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EAN : 9782710330875
416 pages
La Table ronde (23/10/2008)
5/5   1 notes
Résumé :

Je fus, en 2007, choqué par l'insistance grossière avec quoi les media de gauche comme de droite, lors de l'élection de Nicolas Sarkozv et du décès du cardinal Jean-Marie Lustiger, mirent l'accent sur les origines hongroises de l'un, polonaises de l'autre ; sur le sang rastaquouère qui coulait dans leurs veines.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Vous avez dit métèque ? de Gabriel Matzneff
ou « le titre d'écrivain français »


Avec ma gueule de métèque
De juif errant, de pâtre grec
Et mes cheveux aux quatre vents…


On connaît la chanson, « le Métèque », de Georges Moustaki qui, en dépit de ses trente-neuf ans d'âge, n'a pas pris une ride. Il en va de même des articles que Gabriel Matzneff réunit sous le titre évocateur de Vous avez dit métèque ? , tant les 107 papiers publiés dans la presse (Combat, La Nation française, La Table Ronde, La Revue des Deux Mondes, le Monde, le Quotidien de Paris, le Figaro Magazine, La Revue littéraire, pour ne citer que les plus connus) et sur son site Internet (www.matzneff.com), entre 1958 et 2007, semblent actuels. Actuels, certes, mais visionnaires, parce que l'auteur y consigne un grand nombre des maux dont nous souffrons aujourd'hui, maux qu'il a identifiés il y a bien longtemps et qui peuvent être regroupés sous l'étiquette de ce qu'il appelle au début de sa préface « les crispations xénophobes » (p. 5), non seulement en France mais encore là où sévissent les identités assassines grâce à « cette apologie du droit du sang aux dépens du droit du sol » (p. 6).
Né en 1936 à Neuilly-sur-Seine dans une famille d'immigrants russe, Gabriel Matzneff fait plus que prêcher pour son saint, il parle au nom de tous ceux qui ont élu domicile en France, précisément dans la langue française. Celui qui à 22 ans écrit : « À cheval entre la société française et ce qui reste de l'émigration russe, je n'appartiens en fait à aucun milieu, à aucune communauté. […] Ma patrie ? C'est la langue française » (Cette camisole de flammes, avril 1959) ne parle pas pour lui-même, mais, comme son aîné, Cioran, corrige à coup de poing dans la gueule ceux qui se font un point d'honneur de nous rendre « étrangers à nous-mêmes ». Et Matzneff de corriger comme suit : « Une France dépossédée de son héritage païen et chrétien, oui, ce serait triste ; mais une France dépossédée de la langue de Racine et de Cioran (un bien de chez nous et un métèque, à titre d'exemple), une France où les gens ne vous tiendraient plus la porte, où les hommes ne sauraient plus que lorsqu'une femme entre dans un salon ils doivent se lever, une France de baragouineurs, de gorilles et de mufles, ce serait pire. » (p. 24)
Dans Aveux et anathèmes (1987), Cioran écrit : « On n'habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c'est cela et rien d'autre », non seulement pour exprimer son attachement à la langue française qui a réussi, chez lui, à supplanter la roumaine, mais encore pour revendiquer le statut de métèque, lequel sans doute correspond le plus à sa vision du monde, celle de l' « exilé métaphysique ». Matzneff, quant à lui, revendique pleinement son statut de métèque puisque, écrit-il, « j'ai toujours voulu voir dans ce mixte franco-russe une agréable singularité, une source d'enrichissement » (p. 277), faisant pour ainsi dire d'une pierre deux coups : d'une part, il tire satisfaction de sa double culture qui, loin de le desservir, l'enrichit et, d'autre part, il montre que vouloir est synonyme de pouvoir en cela qu'il peut être à la fois ceci et cela, celui-ci et celui-là. de fait, ceux qui ne sont que ceci ont du mal à comprendre qu'on puisse être et ceci et cela, c'est-à-dire pluriel. Rappelons-nous la fameuse pointe qui vient clore la trentième des Lettres persanes de Montesquieu : « Tant d'honneurs ne laissent pas d'être à la charge : je ne me croyais pas un homme si curieux et si rare ; et quoique j'aie très bonne opinion de moi, je ne me serais jamais imaginé que je dusse troubler le repos d'une grande ville où je n'étais point connu. Cela me fit résoudre à quitter l'habit persan, et à en endosser un à l'européenne, pour