusqu'aux confins de l'univers. Allez ! En bon sceptique, je leur laisse 1% de chance d'en être capables. Celui dont il est question dans ce livre est tout cela à la fois ! Menteur, conteur, poète… considéré longtemps comme un personnage imaginaire, tant ses aventures étaient incroyables, il a pourtant réellement existé ! Il s'agit du baron de Münchhausen.
Commenter  J’apprécie          40
Je tiens céans à vous prévenir mes bons amis que s'il était dans l'honorable société quelqu'un qui est porté à douter de la véracité de ce que j'avance, je serais extrêmement peiné de ce manque de confiance, et je l'avertirais qu'en ce cas, ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de se retirer avant que je commence le récit des aventures.
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- Vous êtes baron, mon cher ! Capitaine de cavalerie ! Un soldat héroïque, pas un saltimbanque !
-Et quel mal y a -t-il à être un saltimbanque ? On en tire, certes, moins d'honneurs et de médailles, mais si j'avais suivi cette voie, peut-être aurais-je été témoin de moins de batailles , de moins de violences, de moins d'atrocités. Charger sabre au clair, c'est très romantique, mais au bout de la lame il y a des cris, du sang et une tête qui tombe !
(Madame la Baronne et le baron p. 40)
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Je me plais parfois imaginer des rencontres improbables entre spécialistes d’une même discipline, mais chacun d’une époque différente. De quoi auraient parlé Mozart et Michel Petucciani s’ils s’étaient rencontrés ? Ou Copernic et Stephen Hawking ? Le choc aurait-on été trop rude, ou auraient-ils joué ou disserté toute la nuit dans un échange ponctué d’admiration réciproque ? De quoi auraient alors pu parler Neil Armstrong et le baron de Münchnhausen ? Hein?! ... De quoi ?

- Vous savez, j’y suis allé !! C’est magnifique !
- Oui ! Je sais ! (p . 64)
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- quelqu'un a jugé bon de coucher sur le papier le récit de mes voyages !
-Allos bon !!! la belle affaire ! Vous passerez à la postérité avec des contes pour enfants !!!
-Et quel mal y a-t-il à cela ? !
- votre nom sera couvert de ridicule et non de gloire !
- La gloire je vous la laisse ! En espérant que vos trois escarmouches, vos miroirs, votre lustre et votre tabac vous en apportent assez pour inscrire votre nom dans l'histoire ! Goûtez-donc votre poisson et laissez les enfants ou ceux qui savent rêver goûter mes récits !
( Le Baron et le Vicomte Von Hertzberg p. 51)
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