voir s'il resterait encore dans ma physionomie quelque chose d'admirable. Cet essai me fit connaître ce que je valais réellement. Libre de tous les ornements étrangers, je me vis apprécié au plus juste. J'eus sujet de me plaindre de mon tailleur, qui m'avait fait perdre en un instant l'attention et l'estime publique; car j'entrai tout à coup dans un néant affreux. Je demeurais quelquefois une heure dans une compagnie sans qu'on m'eût regardé, et qu'on m'eût mis en occasion d'ouvrir la bouche ; mais, si quelqu'un par hasard apprenait à la compagnie que j'étais Persan, j'entendais aussitôt autour de moi un bourdonnement : “Ah! Ah ! monsieur est Persan ? C'est une chose bien extraordinaire ! Comment peut-on être Persan ?” »
Matzneff est à bien des égards le digne héritier de Montesquieu et de Cioran qui ont fait de l'ironie une arme implacable. Vous avez dit métèque ? est un livre où l'on rit à gorge déployée, un livre où l'ont rit pour ne pas pleurer. Plus qu'un grand polémiste, Gabriel Matzneff est un poéticien de la polémique : « Pour grand que soit son talent de plume, un polémiste, s'il veut faire mouche, ne doit pas frapper à tort et à travers. À tirer sur tout ce qui bouge, on manque la cible. » (p. 8) Maints textes de Vous avez dit métèque ? le défendent et l'illustrent, à l'instar de la « Lettre à Jean-Pierre Faye » sur la question palestinienne dont Matzneff est le fervent défenseur . Dans cette lettre inédite datée du 30 septembre 1970, Matzneff répond à l'un de ses contemporains indigné par « le troisième génocide », article faisant référence aux massacres des fedayins et des civils palestiniens par l'armée jordanienne en septembre 1970, publié dans le journal Combat le 24 septembre 1970, et recueilli dans le Sabre de Didi (La Table Ronde, 1986). Lisons un fragment où l'auteur s'avère au fait des enjeux de la question palestinienne plus que n'importe quel écrivain arabe : « […] mais je sais aussi, et je ne pense pas que vous puissiez l'ignorer, qu'il y a des gens aux États-Unis et ailleurs (cet ailleurs désigne autant certains milieux ultras israéliens qu'une fraction de la bourgeoisie arabe) qui rêvent de résoudre la question palestinienne par un massacre général des Palestiniens, comme furent résolues en d'autres temps la question indienne et la question arménienne. La différence est que nous ne sommes pas au XIXe siècle, que les Palestiniens ne sont pas des Peaux-Rouges et que M. Yasser Arafat n'a pas l'intention de jouer le dernier des Mohicans. » (p. 153)
Impossible de ne pas rire à gorge déployée, ou de ne pas sourire tout au moins, tant Gabriel Matzneff dit vrai, même si la vérité n'est jamais bonne à entendre. Pis encore, l'auteur de Vous avez dit métèque ? n'a plus droit de cité dans la presse française. Quoi qu'il en soit, nous avons là un ouvrage à lire et à méditer, comme ses aînés, romans, poèmes, récits, journaux intimes et essais, il s'agit déjà d'un classique qui nous apprend à lire, à écrire, à penser et à aimer. Peut-être est-ce parce que l'auteur signe un « ouvrage d'un citoyen qui, nonobstant son nom à coucher dehors avec un billet de logement, revendique avec fierté le titre d'écrivain français ». (p.18)
Tenons à ce que Gabriel Matzneff ait le dernier mot : « Pourtant, le malheur nous guette, avec son sourire immuable. Nous pouvons nier le tragique, mais nous ne pouvons l'empêcher de surgir dans nos vies. Alors, c'est l'abîme. Les tenants de la loi morale veulent imaginer Sisyphe heureux. Chestov et son disciple Fondane ont dénoncé avec une juste véhémence cette imposture. La séré¬nité affectée du sage n'est que le mensonge de l'impuissance soigneusement masquée. Nous admirons les stoïciens, mais nous savons qu'ils se trompent, et qu'ils nous trompent. Nous ne sommes pas des Mucius Scaevola. Nous sommes des enfants qui marchons dans la nuit. Certes, quelques étoiles éclairent notre nuit : l'amour, l'écriture, l'amitié... Mais il suffit d'un souffle pour les éteindre. La vie, cette fragile luciole. » (p. 207)

Aymen Hacen

La Presse de Tunisie du 22 décembre 2008
Lien : http://www.lapresse.tn/page_..
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Vidéo de Gabriel Matzneff
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